Depuis le début du mois de septembre, la chasse et ses diverses pratiques font couler beaucoup d’encre : sondage d’opinion, colère des chasseurs, accidents… Défenseurs et détracteurs s’affrontent. En Auvergne-Rhône-Alpes aussi, la chasse divise.
Défendue bec et ongles par ses pratiquants, décriée par les défenseurs de la cause animale, la chasse cristallise les tensions en Auvergne-Rhône-Alpes. Cette année, le nombre de chasseurs dans la région est estimé à quelque 115 200 permis de chasse validés, selon le président de la fédération des chasseurs d'Auvergne-Rhône-Alpes Gérard Aubert : « On n’a pas encore les chiffres définitifs car tout le monde n’a pas encore validé son permis de chasse mais on estime le nombre de chasseurs en France à 1,2 million. Ce n’est plus les 3 millions d’y a 30 ans. C’est vrai que le nombre de chasseurs à baissé, mais on a tous les ans de plus en plus de candidats au permis de chasser. Dans la Loire, cette année, on a 400 candidats inscrits. Il y a des départements où on ne peut plus accueillir car on n’a plus de place à l’examen. Ils ne vont pas tous à la chasse, on doit fidéliser environ 60 à 70% des personnes qui passent le permis de chasser. »
Dans le détail, voici le nombre de permis de chasse validés dans chaque département pour la saison précédente, donnés par les fédérations de chaque département:
- Ain : non communiqué
- Allier : 9 000
- Ardèche : non communiqué
- Cantal : 6 700
- Drôme : 10 800
- Isère : 15 537
- Loire : 9 000
- Haute-Loire : 5 500
- Puy-de-Dôme : 11 500
- Rhône : 8 500
- Savoie : 7 263
- Haute-Savoie : 7 720
Il est difficile d’évaluer précisément le nombre de chasseurs, car un chasseur peut disposer de plusieurs permis différents. Selon la fédération, cette baisse du nombre de chasseurs est liée d’une part à un « effet COVID » mais aussi à une population de chasseurs dont la moyenne d'âge reste élevée. Selon elle, le petit gibier, les proies parmi les plus prisées, ne se porte pas à merveille, ce qui décourage souvent les plus jeunes chasseurs. Pourtant, la moyenne d’âge est passée de 65 à 53 ans en une dizaine d’années en France.
Les chasses traditionnelles divisent
Des manifestations de chasseurs ont fleuri dans toute la France, défendant des chasses traditionnelles, jugées illégales par le Conseil d’Etat et dont la pratique n’est plus autorisée. L’association de défense des animaux One Voice, qui avait saisi le Conseil d’Etat, se félicite de cette décision par le biais de sa présidente Muriel Arnal : « De tout temps, gouvernement après gouvernement, les chasseurs ont fait leur loi. Maintenant ils sont en train de perdre du terrain car ils sont du vieux monde. Ils sont du monde où on peut détruire la nature juste pour son propre plaisir. Les gens ne veulent plus de ce monde-là. Vous vous rendez compte que pendant le confinement les enfants étaient confinés et n’avaient pas accès à la nature alors que les chasseurs si, sous le prétexte qu’il y avait des animaux à tuer ? »
Une motion pour défendre la chasse
Pour défendre ces pratiques, en Auvergne-Rhône-Alpes, une motion a été déposée au préfet de région par la fédération régionale des chasseurs (FDC). On peut y lire : « Depuis deux ans la chasse est attaquée comme elle ne l’a certainement jamais été auparavant. À ce titre, les récentes décisions du Conseil d’État, saisi par les associations LPO et One Voice, concernant les chasses traditionnelles ont valeur de symboles. Ces attaques en règle de notre patrimoine culturel, de nos racines rurales ne provoquent pas seulement l’incompréhension et la colère des chasseurs, mais aussi celles de tous les acteurs des territoires ruraux qui se sentent meurtris et stigmatisés. Dans le même temps, la proposition de loi DOMBREVAL qui sera étudiée à l’automne par le Sénat, vise à contraindre très fortement la détention, l’élevage et l’utilisation des animaux domestiques. Comment ne pas y voir, à nouveau, une attaque contre de nombreuses activités du monde rural : l’élevage, la chasse, la pêche ou encore l’équitation… La FRC AURA est aujourd’hui choquée car elle pense d’abord à la détresse des adeptes de chasses traditionnelles choqués par le marasme dans lequel se trouve la chasse française. Elle est en outre persuadée que ce coup porté à nos traditions sera suivi d’autres entraves qui conduiront inévitablement à la disparition de notre activité cynégétique ».
