Tous les navires de la compagnie maritime bretonne sont à quai depuis vendredi, en raison d'un conflit opposant la direction et les marins. Si ceux-ci avaient décidé de reprendre le travail, la direction a choisi elle d'immobiliser sa flotte.
le blocage dure
Ce dimanche les syndicats ont rendez-vous dans l'après-midi avec la direction de la Brittany Ferries pour poursuivre les négociations, rouvertes hier soir.
Mais tous savent que même si un accord était trouvé ce week-end, les bateaux ne pourraient pas repartir avant lundi.
Le conflit qui oppose la direction au personnel navigant a abouti à une situation pour le moins kafkaïenne. Samedi, alors que le personnel avait décidé la reprise du travail, les huit ferries de la compagnie maritime étaient toujours bloqués à quai, dont trois dans des ports bretons, le Pont-Aven à Brest, l'Armorique à Roscoff et le Bretagne à Saint-Malo.
C'est la direction qui avait décidé d'immobiliser tous ses navires jusqu'à nouvel ordre, en raison a t-elle argumenté, de grèves sauvages de son personnel navigant. Un lock-out (arrêt provisoire d'activité) au nom de la sécurité. Sur son site internet, elle renvoie même les passagers vers des compagnies concurrentes, et sur le terrain, elle affrête des bus pour les acheminer à bon port.
Pour compliquer encore le tout, les officiers des navires ouvrent une nouvelle ligne de front, en désavouant ce mouvement social, tout en contestant l'attitude de la direction.
Un conflit provoqué par des mesures d'austérité
Les bateaux sont totalement bloqués depuis ce vendredi, mais des salariés avaient lancé une grève dès le 13 septembre pour dénoncer la suppression de primes. Début juin, la Brittany Ferries, pour faire face à ses difficultés financières (un déficit cumulé estimé à 70 millions d'euros), avait en effet annoncé un plan d'économie de 12 millions d'euros, impliquant pour moitié une réorganisation de l'activité avec la réduction des traversées avant et après-saison, et pour l'autre moitié la diminution des coûts salariaux, (économie sur les CDD, réduction des congés, augmentation du temps de travail, suppression de primes...).
Les syndicats demandent eux l'intégration d'une clause de "retour à la bonne fortune", qui permettrait, en cas d'embellie financière, aux salariés de revenir aux avantages "perdus" dans le cadre du plan d'austérité.
Crise économique et concurrence en toile de fond
Les difficultées de la Brittany Ferries sont liées, explique t-elle, à l'effondrement du trafic trans-Manche, avec la crise économique pour toile de fond, en Grande-Bretagne en particulier, ainsi qu'à une concurrence accrue, il y a non seulement d'autres compagnies maritimes pour le trafic transmanche mais en plus, le développement des liaisons aériennes low-cost attire une partie des touristes anglais vers de nouvelles destinations. En outre, la faiblesse de la livre par rapport à l'euro, d’autant que la Brittany Ferries réalise plus de 80 % de son chiffre d’affaire avec la monnaie anglaise et l'envolée du cours du carburant, n'arrangent rien aux affaires de la compagnie bretonne.
Le conflit, qui dure maintenant depuis 11 jours, reste donc dans l'impasse. Plus de 8000 passagers ont déjà été touchés par ce mouvement.
Reportage à Roscoff (29) samedi de Catherine Aubaile et Carole Collinet
- Jean-Paul Corbel, Délégué CFDT Brittany Ferries
- Michel Le Cavorzin, Délégué CGT Brittany Ferries
La Brittany Ferries en chiffres
- 2500 salariés dont 1700 marins
- chiffre d'affaires (2011) : 370 M€
- 9 navires (8 actuellement le Barfleur ayant été désarmé faute d'activité)
- 9 lignes à destination de l'Angleterre, de l'Irlande et de l'Espagne
- 2,5 millions de passagers et 2010/2011 dont 80 % de Britanniques
- 800.000 véhicules de tourisme et 200.000 véhicules industriels