Transfrontières : le gianduiotto, un petit "lingot d'or" piémontais, roi des chocolats de Noël en Italie

À la Une de votre rendez-vous transfrontalier cette semaine, plein feux sur celui qui brillera dans son papier doré sur les tables des fêtes chez nos voisins italiens. Le "gianduiotto" est la fierté des maîtres chocolatiers de Turin, la ville du chocolat en Italie.

"Nous lui avons changé son nom", explique Guido Castagna, devant sa machine à torréfier qui grille les noisettes à tour de bras en ce moment, période de Noël oblige. "Mais, il reste l'arrière, arrière petit-fils du 'gianduiotto' des origines. On a simplement trouvé drôle de l'appeler 'Giuinott', parce qu'en piémontais cela veut dire 'giovanotto' (jeune homme, ndlr)".

Guido Castagna, est l'un des grands "maestro" du chocolat en Italie et du "gianduiotto", ce petit chocolat à la noisette, en particulier. Il a même été sacré champion du monde du "gianduiotto" neuf années de suite. De quoi lui donner une certaine latitude pour oser changer le nom de ce monument de la gastronomie de Turin, ville du chocolat en Italie.

Turin, capitale italienne du chocolat "gianduia"

Turin n'est pas la seule ville italienne à affectionner le chocolat. Pour cause, "l'aliment des Dieux", comme on l'appelait à la cour des Rois de Piémont-Sardaigne au 18e siècle, a de nombreux adeptes dans la péninsule. 

À Modica, en Sicile, on travaille le cacao comme au temps les Aztèques : à froid, en lui ajoutant du sucre en poudre. Cela confère au chocolat de Modica une rudesse typique, aussi bien pour son aspect, que dans son goût. 

Du côté de Perugia (Pérouse), de grandes industries fabriquent une fameuse bouchée au chocolat au lait (il "Bacio"). Avec sa prestigieuse école du chocolat et son festival dédié, elle se présente comme la capitale du chocolat au lait.

Mais c'est à Turin, la capitale piémontaise, qu'est née au 16e siècle la grande tradition des maîtres chocolatiers italiens. En 1560, les ducs de Savoie décident de transférer la capitale du Duché de Chambéry à Turin. Et pour fêter dignement l'événement, ils décident de servir une tasse de chocolat chaud à la population. C'est le début d'une longue histoire d'amour qui trouvera son apogée au 19e siècle avec la naissance du "Gianduiotto". 

Histoire et fabrication d'un monument de la gastronomie piémontaise ©France 3 Alpes

Grazie Napoléon !

L'acte fondateur de la naissance du divin chocolat arrive dès les premiers soubresauts des années 1800, aux belles heures de l'ère napoléonienne : "Le premier qui a permis au gianduiotto d'exister, c'est Napoléon", expliquent dans leur livre, Gianduiotto mania (aux éditions Giunti), Clara et Gigi Padovani.

Les deux gastronomes et historiens, spécialistes des "gianduiotti" et de la cuisine italienne, n'hésitent pas une seconde à remercier l'empereur des Français, même si le mérite lui en revient à son corps défendant.

"En 1807, quand il signe son fameux décret de Berlin, qui instaure un blocus contre l'Angleterre et ses alliés, il ne se doute pas qu'en rendant l'acheminement du cacao vers le port de Gênes très difficile, il va obliger les chocolatiers piémontais à inventer une nouvelle spécialité chocolatière : notre 'gianduiotto'", poursuivent les auteurs.

Face à un prix du cacao qui monte en flèche, du fait de sa rareté, les artisans de l'époque imaginent de le remplacer par un produit local peu cher, et présent en abondance dans le Piémont : la noisette. Le gianduiotto est alors né !

Un chocolat nommé gianduiotto

Le succès est immédiat. Et est encore plus retentissant, lorsque le 28 février 1865, pour le mardi gras, la fameuse pâte à la noisette piémontaise a pris officiellement le nom du masque de carnaval, symbole de Turin : Gianduia. 

