Pollution en Maurienne (Savoie) : pourquoi si peu de camions utilisent-ils l'autoroute ferroviaire alpine ?

Les camions se comptent par milliers chaque jour sur les routes de la vallée de la Maurienne, en Savoie. Pourtant une alternative moins polluante existe : l'autoroute ferroviaire alpine qui transporte ces poids lourds sur les rails. Malgré cela, elle est très peu utilisée par les transporteurs.

En Savoie, la vallée de la Maurienne est le principal point de passage des poids lourds vers l'Italie. Bouchons, pollution : la qualité de l'air y est souvent médiocre voire mauvaise. Et pour cause : chaque jour, plus de 2 000 camions s'engouffrent dans le tunnel du Fréjus.
 
Pour lutter contre ce problème, la solution paraît toute simple : les mettre sur des rails. "Nous devons développer le transport ferroviaire du fret dans notre pays", plaidait encore Edouard Philippe il y a quelques mois. Une bonne idée annoncée par tous les ministres des transports depuis 10 ans. Malgré tout, moins d'une centaine de semi-remorques montent chaque jour sur les trains de l'autoroute ferroviaire alpine, pourtant moins chère. Mais pourquoi accuse-t-elle une si faible fréquentation ?

 

Un train de retard sur les horaires


Premier élément de réponse : il n'y a qu'un seul train par nuit. Et selon Stéphane Jacquemmoz, transporteur routier, les horaires ne sont pas adaptés à son activité. "La journée, les trains ne nous servent à rien parce que nos camions sont dans les usines, estime-t-il. S'il y avait plus de tains la nuit, on pourrait facilement doubler la fréquentation."

Sur cette autoroute ferroviaire, il n'y a que quatre allers-retours par jour. Alors pour demander une meilleure desserte, les transporteurs routiers se sont alliés aux écologistes "Les amis de la Terre" en mars 2019. Ensemble, ils ont écrit une lettre à la ministre des Transport, Elisabeth Borne. "Les transporteurs sont prêts à monter sur le rail. Ils le disent et ils l'écrivent. Aujourd'hui, si on veut que ça arrive, il va falloir leur proposer plus de trains", affirme Daniel Ibanez de l'association "Les amis de la Terre" qui propose, dans cette lettre, de créer un groupe de travail sous l'égide du ministère pour mettre en oeuvre le projet.
 
"A l'image des pays voisins, les infrastructures ferroviaires existantes permettent dès maintenant de réduire significativement le nombre de poids lourds sur les voies routières alpines et dans les tunnels du Fréjus et du Mont Blanc", peut-on lire dans ce document. Alors pourquoi n'y a-t-il pas plus de trains ? Ce n'est pas un problème d'infrastructures : l'Etat a dépensé 107 millions d'euros entre 2008 et 2012 pour rénover le tunnel ferroviaire et permettre à tous les poids lourds d'y passer.

 

Activité "structurellement déficitaire" ?


L'explication est économique. Malgré les investissements, l'entreprise Viia, filiale de la SNCF qui exploite ce tunnel, n'arrive pas à gagner de l'argent. Elle compte plus de 13 millions d'euros de perte en 2017 et presque autant en 2016. Pour le PDG de l'entreprise ferroviaire, les caractéristiques de cette ligne expliquent les pertes : "On est sur du franchissement de montagne, des temps très courts, ce sont des activités structurellement déficitaires, selon Thierry Le Guillous. Elles ne vivent que grâce aux subventions. Pour augmenter la fréquence, il faudrait augmenter les subventions."
 
Malgré 4,5 millions d'euros de subventions par an, ce type de transport combiné rail-route à travers les Alpes revient particulièrement cher. Car en montagne, il faut deux locomotives pour tracter une rame et les wagons utilisés, de fabrication française, sont coûteux et seraient peu efficaces.

"La technologie elle-même est relativement chère sans compter les frais d'installation. Elle est plus coûteuse que les technologies concurrentes, analyse Patrice Salini, économiste des transports. Si on veut que ça marche, il faut réfléchir à comment produire efficacement du transport combiné et pas comment on subventionne plus." Pour passer, l'an prochain, de 4 à 6 trains par jour, la ministre des Transports promet de nouvelles aides. A défaut de rentabilité contre la pollution, restent les subventions.

 
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