A 3 mois des régionales, une enquête de Médiapart sur les subventions allouées aux communes par la Région Auvergne Rhône-Alpes jette un pavé dans la mare. Depuis mercredi, c'est l'escalade. Le groupe socialiste de la région annonce saisir le parquet national financier. Laurent Wauquiez riposte.
L'enquête du journal en ligne Médiapart (article payant) a été publiée ce mercredi 10 mars 2021 et crée des remous en Auvergne Rhône-Alpes, à trois mois des élections régionales. En analysant les subventions de la région Auvergne-Rhône-Alpes versées aux communes, Mediapart affirme qu'elles sont près de trois fois plus importantes pour celles administrées par la droite que pour celles gérées par la gauche. L'enquête pointe notamment un fort déséquilibre entre la Haute-Loire, bastion du président régional Laurent Wauquiez (LR), et les autres départements.
"Des déséquilibres..."
Ilyes Ramdani, Journaliste à Mediapart explique : "Il y a effectivement un financement très important des petites villes, des villages dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Mais ce n'est pas notre sujet. Notre sujet, c'est : selon des critères géographiques ou l'implantation personnelle de Laurent Wauquiez et selon des critères politiques (selon que le vote à gauche ou à droite des habitants), est-ce qu'il y a des déséquilibres anormaux ? Et de fait, oui, il y a des déséquilibres anormaux, politiciens. Et c'est ce qu'on écrit dans cet article".
Saisie du Parquet National Financier par le groupe Socialiste
Le groupe socialiste de la région Auvergne-Rhône-Alpes a réagi au lendemain de la publication de l'enquête de Médiapart et annoncé saisir le parquet national financier (PNF) sur l'attribution "opaque" de subventions par son président Laurent Wauquiez (LR).
"Médiapart a publié hier une enquête fondée sur des chiffres indiscutables et des enregistrements sonores qui prouvent que Laurent Wauquiez a mis en place, dès son élection en 2016, un système opaque de distribution de subventions au profit des territoires de droite afin de garantir sa réélection", a écrit Jean-François Debat, président du groupe d'opposition à la région dans un communiqué.
Des écarts entre les départements ?
A l'échelle des départements, la Haute-Loire, fief de Laurent Wauquiez, est la mieux traitée avec 125,6 euros de subventions régionales en moyenne par habitant contre 10,9 euros pour le Rhône, selon Médiapart.
"Nous avons également démontré que l'agglomération du Puy-en-Velay (ville dirigée par Laurent Wauquiez de 2008 à 2016, ndlr) a obtenu près de 120 millions d'euros de subventions et d'investissement public de la Région depuis 2016, soit trois à quatre fois plus que des territoires de même strate", ajoute Jean-François Debat, qui dénonce des "écarts scandaleux" entre les départements. "Quand un habitant de Haute-Loire perçoit en moyenne 125 euros, un habitant de l'Allier ne perçoit que 12 euros", souligne-t-il.
Le groupe socialiste et démocrate a dit saisir "officiellement le PNF d'éléments nouveaux et de preuves permettant de corroborer des faits susceptibles d'être qualifiés de détournements de fonds publics". "Nous saisissons également la Chambre Régionale des Comptes", poursuit-il.
Laurent Wauquiez riposte
De son côté, le président de région LR Laurent Wauquiez a contesté des "faits faux et mensongers" et porté plainte "pour diffamation et dénonciation de faits mensongers", saisissant à son tour le PNF sur la gestion de son prédécesseur socialiste.
Dans une déclaration transmise à l'AFP, Laurent Wauquiez a contesté "avec la plus grande fermeté les faits faux et mensongers avancés par M. Debat et l'instrumentalisation politique qu'il fait de la justice en période de campagne" avant les régionales de juin.
Il a annoncé déposer "plainte pour diffamation et dénonciation de faits mensongers" contre Jean-François Debat et saisir le PNF et la Chambre régionale des comptes "sur la politique menée à l'époque par l'exécutif de Jean-Jack Queyranne", président socialiste de la région Rhône-Alpes entre 2004 et 2015. Selon lui "la politique d'attribution des aides de la région à (cette) époque était discrétionnaire au profit uniquement de quelques communes, laissant de côté toutes les petites communes rurales et majoritairement celles qui n'étaient pas de leur sensibilité politique".
►La réaction de Laurent Wauquiez au micro de France 3 Rhône-Alpes
Interrogé ce vendredi matin, 12 mars, en marge d'une conférence de presse sur la sécurité : "Il y a eu des attaques qui ont été portées par l'opposition. Je regrette qu'elle prenne dans cette campagne, un chemin de dénigrement et d'instrumentalisation de la justice. Je ne peux pas accepter qu'on diffuse des faits qui sont mensongers et j'ai donc décidé de porter plainte pour diffamation", a déclaré le président de région. "Je voudrais donner un chiffre. Sur la ville de Villeurbanne nous avons mis 88 millions d'euros (...). Pour moi pas de place pour des polémiques inutiles. Nous soutenons 90% des communes de notre région, toutes sensibilités politiques confondues et je me souviens d'une époque où la ville de Bourg-en-Bresse qui était dirigée par M.Debat captait trois fois plus d'aides de la Région que toutes les autres communes. Nous, nous aidons tout le monde ...Je pense que l'opposition ferait mieux d'être dans un travail concret plutôt que de chercher à instrumentaliser des faits mensongers !"
Le cas de Villeurbanne
Le maire PS de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael a également réagi ce jeudi à l’enquête de Mediapart sur les subventions de la Région Auvergne Rhône-Alpes. Dans ce dossier, il est notamment question d’un enregistrement daté de 2016. Cédric Van Styvendael a quant à lui annoncé qu'il allait "saisir le préfet" afin que la chambre régionale des comptes se penche sur l'attribution des subventions à sa ville, qui subirait un "traitement de défaveur". La vingtième ville française n'a, selon lui, reçu que 823.000 euros de "subventions directes de fonctionnement et d'investissement" de la région sous la présidence de Laurent Wauquiez, contre 2,3 millions d'euros sous la mandature précédente.
Cédric Van Styvendael a fustigé Laurent Wauquiez pour avoir "planifié et théorisé les financements de la région comme des services à des villes amies", en "faisant fi des besoins réels des populations concernées".
La région Auvergne-Rhône-Alpes a dit, dans un communiqué, assumer "totalement le rééquilibrage des aides". Et s'agissant de Villeurbanne, elle estime avoir versé près de 89 millions d'euros "sur le périmètre de la commune" depuis 2016, en additionnant toutes les subventions directes, le soutien aux structures culturelles ou universitaires et la reconstruction d'un lycée.