Ce nom en dit long sur des origines propices à engendrer la bonne humeur : en patois piémontais, "gianduia" veut dire "jeunes hommes du pichet de vin".  "Il a un caractère, rude, franc... celui d'un homme de cœur aussi", estime Alberto Viriglio, dans son livre sur Turin et les Turinois à la fin du 19e siècle.

Donner le nom d'une figure aussi importante de la vie locale, à un type de chocolat n'est pas un hasard. Il démontre un attachement profond à une spécialité en passe de devenir un phénomène de société. 

Premier chocolat sous emballage 

Les artisans turinois se mettent à briller pour leurs bouchées chocolatées à la pâte "gianduia" : les "Risso", les "Bianchini", les "Talmone" ou les "Caffarel". Ces deux dernières bouchées sont restées dans l'histoire pour exister encore de nos jours.

"En 1865, on ne fabriquait pas encore de chocolat au lait. Aussi, beaucoup de fins gourmets estimaient que la pâte au goût gianduia était la meilleure de toutes", explique l'auteur Gigi Padovani

Quatre ans plus tard, en 1869, la société "Caffarel" reçoit le brevet officiel de fournisseur du premier roi d'Italie pour son "Gianduiotto Caffarel 1865". La spécialité chocolatière entre définitivement dans l'histoire.

"Le gianduiotto est aussi le premier chocolat à avoir été vendu sous emballage", conclut le critique gastronomique. Avec le succès de Caffarel, l'industrie naissante s'est emparée d'un phénomène qui perdure jusqu'à nos jours.

La révolution "Castagna"

Aujourd'hui, de Turin à Palerme, de Paris à New-York, il n'est plus rare de voir des vitrines de chocolatier afficher des armées de "gianduiotti", ou bouchées au goût "gianduia" quand elles ne peuvent pas porter le nom de la spécialité turinoise. 

"Le gianduiotto, c'est trois ingrédients. Pas davantage : du cacao, du sucre de canne, et des 'tonda gentile del Piemonte' (des noisettes rondes et douces du Piémont, d'Indication géographique protégée, IGP)"explique Guido Castagna, dont le laboratoire flambant neuf se situe à Giaveno, dans la grande banlieue de Turin

Ce Piémontais est le chef de file italien d'une "révolution du gianduiotto" : "Mon giuinott est le plus riche en noisettes de tous les gianduiotti. 40 % de noisette quand les autres en mettent 20 ou 30 %."

Autre révolution : son poids et son aspect. Il ne pèse que 7 grammes. Quand à son "look", il est le fruit d'une étude menée avec les étudiants de l'école Polytechnique de Turin et la conséquence de la machine à gianduiotti qu'ils ont mise au point sur la demande du chocolatier.

Trois façons de faire

"Il y a seulement trois façons reconnues pour faire un gianduiotto", explique Guido Castagna : "Avec des spatules que l'on frotte l'une sur l'autre comme le faisaient les chocolatiers des origines. C'est ce qui a donné au gianduiotto sa forme avec une base large qui se termine par une ligne de crête. Avec un moule, comme on le produit généralement dans l'industrie. Et puis enfin, avec une machine à extruder, comme j'ai choisi de les faire."

Guido Castagna s'est inspiré des techniques utilisées par les meilleurs fabricants de pâtes alimentaires italiens pour donner une forme plus fine, un design nouveau, plus arrondi, à la spécialité piémontaise.

Encore une fois, le succès est au rendez-vous. Son entreprise est florissante, reconnue aux quatre coins de la planète "cioccolato". Pendant dix ans, il a même été le visage des chocolatiers de son pays, en entrant dans les foyers grâce à sa participation à l'émission TV "La prova del cuoco" (L'épreuve du cuisinier, ndlr) sur les antennes de la Rai.

Le maître chocolatier italien espère bien décrocher une nouvelle IGP européenne (Indication Géographique Protégée) pour son "gianduiotto". "Les caractéristiques doivent être bien encadrées pour être sauvegardées", espère-t-il pour les 150 prochaines années, au moins.

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