C'est inédit dans l'histoire du géant nordiste de la grande distribution. La direction du groupe a annoncé le 5 novembre 2024 un plan de redressement de l'entreprise qui prévoit la suppression de près de 2400 postes et la fermeture de magasins. Salariés et syndicalistes sont effondrés face à l'ampleur du plan qui touche tout le groupe.
Les syndicats comptent et recomptent entre deux coups de fil de salariés en larmes. Après le choc de l'annonce de la suppression de 2389 postes soit 5 % des effectifs, chacun se demande qui est concerné. Premiers éléments de réponse.
La fermeture Auchan e-commerce France (AECF). 224 postes.
La structure ambitionnait, il y a quelques années, de concurrencer Amazon en se lançant dans la livraison. Une aventure qui s'achève avec le PSE annoncé mardi 5 novembre 2024. Trois entrepôts sont concernés : Mions près de Lyon (Rhône), Chilly-Mazarin (Essonne) près de Paris et Saint-André-lez-Lille (Nord).
Ils permettent de livrer des courses à domicile dans les grandes villes et agglomérations de Lille, Lyon et Paris. Ce sont des entrepôts de logistique. Auchan faisant le choix d'arrêter la livraison et de conserver le drive.
Fusion des services d'appui. 784 postes dans la métropole lilloise.
La direction a décidé de fusionner les services d'appui (1) ARI (Auchan Retail International), OIA (Organisation Inter-groupe des Achats) et ARS (Auchan Retail Services). C'est une des conséquences, selon les syndicats, du rapprochement avec Casino et Intermarché.
Des postes essentiellement à Villeneuve d'Ascq et au siège du groupe à Croix.
Gérald Villeroy, délégué CGT Auchan Retail explique : "On savait que les centrales d'achat étaient menacées, mais pas autant. L'arrivée du nouveau directeur général avec les pleins pouvoirs, on savait qu'il ne venait pas pour rien". Franck Martineau, délégué syndical FO Auchan Retail s'interroge "comment on va pouvoir avec 700 personnes en moins être aussi efficaces ? Ce plan est d'une ampleur incroyable, c'est du jamais vu. 2300 personnes, c'est énorme ! C'est un cataclysme !" lâche le représentant syndical.
Son collègue Franck Martineau ajoute : "près de 800 personnes à Villeneuve d'Ascq, ça va se voir. C'est hyper impactant pour les familles, parfois des couples seront concernés...".
Ce plan est d'une ampleur incroyable, c'est du jamais vu. 2300 personnes, c'est énorme ! C'est un cataclysme !
Franck Martineau, délégué FO Auchan Retail
(1) Paie, achats, informatique, produits de la marque, etc...
Fermeture de magasins. 466 salariés.
Trois hypermarchés vont être fermés. Ceux de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Woippy (Moselle) et Bar-le-Duc (Meuse). Auxquels s'ajoutent le supermarché d'Aurillac (Cantal) et six petits magasins "MyAuchan" en région parisienne.
Franck Martineau n'en revient toujours pas : "trois hyper fermés d'un coup, on a jamais vu ça". Consterné, il poursuit "il ne faut pas rêver à Bar-le-Duc, il n'y aura pas de reclassement. Il n'y a pas de magasin Auchan à proximité." Surtout, il explique que ce plan touche tout le monde dans l'entreprise. "Les gens dont les postes sont supprimés sont anéantis, mais les autres aussi. Pour leurs collègues et puis ils se disent que les prochains ce sont eux. Ce n'est pas parce qu'on va enlever des gens, que ça va fonctionner mieux !" affirme Franck Martineau de FO.
En hypermarchés, les services touchés. 915 salariés.
Les 119 hypermarchés de France sont concernés. Avec "la fin de certains métiers" explique Gérald Villeroy, délégué CGT Auchan Retail. "Ceux de conseiller commercial dans les équipements, la téléphonie et la fin des RPPMS, les responsables planification et pilotage de la masse salariale".
Depuis les annonces, il reçoit la détresse de ses collègues et dénonce "la trahison de l'entreprise. Le salarié n'a jamais démérité. On comprend les difficultés, on a fait des efforts, on s'est serré les coudes et aujourd'hui, on nous vire comme un kleenex usagé". Il ajoute que les salariés d'Auchan ont un fort sentiment d'appartenance à l'enseigne. "La moyenne d'âge y est élevée, entre 45 et 50 ans, car on y faisait carrière!".
Surtout, il dénonce les choix de la direction : "L'entreprise Auchan c'est le commerce et le service. La notion de service disparaît. C'était notre force, on s'en sépare, c'est ce qui faisait la cote d'amour de nos clients".
Franck Martineau ne dit pas autre chose. Il affirme que les gens venaient à Auchan pour le conseil et le service après-vente. Désormais, si "il y aura toujours de l'électroménager en vente, les vendeurs seront muets, remplacés par des étiquettes explicatives".
Alors, il entame le combat. "On va batailler pour trouver des solutions d'emploi pour tous même si le PSE est là pour faire des économies. C'est sûr, il y aura de la casse sociale. C'est un véritable drame."
Pour les élus de la CGT, l'entreprise, les salariés paient les choix stratégiques de la direction : "Quand vous regardez les autres, ils se sont positionnés, Leclerc sur les prix, Lidl communique beaucoup et partout sur ses produits, Aldi est sur la traçabilité, Intermarché sur les produits raisonnés et Auchan ne communique sur rien. Alors qu'on a des filières contre la maltraitance animale, sur les produits locaux, des poissons qui ne sont pas nourris avec de la graisse animale. Tout ce qui est bien pour le consommateur n'est pas communiqué !". Et ce n'est pas faute d'avoir changé de dirigeants : 17 en 24 ans !
Auchan prévoit aussi de réduire la taille de 65 de ses magasins de 25 %, visant des surfaces plus petites de 8 000 mètres carrés.
La direction d'Auchan, comme lors du précédent PSE en 2020, espère limiter le nombre de licenciements secs en proposant des départs volontaires, en retraite ou des reclassements. De nouvelles annonces sont attendues les 14 et 15 novembre 2024, lors d'un CSE extraordinaire.