"Chaque fois qu’une chasse est attaquée, c’est la chasse qui prend un coup."
Les demandes consignées dans la motion sont variées et concernent aussi bien les chasses traditionnelles qu’un accompagnement vers l’arrêt des munitions au plomb :
- Le rétablissement de la chasse à la glu,
- Le rétablissement des chasses traditionnelles à la matole, aux pantes ainsi que la tenderie aux vanneaux, aux grives et aux merles,
- Le maintien de la chasse du petit gibier de montagne à des niveaux de prélèvement acceptables,
- L’arrêt des restrictions permanentes apportées à la réglementation des nuisibles et du piégeage pour préserver le petit gibier de plaine et la biodiversité qui lui est associée,
- La mise en place d’une véritable transition avant l’interdiction du plomb et de mesures d’accompagnement.
- Le retrait de la proposition de loi Dombreval.
Ni la chasse à la glu ni aucune des chasses traditionnelles désormais prohibées ne sont pratiquées dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pourtant, pour Jean-Pierre Gaillard, président de la FDC de l’Allier, ces arrêtés représentent une menace pour l’avenir de la chasse en France : « Les chasses traditionnelles qui ont été attaquées par le Conseil d’Etat doivent être soutenues par solidarité. On est très conscients qu’il y a un « hunt-bashing » permanent depuis quelques années. Chaque fois qu’une chasse est attaquée, c’est la chasse qui prend un coup. On a un devoir de solidarité, bien entendu. Dans l’Allier, on pratique les chasses à tir du petit et grand gibier, mais pas seulement : on a la particularité d’être un département de vénerie, de chasse à courre, qui est aussi une chasse traditionnelle et qui, elle-même, a été attaquée l’an dernier et pour laquelle il a fallu se mobiliser pour faire échouer le Référendum d’Initiative Populaire lancé par l’avocate d’associations environnementalistes ».
"La souffrance animale, je ne la vois pas du tout"
Pour Gérard Aubret, président de la FDC Auvergne-Rhône-Alpes, ces interdictions doivent être levées au plus vite : « Je ne comprends pas qu’Emmanuel Macron, qui avait pris un engagement fort en mars 2016 en assurant haut et fort devant tout le parterre de la chasse française qu’il ne toucherait pas aux chasses traditionnelles, ait laissé sa ministre s’acharner contre la chasse avec différents arrêtés établis contre les chasses traditionnelles. Quand on prend l’exemple de la chasse à la glu, les prélèvements sont minimes. Ce sont très peu d’oiseaux prélevés par très peu de personnes. On nous rétorque que c’est une chasse dans laquelle les oiseaux souffrent, c’est complétement faux. Les grives qui sont attrapées sont mises en cage pour chanter et en attirer d’autres qui, elles, sont tirées au fusil. Les oiseaux sont décollés avec un solvant, il y a très peu de glu… La souffrance animale, je ne la vois pas du tout. » Il ajoute que le préfet de région a pris « l’engagement fort » de faire remonter la motion au Premier ministre.
