Témoignage. "Ce n'est pas 2400 salariés, ce sont 2400 familles" : la colère d'un vendeur d'Auchan, dont le métier disparaît

Publié le Écrit par Claire Chevalier
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Hervé Sénécat vend des télévisions à Auchan Petite-Forêt (Nord) depuis 37 ans. Il a appris début novembre que son poste allait purement et simplement disparaître. Une plongée dans l'inconnu pour ce salarié et sa famille. Il oscille entre amertume et colère depuis les annonces du groupe Auchan d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui concerne 2389 salariés en France.

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Les allées du magasin Auchan Petite-Forêt, Hervé Sénécat les connaît comme sa poche. Il y est entré jeune homme, à tout juste 22 ans. À l’époque, internet et le e-commerce n'existaient pas. Les clients faisaient parfois la queue, le samedi, pour obtenir ses précieux conseils de vendeur en électroménager.

Lui-même évoque la belle époque d'Auchan, les années 1980-1990. Un temps aujourd'hui qui lui paraît bien loin. Depuis, Hervé Sénécat a fêté ses 59 ans dont 37 dans les rayons d'Auchan Petite-Forêt, près de Valenciennes (Nord).

Il se souviendra longtemps de ce jour, début novembre 2024 où la direction et les ressources humaines l’ont reçu avec ses 10 collègues conseillers commerciaux : "quand vous apprenez du jour au lendemain, que vous allez être licencié après 37 ans de boutique, ça fait mal ! Quand on parle de 2400 salariés, je dirais plutôt 2400 familles ! Nous avons des enfants encore en étude, ça va être compliqué".

Colère et amertume

Surtout, Hervé Sénécat est aussi délégué syndical Force ouvrière et secrétaire du CSE. Il raconte : "C'est de la colère, parce que ça fait des années qu'en CSE on ne cesse de leur dire que leurs stratégies, leurs procédures pour améliorer la situation - qui se dégrade depuis plus de 15 ans - c'est une catastrophe ! On a des changements tous les 2 ans de directeur général. Là, ils nous parlent de 2032, ce sont des caps qui n'ont pas d'influence sur les résultats. Ils ont fait d'énormes erreurs stratégiques".

Alors, sans trop se faire d'illusions, il espère retrouver un poste, pour finir sa carrière, comme ses collègues conseillers commerciaux licenciés dans les 119 hypermarchés Auchan de France : "Nous, ce qu'on demande c'est au minimum du reclassement. On ne veut pas être mis à la porte comme ça. Tous les conseillers ont entre 20 et 35 ans d'ancienneté. Ils ont tous plus de 40 ans. Ça va être hyper compliqué".

On ne veut pas être mis à la porte comme ça. Tous les conseillers ont entre 20 et 35 ans d'ancienneté. Ils ont tous plus de 40 ans.

Hervé Sénécat, délégué FO Auchan Petite-Forêt

Et puis, il souligne l'attachement de beaucoup des salariés au groupe Auchan qu'ils n'imaginaient pas devoir quitter un jour : "le pire c'est qu'on aime notre entreprise. On a connu de très bonnes années, les années 1980/90. Ça a commencé à se dégrader à partir des années 2000. On a tout donné à notre entreprise".

Le groupe a énormément investi à l'étranger et, malheureusement, il a un peu abandonné la France. C'est ce qu'on leur reproche d'ailleurs. Quand vous voyez un magasin comme le mien, il aurait du être refait il y a 20 ans, ça c'est dégradé. Notre colère vient de là, on se sent abandonnés.

Hervé Sénécat, délégué FO Auchan Petite-Forêt (Nord)

L'amertume pointe le bout de son nez. "C'est grâce à tous ces salariés, qu'Auchan a pu grandir, s'expatrier à l'étranger. Le groupe a énormément investi à l'étranger et, malheureusement, il a un peu abandonné la France. C'est ce qu'on leur reproche d'ailleurs. Quand vous voyez un magasin comme le mien, il aurait dû être refait il y a 20 ans, ça s'est dégradé. Notre colère vient de là, on se sent abandonnés".

Les premiers avant d'autres ?

David Grassart, son collègue de la CGT, lâche : "Mulliez a créé Auchan il y a 60 ans, on était un fleuron et aujourd'hui on est le dernier des derniers, dépassés par la concurrence".

Surtout, tous les deux redoutent d'autres annonces de la direction d'Auchan. Notamment avec la réduction de la taille des hypermarchés, déjà engagée. Celui de Petite-Forêt devrait être un des premiers concernés. Hervé Sénécat affirme : "On réduit la surface d'un tiers,  forcément, on réduira le personnel, ça ne fait que commencer ! Les plans vont s'enchaîner. Mais Auchan y va par étapes, pour éviter une trop grosse casse sociale, que ça ne fasse pas trop grosse masse". 

David Grassart, qui travaille au rayon fruits et légumes, pense la même chose : "Ici, le magasin fait 16 000 m2, il devait passer en 2025 à 10 500 m2... Une baisse superficie d'un tiers, vous risquez une baisse d'un tiers des salariés. Ça me paraît logique ! Le PSE de 2024, ce n'est que le début. Il y a le feu dans la maison Auchan. Il va falloir que nos dirigeants, depuis 25 ans, prennent leurs responsabilités. On a eu 17 directeurs généraux". 

Nathalie Thuillier, hôtesse de caisse et représentante du personnel se dit aussi rongée par l'inquiétude : "La réduction de surface, ça nous inquiète. On a tous une maison à payer, des charges. Et cette annonce, en pleine periode de Noël, avec des enfants... Je me dis, on a plus la sureté de l'emploi et j'aurais jamais pensé ça..." 

Dans un premier temps, avec Herbé Sénécat, ils entendent se battre pour obtenir le reclassement des salariés licenciés. David Grassart gronde : "On parle d'Auchan qui fait partie de l'AFM (NDLR : Association familiale Mulliez), un groupe avec Leroy Merlin, Kiloutou, Kiabi, Décathlon, Boulanger... Ce qu'on souhaiterait c'est que les salariés impactés puissent être reclassés dans les magasins du groupe de la famille Mulliez". Même s'ils ne sont plus très optimistes, ils voient tous dans cette proposition une petite lueur d'espoir. 

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