Mercosur. Opposés à l'accord de libre échange, ces agriculteurs rebaptisent les communes du nom de villes d'Amérique du Sud

Le mouvement d'opposition au Mercosur, cet accord de libre échange commercial avec l'Amérique du Sud, a débuté dans la nuit de vendredi à samedi. Des panneaux d'entrée de communes ont été masqués par des bâches portant le nom de sites sud-américains.

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Munis de leurs bâches agricoles, des éleveurs de la Sarthe ont enveloppé des panneaux d'entrée de plusieurs communes de leur canton. Sur le plastique, ils ont inscrit des noms de villes d'Amérique du Sud comme Brasilia, Copacabana ou encore Buenos Aires.

Dans les prochains jours, l'Union Européenne doit se prononcer sur cet accord commercial très polémique qu'est le Mercosur, un accord de libre-échange entre l'Europe et l'Amérique du Sud, un projet vieux d'une vingtaine d'années, en passe donc d'être signé. Mais, ce qui est présenté comme un accord visant à faciliter les échanges commerciaux entre les deux continents, contient, entre les lignes, des effets potentiellement dangereux pour l'agriculture française.

Des dangers pour la santé des consommateurs 

C'est ce que dénoncent les syndicats agricoles qui parlent d'une concurrence déloyale et de dangers pour la santé des consommateurs. Car autoriser l'importation de productions de ces pays d'outre-Atlantique, c'est mettre en concurrence des produits français qui respectent des normes environnementales et sanitaires avec des produits qui ne sont pas soumis à ces contraintes.

C'est le point de vue de Matthieu Riauté, éleveur à Parcé-sur-Sarthe, et président des Jeunes Agriculteurs de Sablé-sur-Sarthe. Installé sur une propriété familiale avec deux associés, Matthieu élève 75 vaches laitières, possède un atelier de volailles pour des œufs de consommation et cultive également du blé et du maïs.

"Il faut que la population soit de notre côté"

Il s'inquiète surtout pour la filière de la viande bovine et volailles de chair. Il veut défendre le métier et c'est pour ça qu'il se mobilise contre le Mercosur. Pour lui, cet accord va faire peser un grand danger sur ces filières en France, risquant, sous l'effet d'une concurrence déloyale, de la faire disparaître. C'est une question de souveraineté alimentaire selon lui.

"On ne veut pas se mettre la population à dos, dit-il à propos de ce mouvement qui débute. On ne veut pas faire de casse, mais il faut qu'on se fasse voir et que la population soit de notre côté. Si un jour les frontières se ferment et que l'accord a été accepté, en France, on n'aura plus assez pour subvenir aux besoins de la population. On nous impose des normes de qualité +++ et on fait venir des produits étrangers où il n'y a aucune norme. Où alors, si on continue d'importer des produits sans norme, qu'on nous impose pas toutes ces normes !"

Cyril Lemaître, est, lui, installé depuis cinq ans sur la commune d'Auvers-le-Hamon. En tant que président des Jeunes Agriculteurs de la Sarthe, il part également au combat contre le Mercosur. Cet éleveur craint une déstabilisation du marché européen sur le marché de la viande.

"Là-bas, ils nous vendent les poulets à la javel avant de nous les expédier, dit-il (Le poulet passé au chlore pour désinfection est interdit d'importation en Union européenne depuis 1997). Oui, l'Europe va vendre des voitures au Mercosur, mais la souveraineté alimentaire européenne est en jeu."

Comme il y a un an

Cette colère qui commence à s'afficher rappelle au syndicaliste la mobilisation de l'an dernier.

"On redémarre comme il y a un an, jour pour jour, où on commençait à retourner les panneaux des communes, se souvient-il. Lundi, on sera tous présents devant nos préfectures afin de faire comprendre à l'Etat qu'il est grand temps de réagir face au Mercosur. Les sujets du mois de janvier (2024), on ne les a pas oubliés !"

Jean-Marie Verdier, producteur de céréales et de volaille à chair dans le sud de la Sarthe, ne dit pas autre chose. L'année a été déjà tendue du fait des pluies abondantes. Cette menace que fait peser un accord de libre-échange vient s'ajouter à une conjoncture difficile.

"Ce qui vient de l'étranger est produit avec des antibiotiques, dit-il, alors que nous, on n'utilise plus d'antibiotiques ou très peu. On entend parler d'hormones de croissance au Brésil. Vous faites de la viande à pas cher, c'est sûr, mais pas la même que nous ! On ne peut pas lutter contre ça."

"On finit d'achever notre principe d'agriculture responsable"

"En terme de bilan carbone, ce n'est pas cohérent, fait remarquer Didier Bouttier, secrétaire général adjoint à la FDSEA 72. Les exploitations, financièrement, sont très mal (du fait des conditions météo), si on rajoute à ça des coups de massue avec des importations de matière première à concurrence déloyale, on finit d'achever notre principe d'agriculture responsable."

Dans la nuit de vendredi à samedi, des syndicalistes de la FDSEA 72 et des Jeunes Agriculteurs 72 ont donc symboliquement rebaptisé des communes en leur donnant des noms de villes d'Amérique du Sud. 

Ce lundi 18 novembre, en soirée, des rassemblements sont annoncés devant les préfectures pour demander à l’État "des actions rapides et adaptées à la gravité de la situation".

Olivier Quentin avec Guillaume Perrot.

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