La question de la souffrance animale
Pourtant, c’est bien la souffrance animale qui est au cœur des préoccupations des associations de défense des animaux : « Nos enquêteurs ont ramené des images extrêmement dures de la vénerie sous terre au renard et au blaireau, de la chasse en enclos où les animaux sont élevés uniquement pour être tués à coup sûr, sans moyen de s’échapper. Il y a beaucoup de cruauté. En Auvergne-Rhône-Alpes, il y a du déterrage, il y a de la chasse d’animaux dits nuisibles comme les renards, il y a la chasse en enclos, la chasse au faisan, à la perdrix… Toutes les chasses sont cruelles. Même la chasse au tir, les animaux sont blessés, ils mettent parfois des semaines à mourir », dénonce la présidente de One Voice Muriel Arnal. Voici les images diffusées par l'association :
Suite à la publication de ces images, One Voice a mis en ligne une pétition pour une réforme radicale de la chasse qui a récolté jusqu’à présent plus de 320 000 signatures. L’association organise donc un week-end d’actions de sensibilisation dans 22 villes les 2 et 3 octobre, dont Annecy et Lyon en Auvergne-Rhône-Alpes. Ces journées ont pour but de dénoncer la "cruauté" de la chasse, une cruauté vivement contestée par Jean-Pierre Gaillard. Le président de la FDC de l’Allier y voit une forme d’anthropomorphisme : « C’est un rapport à l’animal, un rapport à la mort qu’on ne sait plus avoir, qu’on n’a plus. On est sous le joug d’une imagerie à la Walt Disney. Chaque fois qu’on tue un chevreuil, c’est Bambi qu’on assassine. Ce n’est pas de l’anthropomorphisme qu’il faut faire. La chasse est l’un des rares loisirs qui reste aux gens de la campagne. Les gens de la campagne n’ont pas tous les moyens d’aller en ville, au théâtre, ils font avec ce qu’ils ont ». Il ajoute : « La chasse est une activité très encadrée, pour laquelle les gens se comportent très bien. C’est aussi une énorme connaissance que les gens ont sur les milieux et les espèces qui le peuplent. On ne peut pas faire fi de ça au motif d’une prétendue cruauté. »
"Un rôle de régulation"
Le débat porte également sur la gestion des espèces qualifiées de « nuisibles ou susceptibles de commettre des dégâts ». Jean-Pierre Gaillard en est convaincu, certaines espèces sont en surnombre et doivent être régulées : « La chasse a un rôle de régulation d’espèces qui poseraient des problèmes si elles n’étaient pas chassées. La première de ces espèces, dans le monde agricole, c’est le sanglier. Dans l’Allier, il y a une population de sanglier relativement importante. Tous les départements de la région ont des factures de dégâts liés au sanglier relativement élevées. » Il précise que, dans l’Allier, le montant des dégâts est déjà monté à 600 000 euros « payés par les seuls chasseurs ». En moyenne, ce montant s’élève à environ 300 000 euros chaque année.
« Il y a une nécessité de prélever des sangliers. Sinon, ce seraient autant voire plus de dommages causés aux exploitations agricoles », affirme Jean-Pierre Gaillard. A la FDC Auvergne-Rhône-Alpes, Gérard Aubret insiste : « On demande l’arrêt des restrictions permanentes par rapport aux nuisibles et au piégeage. Ça devient de plus en plus compliqué. On n’est plus sur de la science ou de la technique mais sur du combat d’idées. On estime qu’il y a des espèces qui sont en surnombre et que, dans la chaîne alimentaire, la seule espèce qui peut intervenir, c’est l’homme. Il faut qu’on prélève ces animaux de façon à ce que d’autres puissent survivre. »
" Depuis le temps qu’ils régulent, on ne voit pas bien les résultats ! "
Pourtant, One Voice est catégorique : selon la présidente, l’étiquette nuisible est un paravent derrière lequel les chasseurs se cachent pour pouvoir tuer plus d’animaux. « Il y a des animaux qui sont classés « nuisibles » pour que les chasseurs puissent s’adonner à leurs loisirs toute l’année. Les renards par exemple, qui sont très utiles. Ils se nourrissent de beaucoup de mulots donc les agriculteurs n’ont plus besoin de mettre de pesticides dans leur pré. Leur présence fait qu’il y a beaucoup moins de tiques et de maladie de Lyme. Pourtant, ils sont déclarés « espèce susceptible de causer des dégâts », pour que les chasseurs aient une bonne raison de continuer leurs loisirs en dehors de la période d’ouverture de la chasse. Il n’y a aucune espèce nuisible. La nature est bien faite, elle sait se gérer et les espèces nuisibles ça n’existe pas, à part dans le regard des chasseurs qui veulent pouvoir tuer les lapins, les lièvres, les perdrix, les faisans, sans qu’un renard ne vienne en manger un ou deux ».
