Témoignage. "On a très peur de revenir vivre ici", deux ans après l'incendie meurtrier de Vaulx-en-Velin, le traumatisme des sinistrés reste vif

Publié le Écrit par Dolores Mazzola et Clémence Delarbre

Dans la nuit du 15 au 16 décembre 2022, un terrible incendie éclatait en pleine nuit à Vaulx-en-Velin, dans le secteur du Mas du Taureau. Dix personnes sont décédées, dont quatre enfants. Aujourd'hui, les sinistrés ont du mal à tourner la page. Certains sont encore en attente d'un relogement pérenne.

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"On est toujours dans l'attente d'un relogement. On n'est toujours pas dans une situation pérenne", explique Anissa, une des sinistrées du 12 chemin des barques. Un nouveau logement pour pouvoir tourner la page et passer à autre chose. Mettre à distance la terrible nuit du 15 au 16 décembre 2022. Le feu a surpris les occupants de l'immeuble dans leur sommeil et a coûté la vie à dix personnes, dont quatre enfants. Anissa et sa famille ont échappé à la mort, mais le traumatisme est loin d'être surmonté.

Angoisse

Dans l'allée, il flotte encore une"odeur de feu", d'après le mari d'Anissa. Des relents qui réveillent les blessures de ces anciens occupants du 12 chemin des barques. "On a très peur de revenir vivre ici. Pourtant, c'est le conseil qu'on nous donne. C'est la dernière proposition qu'on nous fait : c'est de venir réintégrer l'appartement du 12 chemin des Barques, dans lequel nous avons failli périr par le feu. Moi, mon mari et mes quatre enfants. Je ne l'envisage pas. Y penser me terrifie", assure la Vaudaise.

La famille, qui vivait au 4ᵉ étage, a survécu grâce à l'intervention des pompiers. Pour cette habitante de Vaulx-en-Velin, le temps n'a rien effacé. Les émotions refont surface devant l'immeuble. 

Quand on a vu la mort en face, ça marque à vie. Deux ans, ce n'est pas suffisant pour oublier.

Anissa

Sinistrée du 12 chemin des barques

"Quand on rentre dans l'immeuble, quand on rentre dans l'appartement, c'est une angoisse, des images qui reviennent. C'est quelque chose de très dur. Apparemment, tout le monde ne le comprend pas. Beaucoup de nos élus pensent que c'est du passé, que maintenant, c'est oublié, que maintenant, c'est terminé et bien ce n'est pas vrai. Personne ne peut comprendre ce qu'on a vécu et ce qu'on a pu ressentir," martèle Anissa.

Impossible retour chemin des barques

Après le sinistre, Anissa et ses proches ont été relogés dans un appartement de Vaulx-en-Velin. Du temporaire. Aujourd'hui, la famille doit quitter les lieux. "Madame le Maire nous invite à regagner le T2 dans lequel je vivais avec quatre enfants", explique-t-elle. Cette mère de quatre enfants s'y refuse catégoriquement. La proposition de la mairie la scandalise et la révolte. Elle n'envisage pas une seconde de revenir vivre au 12 chemin des barques. Le choc est trop grand. 

Cette dernière proposition : revenir au 12 chemin des Barques, avec quatre enfants, c'est pire que tout.

Anissa

Sinistrée du 12 chemin des barques

"Le traumatisme que nous y avons vécu, c'est terrible. Je ne pouvais pas croire une seconde qu'à un moment donné on nous demanderait de revenir vivre ici. Je ne pouvais pas le croire et pourtant, c'est le cas. C'est ce qu'on nous demande de faire", explique-t-elle. D'autant que le logement qu'elle devrait réintégrer est trop petit pour cette famille nombreuse. 

"Nous sommes au point zéro parce que nous avons eu le tort de refuser des propositions de logement", explique la mère de famille. Pourquoi cette famille a-t-elle refusé ces propositions d'appartement en dehors de Vaulx-en-Velin ? Anissa répond simplement : "C'était très compliqué de changer d'environnement, de passer à d'autres repères. On n'était peut-être pas prêts. Nos enfants scolarisés à Vaulx-en-Velin avaient besoin de stabilité. Il y a des raisons valables qui peuvent justifier les refus de propositions qui nous ont été faites partout ailleurs". 

Sentiment d'abandon

Pour Laetitia Berriguiga, le drame n'a pas été traité comme un drame collectif. "On n'arrive pas à se faire entendre par les institutions", déplore-t-elle. Des démarches auprès du gouvernement, de la préfecture ou de la déléguée interministérielle de l'aide aux victimes qui sont restées vaines. Elle dénonce une forme d'amnésie des pouvoirs publics.

On a l'impression, aujourd'hui, qu'aucun drame n'a eu lieu : pas de morts, pas d'incendie. Aujourd'hui, dans nos vies, il n'y a pas de reconnaissance (...) Au niveau de la justice, de l'État, on mène nos vies comme s'il ne s'était rien passé. Rien n'a changé. Les 10 morts et les 89 rescapés ne comptent pas.

Laetitia Berriguiga

Présidente de l'association des victimes du chemin des barques

Sur les 21 familles qui occupaient l'immeuble victime des flammes, 19 ont trouvé un nouveau logement.  Des relogements "par défaut" ou "par dépit", selon la présidente de l'association des victimes. Mais deux familles sont à ce jour sans solution.

C'est le cas de la famille d'Anissa et d'une autre famille nombreuse avec cinq enfants. Deux dossiers dans l'impasse. "Aujourd'hui, on n'a été reçu par personne et on n'a été entendu par personne. Nos démarches sont restées sans réponse, c'est notre grand regret", explique Laetitia Berriguiga. L'association exige "a minima" d'être reçue par la préfecture. De son côté, la mairie de Vaulx-en-Velin estime que tout a été fait pour venir en aide aux sinistrés. 

Quant à l'enquête, en cours d'instruction, elle semble faire du surplace. Aucun suspect n'a été identifié. 

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