La dameuse de demain sera connectée ou ne sera pas. Economies de carburants, gains d'énergie, optimisation des ressources, la technologie se met au service des domaines skiables pour mesurer le manteau neigeux en temps réel et éviter la surproduction de neige de culture. Exemple à Courchevel, en Savoie.
Le traditionnel balais des dameuses, la nuit, en station, est désormais réglé comme du papier à musique. Pas question, pour les chauffeurs, de dévier de leur trace, la partition a été minutieusement composée par GPS.
A Courchevel, les 21 machines ont été équipées d'un logiciel de mesure du manteau neigeux, appelé Snowsat, capable d'évaluer à trois centimètres près la quantité de neige répartie sur 2600 mètres carré. Le système définit donc en temps réel la cartographie du domaine et les zones à combler. Finis les allers-retours inutiles, les engins de damage parcourent moins de distance et consomment donc moins de carburant.
"Je pense que, depuis qu’on a commencé avec ce système en 2017, on a pu faire en moyenne 10% d’économies de carburant par saison", indique Romain Hazucka, responsable du pôle Neige et travaux sur les pistes de la station savoyarde.
Réduire les trajets et la consommation de carburant
"Pour damer 10 hectares, autrefois les machines en parcouraient 30, depuis leur point de garage, pour aller à l’autre bout du domaine, etc.", complète Didier Bic, le directeur de Snowsat. "Aujourd’hui, les machines parcourent entre une fois et demi et deux fois la surface damée (entre 15 et 20 hectares), donc on a économisé autant de carburant", insiste le dirigeant de l'entreprise iséroise qui a inventé ce système il y a près de 20 ans.
L'Alpe d'Huez, précurseur
Et si la technologie a eu du mal à se faire une place dans les flottes des domaines skiables à l'époque, elle est aujourd'hui devenue leader du marché et équipe désormais plus de 2000 dameuses dans le monde, de l'arc alpin à l'Amérique du Nord, en passant par la Chine. L'entreprise iséroise a été rachetée en 2012 à 55% par Kässbohrer, un groupe allemand.
"On a eu beaucoup de mal, au début, à expliquer quel pouvait être l’intérêt du système, à la fois pour la mesure de hauteur de neige mais aussi pour la gestion de flotte", se souvient Didier Bic. "On est un métier de traditions et de terroir... Mais on a montré quelques chiffres et on a commencé à décoller à partir des années 2008-2010 où le système s’est un peu plus répandu dans les stations. On a commencé avec l’Alpe d’Huez, qui a été précurseur et qui a essuyé les plâtres mais qui a joué le jeu de développer ce système".
Minimiser l'utilisation des canons à neige
Car la mesure du manteau neigeux a d'autres avantages. Elle permet de réduire l'utilisation des canons à neige, de plus en plus décriés.
"Avec la carte, cela permet de voir où on a besoin de neige, et du coup de mettre en marche un seul enneigeur et pas toute la ligne, et par conséquent d’alléger notre consommation d’eau", indique Romain Hazucka.
La programmation du damage par GPS permet également aux engins de ne pas entamer la strate de terre sous la couche de poudreuse et de faire durer ainsi la qualité de la neige.
Un investissement d'un million d'euros
Domaines Skiables de France souhaite généraliser l'utilisation de cette technologie et recommande de "mesurer les hauteurs de neige afin d'adapter précisément la production au besoin", dans sa charte de sobriété énergétique publiée à l'automne 2022.
Reste que le système Snowsat n'est pas à la portée de n'importe quelle station. Courchevel a déboursé un million d'euros pour équiper son parc de dameuses.
"C’est un coût important, un GPS de cette nature-là qui est d’une précision centimétrique, c’est entre 20 000 et 30 000 euros", avance Didier Bic. "Donc c’est vrai que ce n’est pas à la portée des petites bourses. Néanmoins on a développé des solutions financières qui permettent d’être sur abonnement, ce qui permet aux petites stations d’avoir accès à ce système-là".
Pour Romain Hazucka, l'avenir des stations passera nécessairement par cette optimisation du damage. Pour lui, la cartographie présente également le point fort d'aiguiller Courchevel sur les travaux à mener l'été pour entretenir le domaine. "Ce ne sont pas forcément que des travaux de terrassement, cela peut être du broyage, de l’épierrage pour utiliser moins de neige et moins de temps ensuite, en saison".
A l'heure où le réchauffement climatique et le manque de neige remettent en cause les pratiques gourmandes en énergie, les stations de ski ont bien compris le virage qu'elles devaient amorcer à la fois pour survivre et pour ne pas susciter de désamour. La technologie devrait leur permettre de continuer à apprendre à faire mieux avec moins.