C'est une proposition de réglement de la Commission Européenne. Elle pourrait avoir lieu sous deux ans et provoque une levée de bouclier en Bretagne.
Jeudi, la Commission européenne a proposé d'interdire sous deux ans une forme de pêche dénoncée comme particulièrement destructrice des fonds marins, le chalutage en eaux profondes, contre l'opposition de la France qui redoute l'impact de la mesure pour ses ports.
La proposition de règlement met en place un système d'autorisations de pêche en eaux profondes dans l'Atlantique nord-est et elle propose au passage d'interdire "au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur" de la nouvelle réglementation le recours à des chaluts de fond ou à des filets maillants de fond.
"Parmi tous les engins de pêche, ce sont les chaluts de fond utilisés pour la pêche profonde, qui présentent le plus de risques pour les écosystèmes marins vulnérables et qui enregistrent les taux les plus élevés de captures non désirées d'espèces d'eau profonde", explique la Commission européenne.
L'interdiction ne s'appliquerait qu'aux pêcheries ciblant spécifiquement les espèces d'eaux profondes et ne reviendrait pas à une interdiction totale de la pêche au chalut de fond dans les eaux de l'UE. Le ministre français délégué à la Pêche, Frédéric Cuvillier, a d'ores et déjà annoncé qu'il s'opposerait à une telle interdiction "sans discernements" de certains engins de pêche, qui aurait selon lui "de très lourdes conséquences socio-économiques et ne serait pas acceptable".
L'interdiction ne s'appliquerait qu'aux pêcheries ciblant spécifiquement les espèces d'eaux profondes et ne reviendrait pas à une interdiction totale de la pêche au chalut de fond dans les eaux de l'UE. Le ministre français délégué à la Pêche, Frédéric Cuvillier, a d'ores et déjà annoncé qu'il s'opposerait à une telle interdiction "sans discernements" de certains engins de pêche, qui aurait selon lui "de très lourdes conséquences socio-économiques et ne serait pas acceptable".
Colère en Bretagne
Une dizaine de bateaux et environ 500 emplois directs seraient concernés en France, principalement à Lorient, mais aussi à Boulogne-sur-mer, Concarneau et Le Guilvinec. Les élus bretons ont dénoncé dans un communiqué "une décision inacceptable qui ne s'appuie sur aucun rapport scientifique récent", assurant que ce projet "signerait la mort de la pêche de grands fonds en Europe".
"Si la pêche de grands fonds a pu causer des problèmes environnementaux à la fin du XXe siècle, la prise de conscience des professionnels a permis depuis de diminuer son empreinte écologique d'un facteur 4 et en a fait une des pêches les plus durables d'Europe", assurent-ils.
Ils alertent aussi sur les conséquences socio-économiques "catastrophiques" qu'un tel projet aurait en Bretagne avec "des centaines d'emplois directs perdus". La flotte de pêche du groupe de distribution Intermarché notamment est concernée, selon l'ONG de défense de l'environnement Bloom.
"Le problème est éminemment douloureux sur l'emploi, et la rentabilité de l'armement vient de ces bateaux-là", a expliqué Jean-Pierre Le Visage, chargé d'exploitation à la Scapêche (Intermarché/Les Mousquetaires), premier armement concerné en Bretagne. A la Scapêche, basée à Lorient, six chalutiers sur huit vont sur les grands fonds, les deux autres sur la lotte. Sur les grands fonds, "directement, ce sont 250 personnes qui sont concernées. Mais si on parle de l'incidence sur le port de pêche, ce sont 600 emplois directs et indirects", précise-t-il. "Ce qui nous hérisse vraiment le poil, c'est que la commissaire fait une proposition de règlement sans matériel scientifique pour l'étayer", s'insurge-t-il. "C'est scandaleux".
"Le dernier avis du CIEM (Conseil international pour l'exploration de la mer, qui formule des recommandations pour la définition des taux de capture et des quotas, ndlr) fait état en juin 2012 de niveaux de reconstitution qui sont bons", et "ils n'ont même jamais été aussi bons", explique M. Le Visage. "Depuis dix ans, des efforts énormes ont été faits. Il y a une collaboration très efficace entre scientifiques et armement" et, "aujourd'hui, le CIEN estime que l'on est arrivé au seuil du rendement durable. Il n'est pas question que ce type de pêche s'arrête", a martelé Gérald Hussenot, secrétaire général du comité régional des pêches de Bretagne.
Les navires n'exploitent ainsi que 10% des zones de grands fonds, hors des zones de récifs coralliens, rappellent les professionnels. La commissaire affirme vouloir protéger les grands fonds situés à 4.000 m de profondeur, mais les chalutiers ne vont pas au-delà des 1.500 mètres, note le Comité national des pêches maritimes (CNPMEM). "L'essentiel de nos pêches (grenadier, sabre et lingue bleue) se situe entre 600 et 1.000 mètres", confirme M. Le Visage. Et si, il y a 15 ou 20 ans, la situation de la ressource des grands fonds était mauvaise, "aujourd'hui, les choses ont changé", affirme M. Hussenot. L'armement Scapêche a ainsi réduit la voilure, en passant de 21 chalutiers en 2000 à six en 2005. "Aujourd'hui, nous sommes entre la colère, la révolte, l'incompréhension, et le mépris de tous les efforts consentis depuis des années", assure M. Le Visage. Les politiques ne sont pas en reste pour monter au front, comme la députée européenne Isabelle Thomas (PS) qui estime, dans un communiqué, que "la destruction programmée de ces emplois non délocalisables relève purement de l'irrationnel".
La pêche en eaux profondes
Le chalutage en eaux profondes, qui racle les fonds marins, engendre quelque 20 à 40% de prises accessoires, non désirées. Or beaucoup de poissons d'eaux profondes mettent des années à parvenir à maturité pour se reproduire et sont particulièrement menacés, à l'instar des requins d'eau profonde.Le sabre noir et la dorade rose sont des espèces d'eau profonde à haute valeur commerciale, alors que d'autres espèces comme la lingue bleue et les grenadiers n'ont qu'une valeur moyenne.