A l'heure de l'ultracommunication, Joseph Andras manie l'art de faire parler de lui sans le vouloir ou sans vouloir en avoir l'air. L'écrivain mystère, lauréat du Prix Goncourt, vient de refuser la prestigieuse distinction littéraire pour son ouvrage " De nos frères blessés".
C'est un fait rare. Il faut remonter à Julien Gracq en 1951 pour trouver trace d'un écrivain qui refuse le prestigieux prix Goncourt. Joseph Andras l'a accompli en toute discrétion. Une lettre adressée à chacun des membres du jury pour expliquer son geste, lettre restée confidentielle et puis ce tweet qui a répandu la nouvelle comme une traînée de poudre :
#EXCLU : Le lauréat du prix #Goncourt du 1er roman, Joseph Andras, refuse son prix. Source: éditeur @ActesSud #LGLf5
— La Grande Librairie (@GrandeLibrairie) 12 mai 2016
Son attaché de presse est à peine plus volubile : " je vous confirme que l¹auteur n¹accepte pas son prix. Il remercie les membres du jury bien sûr d¹avoir aimé son livre, mais ne peut accepter le prix car sa conception de la littérature n¹est pas compatible avec l¹idée d¹une compétition."
Pseudo: Joseph Andras
«De nos frères blessés» est paru le 11 mai chez Actes Sud. Deux jours plus tôt, l'Académie Goncourt a créé la surprise en récompensant ce roman qui n'était pas dans sa liste des quatre finalistes et qui n'était pas encore sorti. Goncourt du Premier roman pour son auteur dont on ignore quasiment tout. Joseph Andras est un pseudo, l'écrivain aurait 32 ans et résiderait en Normandie. Le mystère est entier. Une photo circule, l'homme, crâne rasé, de trois quarts devant le lit d'une rivière. Chez Drouant, la cantine des Goncourt, notre Joseph Andras n'était pas là pour recevoir son prix au moment de la proclamation.L'important, c'est le livre
Joseph Andras nous attire inexorablement vers son livre. On espère le deviner, le connaître, le reconnaître peut-être entre ses lignes dont on dit qu'on les dévalle comme un grand cru, un soir d'été. Il donnerait la soif de lire. Avec ou sans l'étiquette du Goncourt. " De nos frères blessés" n'était même pas retenu dans la liste finale des prétendants. C'est par hasard qu'un membre de l'académie tombe sur cet écrit addictif. Avec la suite qu'on connaît.Côté Actes-Sud, on ne commente pas le refus du mystérieux normand à la plume ciselée. Et même s'il s'agit présentement du Prix Goncourt du premier roman, rappelons juste que le Prix Goncourt qui est, lui, remis en novembre reste le prix littéraire le plus convoité en France parce qu'il assure de fait à son récipiendaire une promotion et des tirages conséquents.
"De nos frères blessés": l'histoire
Joseph Andras nous replonge dans la guerre d'Algérie en racontant l'arrestation de Fernand Iveton , un jeune communiste anticolonialiste exécuté en 1957. C'est un hommage et en même temps un réquisitoire contre la peine de mort. Son style très sobre a bluffé l'académie Goncourt . Didier Decoin salue la maturité de l'auteur et le compare même à Truman Capote .Son éditrice nous a confié qu'il écrivait beaucoup, ce mystérieux Joseph Andras n'a donc pas fini de faire parler de lui.