Muriel Arnal l’affirme, l’argument de la régulation n’est pas recevable, elle pointe d’ailleurs du doigt le fait qu’il existe des élevages d’animaux considérés comme nuisibles, comme les sangliers, qui ont vocation à être relâchés puis chassés : « Il y a des élevages de sangliers absolument partout en France. Nous sommes en train de les répertorier. C’est pour les envoyer à l’abattoir, ou pour les relâcher et les chasser. Alors quand les chasseurs disent qu’ils font ça pour la régulation, je trouve qu’ils ne sont pas très efficaces parce que depuis le temps qu’ils régulent, on ne voit pas bien les résultats ! »
Les espèces protégées en danger ?
Comme le Conseil d’Etat qui indiquait que les chasses traditionnelles n’étaient « pas conformes aux exigences du droit européen relatif à la protection des oiseaux », One Voice considère que la chasse dans son ensemble représente un danger pour les espèces menacées : « Les gens ont peur d’aller se promener mais aussi ils se rendent compte que non, les chasseurs ne sont pas les premiers écologistes de France, les chasseurs font mal aux animaux. Ils tuent des animaux qui sont vulnérables ou en train de disparaître uniquement pour leurs loisirs. En fait, quand les chasseurs nous sortent l’argument de la régulation du gibier, les sangliers par exemple ne représentent que 2% des animaux chassés. La plupart des animaux chassés en France, ce sont les oiseaux », dénonce Muriel Arnal.
Pourtant, le président Gérard Aubret affirme lui que les fédérations de chasseurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes sont très investies dans la protection des espèces et la préservation des milieux : « Une espèce emblématique de la région, qui concerne Savoie, Haute-Savoie, Drôme et Isère, le Tétras Lyre, est un oiseau qui fait l’objet de surveillances très importante de la part des fédérations de chasse depuis des années. On a même créé un organisme, « L’observatoire des galliformes de montagne ». Sont réunis dans cet observatoire les chasseurs, les présidents de parcs naturels, les associations de protection de la nature, l’OFB…Dans le Vercors, par exemple, les sociétés de chasse demandent des prélèvements à 0. Ils estiment que le Tétras ne nécessite pas de prélèvement au vu des comptages qui ont été faits précédemment. Par contre, on laisse les chasseurs chasser cette espèce, sans la tirer. » Il ajoute que les chasseurs, avec de l’argent privé ou des subventions recréent des places de champs grâce à des engins pour favoriser la reproduction du Tétras Lyre.
Seul 1 Français sur 5 est favorable à la chasse, selon un sondage
Pourtant, selon un sondage IPSOS réalisé pour One Voice, seul un Français sur cinq est favorable à la chasse.
La chasse en enclos, suscite un rejet clair : 83 % se prononcent pour son interdiction. L’interdiction de chasser des animaux dont les espèces sont en mauvais état de conservation fait sens pour neuf Français sur dix (un chiffre en forte progression : 7 points de plus). Par ailleurs, il n’y a pas d’adhésion à l’idée selon laquelle les chasseurs seraient les premiers écologistes de France (66 % ne sont pas d’accord, dont 32 % pas du tout). « On sent grâce au sondage et au quotidien que c’est une préoccupation de plus en plus forte pour les gens parce que les gens aiment la nature. Ils se rendent compte à quel point ils en ont besoin pour vivre, à quel point elle est fragile et vulnérable et à quel point il faut la protéger plutôt que de s’en servir pour un loisir qui détruit », indique Muriel Arnal.
