Deux passionnés Français ont sauvé et restauré le Black Swan, une légende des mers de 1899, qu’ils veulent désormais faire naviguer vers de nouvelles aventures.
À l'origine de cette histoire : Yann Berthemet et son ami Edouard. Ils n’en sont pas à leur premier coup. Le charpentier et le financier ont déjà restauré ensemble Oryx, un voilier de régate classique ayant appartenu à Francis Bouygues. Lorsqu’Edouard, un quinquagénaire passionné par la voile, acquiert Oryx, il se tourne vers Yann, qu’il connaît de réputation. Ils mènent à bien ce projet, mais surtout en gardent une solide amitié. Forts de ce succès, les associés sont en quête d’une nouvelle aventure maritime. C'est sur internet qu’ils découvrent le Black Swan, mis en vente par une banque qui avait saisi le voilier à son ancien propriétaire.
Le Black Swan est un trésor...
Ce ketch de deux mats est en train de pourrir dans un port de Lombardie, en Italie. Il a été abandonné là, par son propriétaire, le député italien Amedeo Matacena. Ce proche de Silvio Berlusconi avait à l’époque fuit pour Dubaï après une condamnation pour « collusion avec la mafia », et laissé derrière lui le souvenir de ses heures de gloire. Ce voilier mythique a gagné 3 fois la King's Cup entre 1902 et 1904. Il a aussi été barré par un marin célèbre John Selwin Calverley.
L'histoire dit aussi que ce majestueux voilier a appartenu à Benito Mussolini.
On est en 2016, c'est cette année-là que ces deux français vont être envoûtés par cette légende des mers. Mais le bateau est en sale état. La coque, les bordés et la quille vont nécessiter de longues et coûteuses réparations.
Difficile pour ses deux passionnés de résister à cette star du yachting. Le Black Swan est un ketch aurique (ses voiles sont carrées), mais son gréement d’origine en faisait un yawl. Il faut 700 m2 de voiles pour tirer ses 137 tonnes. Lors de sa première mise à l’eau, il est baptisé « Brynhild » puis changera de nom avec son troisième propriétaire, Fréderic Schwann, qui le renommera « Swan » en 1907. Il ne trouvera son nom actuel qu’en 1928, nommé « Black Swan » à cause de sa coque qui à l’époque était noire.
Le Black Swan a été conçu et construit par le légendaire chantier naval Camper & Nicholsons, créé en 1782 à Plymouth, au sud de l’Angleterre, puis installée sur la Riviera française et à Monaco après la Seconde Guerre Mondiale. Camper & Nicholsons est une référence dans le yachting, ayant engagé un bateau dans la toute première America’s Cup en 1851.
Depuis plus de deux siècles, ses puissants voiliers de course font sa réputation, et le Black Swan est de cette trempe là.Yann et Edouard réussissent à acquérir ce champion de 40 mètres, grâce à un peu d’esbroufe et beaucoup de chance. Mais ils n’ont pas vraiment l’impression de le posséder. Yann confie :
Comment voulez-vous que l’on se sentent propriétaires, le Black Swan a 120 ans ! Nous ne sommes que les gardiens de ce bateau... là pour l’entretenir.
Charpentier de marine c’est plus qu’un métier, c’est une passion
On peut néanmoins estimer le coût de la remise en état à plus d’1 million d’euros. « C’est surtout deux ans de travail » dit le charpentier. Il a mis tout son savoir-faire au service du Black Swan, cet art transmis par son père et que désormais il transmet lui-même à son fils âgé de 22 ans.La première fois qu’on a navigué sur le Black Swan, on a eu des sensations incroyables ! Et nous avons fait le choix du pavillon Français poursuit-il fièrement, il n’y a que deux bateaux classiques sous pavillon Français, l’autre étant Moonbeam III, véritable « Rolls des mers » de 1903 et à quai à Saint-Tropez, tous les autres ont abandonné.
Maintenir ce patrimoine et le faire naviguer
L’année dernière, le Black Swan a même « travaillé », faisant une saison de yachting, au départ de Sète. Tout a été refait, répondant aux standards contemporains. « Se retrouver à choisir de la vaisselle ou le look du peignoir, pour un charpentier de marine, ça fait drôle ! » s’amuse le breton, « ça bouscule mais c’est intéressant. »Malgré l’incroyable valeur historique du bateau, on est loin de l’investissement financier, d’une restauration avant revente. Edouard a d’ailleurs conservé l’Oryx, comme son tout premier requin.
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