Au-delà du buzz, il y a derrière cette vidéo une histoire humaine à la fois tragique et touchante.
La nuit succède au jour, les lumières s'allument, s'éteignent, clignotent, les nuages filent en un clin d'oeil, les drapeaux de prière s'agitent dans le vent... Techniquement, le time-lapse de plus de deux minutes réalisé par le Canadien Elia Saikaly sur le mont Everest est époustouflant.
Mais le succès de la vidéo "Everest - A Time Lapse Film- II" - 147 000 vues en un mois - ne saurait cacher l'histoire qui se cache derrière. Car son auteur, Elia Saikaly, entretient une relation particulière avec le Népal et son sommet le plus connu.
Everest - A Time Lapse Film - II from Elia Saikaly on Vimeo.
Passionné par les vidéos et les court-métrages, la vie de ce Canadien a été bouleversée en 2005. "J'ai été recruté à 26 ans pour voyager au Népal pour faire un film sur mon ami, Dr. Sean Egan qui voulait devenir le vieux Canadien à gravir le Mont Everest" nous confie-t-il. "Il est mort tragiquement d'une crise cardiaque pendant l'ascension."
44 069 photos prises
"N'ayant gravi de montagne auparavant, je suis retourné plusieurs fois sur l'Everest et j'ai fini par atteindre le sommet en son honneur en finissant le documentaire. Cette expérience a changé ma vie de façon radicale." Une vie qu'il consacre désormais à sa passion, ainsi qu'aux "histoires humaines incroyables qui entourent le sommet le plus haut du monde."
Ce time-lapse, son second après une première vidéo publiée en juin 2013, a été réalisé à partir d'images filmées sur deux saisons, en 2014 et en 2015. Elia Saikaly compte "108 time-lapse au total en deux ans sur l'Himalaya". Sur les 44 069 photos prises, le résultat final n'en garde que 1896.
•108 total time-lapses and set ups over two years in the Himalayas
— Elia Saikaly (@EliaSaikaly) 2 avril 2018
•44,069 still images created
•Edited down to 26 shots, 1,896 stills or 2 mins and 18 seconds
That means 82 shots or 42,173 stills are on the cutting room floor. #Everest #myoffice https://t.co/PhKNV6MCSX pic.twitter.com/30VGfgM3gM
Dans les coulisses, beaucoup de choses se sont produites pendant la production
"J'ai traité les images tous les soirs dans ma tente avec le logiciel Adobe Lightroom et j'ai créé des fichiers Quicktime à partir de ces séquences au Népal" poursuit le vidéaste. C'est difficile à croire, mais l'édition en tant que telle n'a duré que deux heures ! Trouver la musique a pris plus longtemps que l’édition de la vidéo."
Mais l'Everest est aussi beau qu'impitoyable, et les tragédies successives ont chargé ses images d'une aura particulière. "Dans les coulisses, beaucoup de choses se sont produites pendant la production. Plus que ce que n’importe qui peut imaginer."
"En 2014, le tournage a été coupé après que 16 Sherpas ont trouvé la mort dans une avalanche de l’Everest" raconte le Canadien. "Plus tard, cette saison-là, je me suis cassé le dos en faisant du parapente à Pokhara. J'ai perdu le contrôle et je suis tombé de 45 mètres depuis les airs et suis resté paralysé sur le toit de la maison d'un villageois."
Respect pour les défunts
"En 2015, je suis retourné une fois encore sur l'Everest et nous avons été frappés par une avalanche au camp de base de l'Everest qui a tué plus de 17 personnes, dont l'un de mes amis" ajoute Elia Saikaly "J'étais complètement dévasté et j'ai eu un syndrome de stress post-traumatique sévère".
"Beaucoup de ces images ont été prises quelques jours à peine avant ces événements. C'est aussi pourquoi je m'y suis accroché aussi longtemps, comme un signe de respect pour les défunts. Leur diffusion m’a permis de me libérer d'une partie de ce que j'avais vécu à cette époque."
Des projets pour la suite ? "Ça fait plusieurs années que je rêve du K2" répond-il. "J'ai aussi un projet spécial en développement pour 2019 sur l'Everest qui implique une équipe de femmes arabes. Je tournerai sans aucun doute d'autres time-lapses pendant cette période-là si le projet se concrétise."