Les réseaux sociaux au coeur du débat
Gérard Aubret, qui conteste une telle perte de popularité de la chasse, dénonce un acharnement sur les réseaux sociaux : « Je crois que ce sont les réseaux sociaux. Le fait que tout le monde, caché derrière un écran, puisse vider sa bile et s’en prendre à tout, n’importe comment en disant n’importe quoi, ça pose un vrai problème. Il se dit n’importe quoi sur la chasse à la glu. Dans le département du Var, il doit rester une douzaine de chasseurs qui chassent à la glu. C’est insignifiant et on en a fait une prédation et une destruction de l’espèce. »
En effet, sur les réseaux sociaux, certains s’indignent de la pratique et notamment des ruraux parfois excédés :
Merci aux "défenseurs de la ruralité" #chasseurs d'avoir freiné nos désirs de balade grâce à leur tirs et après avoir croisé un jeune chevreuil effrayé suivi par un chien...
— J-mProfHG (@JMprofhg) September 26, 2021
La #privatisation de l'espace rural pour une caste au nom de son loisir criminel #chasse doit cesser.
ATTENTION, la #chasse ne représente pas la #ruralité , loin de là !
— Ruraux en Colère (@RurauxC) September 18, 2021
-76% des #ruraux renoncent à leurs promenades à cause de la chasse
- 81% des ruraux demandent l'interdiction de la chasse 2 j./semaine + #vacances.#rurauxencolere #insécuritérurale #insécurité #Presidentielle pic.twitter.com/4EuzmyRgp7
En effet, selon le sondage, les trois quarts des personnes déclarant habiter près d’une zone de chasse disent d’ailleurs la craindre et adapter leur comportement en conséquence, les femmes en particulier. Quatre de ces habitants sur dix ont déjà été confrontés à des faits choquants liés à la chasse. Muriel Arnal, de One Voice, dénonce : « Il y a quelques années, les gens, à l’ouverture de la chasse, quand ils commençaient à entendre les tirs de fusil, c’était difficile de nous contacter. Maintenant, non seulement ils nous appellent mais ils gèrent les choses, ils essaient d’intervenir, ils militent. Dans les campagnes, contrairement à ce que les chasseurs veulent faire croire, les gens n’en peuvent plus. Ils en ont assez du fusil, ils en ont assez de la persécution des animaux. Ils veulent profiter de la campagne. Il y a les gens qui ont peur d’aller se promener et les gens qui souffrent de voir les animaux pourchassés tout autour d’eux ! » D'autres n'hésitent pas à prendre la défense de ce sport :
La chasse est d'abord affaire de plaisir, comme tout ce qui compte dans la vie de tout un chacun. Elle est d'autant plus essentielle qu'elle est un loisir. La chasse est d'autant plus précieuse, dans un monde singulièrement aliénant, qu'elle n'est pas affaire d'utilité.
— Franc Aller (@Franc_Aller) September 27, 2021
10/23
Le rôle de la chasse dans la vie rurale
Pourtant, de nombreux chasseurs insistent sur leur rôle dans la vie rurale : « Il faut être très prudent sur les discours de la ruralité. On a beaucoup de gens des villes qui arrivent en campagne, qu’on appelle les néo-ruraux et qui eux, effectivement, apportent ce sentiment anti-chasse, parce que quand ils arrivent à la campagne, ils voudraient qu’il y ait le calme plat, qu’il n’y ait pas de chasseurs. Mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne et ça ne fonctionnera jamais comme ça », se défend le président de la FDC Gérard Aubret, qui dénonce les attaques subies par la chasse : « Il y a des gens qui vivent très mal le fait d’être traînés dans la boue tous les matins sur les réseaux sociaux, dans la presse où le chasseur se fait taper dessus, se fait montrer du doigt comme une brute. Il y a des gens qui décident d’arrêter et c’est dramatique, qu’on arrive par acharnement à dégouter les gens d’un loisirs, d’une passion qu’ils avaient choisi ».
