Pas de preuves, mais un passé troublant. 25 ans de réclusion ont été requis devant les Assises de l'Isère à l'encontre de Manuela Gonzalez, 53 ans, accusée d'avoir tué son dernier mari et surnommée "la veuve noire". "Veuve noire, mante religieuse... les mots m'égorgent", a rétorqué son avocat.
Le 31 octobre 2008, le corps de Daniel Cano, époux de Manuela Gonzalez, avait été retrouvé à l'arrière de son véhicule incendié. Rapidement l'enquête avait conclu à un incendie volontaire et les analyses toxicologiques avaient révélé la présence de trois somnifères différents dans le sang de la victime. Avant lui, quatre autres compagnons de l'accusée avaient subi des intoxications. Deux avaient péri de mort violente.
"Je suis intimement convaincu que Mme Gonzalez (...) a tout mis en oeuvre pour tuer Daniel Cano", a lancé aux jurés l'avocat général, Pierre-Marie Cuny. "Il y a contre elle, si ce n'est des preuves évidentes, un faisceau d'éléments, un enchaînement de faits, de constatations, qui me permettent de vous demander une décision de culpabilité." Il a demandé 25 ans de réclusion.
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Durant le procès, l'accusée n'a cessé de clamer son innocence. Tout comme ses proches venus témoigner en sa faveur, à l'exception de son beau-fils, Nicolas Cano. Très ému, ce trentenaire a détaillé jeudi à la barre les "doutes" qui l'ont conduit dès 2009 à voir dans sa belle-mère une coupable.
Dénonçant les "explications farfelues" de l'accusée, ses "mensonges" et ceux de "sa famille", l'avocat général a terminé en disant: "C'est vrai, Mme Gonzalez, le noir vous va très bien". "Combien de quolibets et d'humiliations n'a-t-on pas épargnés à Mme Cano ? Pourquoi cette couleur et à quoi fait-elle référence ?", a rétorqué son avocat, Me Ronald Gallo.
La justice, ce n'est pas de la magie, ni de la sorcellerie"
Soulignant "l'absence d'éléments matériels" dans un dossier "de tous les dangers", "sans preuve et mal ficelé", il a fustigé la "médiatisation excessive" de l'affaire, qui a créé selon lui "un fantasme", "un personnage et une fiction de toutes pièces".
"Veuve noire, mante religieuse... les mots m'égorgent, ils m'étouffent. On vous a donné un portrait à juger, façonné par la presse. Si vous l'acquittez, vous détruisez le personnage", a-t-il lancé dans une salle comble et plombée par le silence. "La justice, ce n'est pas de la magie, ni de la sorcellerie. Monsieur l'avocat général vous dit ce qu'il s'est passé, mais vous ne le démontre pas", a conclu l'avocat en réclamant l'acquittement.
Reportage Cédric Picaud et Dominique Bourget