Mouhssine Zouine a ouvert sa boulangerie à Saint-Marcellin en Isère en octobre 2020. Mais depuis plusieurs mois, ce quadragénaire - né en France de parents marocains - dit être victime d’actes racistes. Des insultes et des incivilités au quotidien que le commerçant ne peut plus supporter. Après presque deux ans d’activité, il envisage de fermer boutique.
« Dina l’amie du Pain », c’est le nom de la boulangerie de Mouhssine Zouine, ouverte en octobre 2020 à Saint-Marcellin. Un projet de longue date pour ce quadragénaire né en France de parents marocains, ancien chauffeur routier intérimaire puis employé de boulangerie à Valence et à Romans-sur-Isère dans la Drôme.
Il y a près de 2 ans, il a voulu, à son tour, ouvrir son commerce. Une boulangerie dans laquelle il propose des baguettes, des croissants, du snacking, mais aussi des pâtisseries orientales. Une particularité qui tenait à cœur à ce boulanger de confession musulmane. « Une façon de combler un manque en la matière sur le secteur de Saint-Marcellin », dit-il.
Mais le rêve de Mouhssine vire au cauchemar. Car depuis son installation dans la petite commune de l’Isère, l’homme est victime de menaces racistes. Une situation qui a empiré à l’hiver 2021.
Crachats, poubelles renversées et insultes
Crachats, poubelles renversées, insultes, le boulanger en découvre chaque jour. Il nous confie : "Je ne viens plus travailler aussi tôt qu’avant, je viens que quand il fait jour à 6h30 alors que je devrais être là à 3h du matin." La peur ? L'homme, au bord des larmes, ne répond pas.
Il reprend : "Les poubelles maintenant, je les amène chez moi, car je les retrouve vidées devant le magasin. Il y a aussi les crachats sur ma vitrine et sur ma terrasse." Et puis "les gens qui rentrent dans le magasin et dès qu’ils tombent sur de la pâtisserie orientale, ils disent : 'c’est un magasin d’Arabe ici' et ils font demi-tour. Mais que ça te touche, ou que ça te fasse du mal, les gens s’en foutent."
La semaine dernière, une dame qui promenait son chien s’est arrêtée devant mon magasin et a dit : 'Je n’aime pas les Marocains'.
Mouhssine Zouine, boulanger à Saint-Marcellin
Excédé, le boulanger a exprimé son ras-le-bol sur les réseaux sociaux il y a quelques jours. Dans un long post, publié sur la page du groupe Facebook "Tu es de Saint Marcellin si…", il dénonce les actes de racisme et la violence dont il est victime chaque jour depuis qu’il s’est installé dans cette petite commune : "Je n’oblige personne à venir au magasin !!! Il est ouvert au public, tout est fait maison avec des produits 100% région, 100% Français et je travaille entre 15 et 20h par jour. "
Messages de soutien
Depuis ce coup de gueule, celui que ses clients appellent "Mouss" a reçu de nombreux messages de soutien. Sa publication a été largement partagée, presque 200 personnes ont commenté et apporté leur soutien au boulanger : "Courage Mouss. Je comprends, tu as raison de faire savoir ton ras-le-bol de ces actes, c’est écœurant... Tu mérites plutôt reconnaissance pour ton travail, ton accueil et ta gentillesse !" ,a commenté Catherine sous le post du boulanger. D’autres clients réguliers de la boulangerie partagent leur soutien : "J’habite dans le quartier, je suis client chez Mouss depuis qu’il a ouvert. Ca fait plusieurs fois qu’il m’en parle et quand j’ai vu la situation j’ai dit ce n’est pas supportable, c’est un grand travailleur, sympathique, ouvert et il a une gentillesse incroyable."
"Ces soutiens, ça fait plaisir, chaud au cœur, explique Mouss. J’ai des clients qui viennent tous les jours, des gens qui m’appellent. Des clients m’ont dit de porter plainte, mais je ne veux pas. Ça sert à rien de porter plainte contre X."
Fermer boutique ?
Malgré tout ce qu’il subit, quand il est à la boulangerie Mouhssine fait bonne figure. "Le visage du commerce, ce n’est pas la vitrine qu’il le donne, c’est le commerçant. Si tu n’es pas commerçant, tu as tout perdu, j’essaye d’être droit, d’être souriant, d’être gentil", explique-t-il. Mais aujourd’hui celui qui a tout investi dans ce projet se dit à bout : "J'ai donné mon temps, mon argent et surtout ma vie de famille. J’ai laissé de côté ma femme et mes enfants pour être là du matin au soir".
C’est un cercle vicieux, les gens voient que ta boulangerie se fait saccager, qu’il y a des problèmes donc ils ne viennent plus.
Mouhssine Zouine, boulanger à Saint-Marcellin
Le boulanger, pour qui les dettes se creusent de plus en plus, envisage de fermer boutique d'ici à cet été : "Il y a des gens qui ne viennent plus. Est-ce qu’il y a un boycott ? Mon chiffre d'affaires baisse depuis pas mal de temps, des gens ne viennent plus, sans doute à cause de ça. Endetté, je ne l'ai jamais été... Lla clé sous la porte elle n’est pas loin... Mais je fais en sorte de me battre."