Pourtant, selon le sondage d’opinion de One Voice, « l’étude d’opinion montre bien qu’il n’y a pas d’opposition entre « urbains » et « ruraux » sur le sujet ; et le sentiment que la chasse serait d’une manière ou d’une autre bénéfique est même en recul chez ces derniers. Les chasseurs ne peuvent donc se proclamer porte-parole du monde rural contre les citadins. D’autant plus que les ruraux rejettent les élevages pour les relâchers encore davantage que l’ensemble de la population (82 %, soit une progression de 21 points en trois ans ) ». Pourtant, à la FDC de l'Allier, Jean-Pierre Gaillard est catégorique : « Les fédérations travaillent beaucoup sur le partage de la nature. Dans l’Allier, on est en parfaite osmose avec le syndicat de la randonnée pédestre. On travaille de concert sur du débroussaillage de chemins, sur la préservation des chemins. Les chasseurs ont un vrai rôle positif. »
De moins en moins d'accidents de chasse
Si la chasse est moins populaire, c’est aussi en raison de la crainte des accidents. Pour plus de huit Français sur dix, la chasse pose des problèmes de sécurité pour les promeneurs. Plus de six Français sur dix considèrent d’ailleurs que la chasse n’est pas un loisirs comme un autre, et 93 % d’entre eux approuveraient une obligation pour les chasseurs de passer une visite médicale annuelle avec contrôle de la vue, selon le sondage One Voice. Pourtant, la chasse est de moins en moins accidentogène, indique un rapport de l’Observatoire Français de la Biodiversité (OFB) : "La saison 2019-2020 est malgré tout plus accidentogène que la précédente, avec 141 victimes contre 131. En 2019-2020, 11 accidents mortels ont eu lieu contre 7 durant la saison précédente. Le nombre d’accidents mortels a toutefois chuté de 71% comparé à 1999. Cette saison, les accidents se sont principalement produits lors de chasse au grand gibier (56%) et au petit gibier à plume (36%), avec seulement 8% occasionnés lors de chasse au petit gibier à poil. Les auto-accidents ont augmenté, et ils se sont majoritairement produits lors de chasse au grand gibier. 90 % des victimes des accidents étaient des chasseurs. »
L’OFB liste également les principales causes d’accidents :
- Mauvaises manipulations de l'arme : principale cause des auto-accidents, suivie des chutes et du port d’arme chargée à bretelle
- Non-respect de l'angle de 30° : principale cause des accidents occasionnés lors de battues au grand gibier, suivie par le tir dans la traque et le tir sans identifier. Les accidents au grand gibier sont à 99 % dus à des fautes humaines – seul 1 % est lié à un ricochet imprévisible ou inexplicable.
- Tirs à hauteur d'homme ou en direction d’habitations et de routes ouvertes à la circulation : principales circonstances des accidents de chasse au petit gibier. Malgré l'utilisation de cartouches moins puissantes, ceux-ci sont aussi dangereux que les accidents de chasse au grand gibier.
"Il n’y a pas lieu d’avoir une inquiétude exagérée"
Dans l’Allier, Jean-Pierre Gaillard rassure : « En termes de sécurité, jamais on n’a eu aussi peu d’accidents à la chasse que depuis une dizaine d’année. Cela correspond à des efforts de formation qui ont été faits, qui portent leur fruit. C’est toujours trop mais il y a 2 ans, sur 1 million de pratiquants, on a déploré 7 décès. Je vous fais grâce du nombre de morts liés aux sports de glisse, à la montagne, où on compte les morts par dizaines. Sur ce plan-là, la chasse n’a pas à rougir. Les gens peuvent aller se promener en toute sécurité. Ils ne risquent rien. Il y a des consignes de sécurité pour la chasse au grand gibier qui sont données à chaque fois que les gens partent, les angles de tir sont connus… Il n’y a pas lieu d’avoir une inquiétude exagérée. »
Gérard Aubret prône, lui, la plus grande fermeté : « Les accidents sont toujours trop nombreux et ce n’est pas acceptable. Il faut relativiser, par rapport à l’activité et au nombre de personnes sur le terrain, on est quand même sur des chiffres qui restent inférieurs à toutes les autres activités sportives en termes d’accidents. Mais nous, c’est causé avec une arme et c’est ce qui pose problème donc, pour moi, ce n’est pas acceptable. Il faut laisser la justice faire son travail, savoir comment ça s’est passé. Si les conditions de tir mises en œuvre par le chasseur étaient complètement en dehors des règles de sécurité, pour moi, le chasseur devrait être radié à vie, comme pour les mauvais gestes dans tous les autres sports. Pour moi, s’il est avéré qu’une personne est décédée parce qu’un chasseur a eu un comportement irresponsable, alors il n’a plus rien à faire dans le milieu de la chasse. » Il rappelle que les chasseurs doivent suivre une remise à niveau tous les 10 ans, faute de quoi leur permis fait l’objet d’une suspension.
Une "réforme radicale de la chasse" réclamée
Pour One Voice et sa présidente Muriel Arnal, les revendications sont claires : « Nous souhaiterions une réforme radicale de la chasse, une totale indépendance de la police de la chasse, des vérifications annuelles par rapport au permis de chasse, des tests d’alcoolémie aussi, des jours sans chasse. C’est quelque chose qui est très soutenu aussi on le voit dans le sondage. On a proposé un jour de semaine, le dimanche et toutes les vacances scolaires, de façon à ce que les gens puissent profiter de la nature pour d’autres loisirs que de tuer. Pour les « nuisibles », il faut arrêter de les élever, laisser revenir les prédateurs naturels que sont par exemple les loups. Il faut laisser la nature faire, ou il y a des méthodes comme la stérilisation. S’il y a vraiment besoin de tuer des animaux, que ça ne soit pas des gens qui le font pour le plaisir qui s’en occupent. Les chasseurs ne tuent pas les animaux pour les réguler. Ils veulent au contraire maintenir les animaux pour qu’il y en ait les années suivantes et ainsi de suite. »
La chasse, une "tradition française"
Du côté des chasseurs, Gérard Aubret défend une certaine philosophie de vie et un héritage culturel : « C’est une tradition française, un héritage de la révolution qui perdure depuis. C’est un loisirs avant tout. La chasse a le mérite de mélanger tous les genres de la société. C’est la seule activité, je crois, qui peut mettre autour de la table des gens très érudits avec des gens qui le sont moins, des ouvriers avec des cadres, des médecins, des notaires… C’est un intérêt de la chasse, le côté social et humain. Je suis un patriote et fier de l’être. Je suis attaché aux traditions françaises, dont la chasse. Je ne suis pas gêné pour tuer un jeune chevreuil, un jeune cerf, un jeune sanglier quand c’est nécessaire par rapport à nos prélèvements, de tuer une marmotte s’il le faut. Ça ne me gêne pas. Ce n’est pas pour ça qu’on n’aime pas les animaux et qu’on est des brutes sanguinaires. Pour moi c’est une philosophie, un mode de vie. C’est se lever tôt le matin pour aller prélever un renard ou un chevreuil et contempler la nature qui nous environne. »
La chasse en Auvergne-Rhône-Alpes représente, selon sa fédération, 258 000 000 € de PIB, 3 160 emplois directs et 70 128 emplois bénévoles.
"Faut-il interdire la chasse, ce loisirs qui divise et déchaîne les passions ?", on en parle vendredi 1er octobre à 18h30 dans l'émission "On décode" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. Vous pouvez participer ou réagir en posant vos questions grâce au formulaire ci-dessous.