Le réalisateur Sylvain Bouttet a suivi les négociations entre les agriculteurs, les autorités de l'Etat et les associations environnementales autour de l'avenir du bassin versant de Lannion.
Une immersion dans les tractations, les longues réunions sous les néons des salles impersonnelles d'une préfecture ou d'un local associatif. Voilà qui pouvait faire craindre le pire. Et pourtant: les acteurs du débat, la démocratie concrète qui naît sous nos yeux, est comme une bouffée d'oxygène. Une réalité positive, rassurante, malgré la lenteur des effets concrets des efforts de chacun pour la reconquête de la qualité de l'eau.
Son film se veut une immersion positive dans la démocratie et le débat.
Tout est parti d’une image : celle d’un cheval mort sur une plage, tué par les algues vertes à cause des émanations de gaz provoquées par la décomposition des algues sur la plage. Que se passe-t-il ensuite quand un incident de ce genre arrive ? Tous les ans, les marées vertes envahissent les côtes de Bretagne-Nord. Chacun est conscient du problème, mais comment se mettre d’accord ?
Sylvain Bouttet a suivi une série de négociations pour améliorer la qualité des eaux du bassin versant de Lannion, touché régulièrement par les algues vertes. Autour de la table, les représentants de l'Etat, les associations environnementales comme Eau et Rivières de Bretagne, et les représentants d'agriculteurs. Entre compromis, évidence et tactique, entre point de vue écolo et paysan,entre les pour et les contre, le problème « algues vertes » est devenu un exercice de démocratie.
Sylvain Bouttet a cette pièce de théâtre, où chacun joue son rôle. Ce n'est pas des incidents dont il est question, ni une énième enquête sur le pourquoi des algues vertes, mais comment chacun a du jouer sa partition, tout en faisant un pas vers l'autre. Étrange ballet.
► Trois questions à Sylvain Bouttet
Une série de réunion, ce n'est à priori pas très excitant à filmer. Comment avez-vous abordé cela avant le tournage?"En pensant à "douze hommes en colère", le talent de Sidney Lumet en moins bien sûr... Blague à part il y a toujours quelque chose qui se passe dans une réunion, et surtout dans une série. Les caractères s'affirment au fil du temps pour les uns, se délitent pour les autres : c'est une comédie humaine à huis-clos, beaucoup plus intéressante à filmer qu'une succession de déclarations à la presse par exemple. J'ai très vite mesuré la chance que j'avais d'être là puisqu'aucun media n'était autorisé."
Il y avait beaucoup d'acteurs autour de la table des négociations: est-ce que tous ces gens arrivent finalement à se parler?
"Indéniablement oui et, au moins, ils s'écoutent s'ils ne parviennent pas à s'entendre. Tous les problèmes sont abordés et mis à plat, même si ça prend du temps. D'une réunion à l'autre il peut y avoir des blocages, des reculades, mais on avance. On est en négociation il ne faut pas l'oublier. Le problème vient plutôt du fait que ceux qui sont présents sont ceux qui veulent faire avancer les choses. Les autres finalement, que pensent-ils ? "
Toutes ces réunions concernaient le bassin versant de Lannion. Entre le début de vôtre travail et aujourd'hui, comment a évolué la situation sur les plages?
"Je ne suis pas du tout spécialiste. Ce qui m'intéressait était de voir des gens différents, pas forcément habitués à se parler car ne se connaissant souvent pas du tout, et être obligés de "pondre un texte". Très vite j'ai été halluciné : donner plus d'herbe à des vaches (la principale solution avancée par les spécialistes et les services de Matignon...) est compliqué ! Bonjour la rédaction du texte en question... Alors comme partout le PPDC, plus petit dénominateur commun, a été l'objectif. Il a été clairement affiché par tous dès le départ, et ça a été respecté je crois, que les paysans devaient continuer à pouvoir vivre de leur travail et c'est tant mieux. Mais bien sûr en ménageant les uns, les autres, avec les lourdeurs administrative et politiques qui sous-tendent le film, on imagine que le résultat n'est pas de l'ordre du radicalisme... En tout cas tous semblaient confirmer que les avancées sont réelles. C'était en 2010. Aujourd'hui on remarque qu'il y a eu moins de dépôts d'algues vertes. Mais entre les températures estivales changeantes, la pluviométrie irrégulière, le ramassage systématique sur la plage qui ralentit la prolifération, il est difficile de savoir quel a été le rôle de l'homme dans cette diminution (temporaire) de la marée verte à Lannion... On parle "d'éradication" en 2017 quand même, on verra à ce moment !"
Ce film sera rediffusé le samedi 30 mars 2013 à 15h20 (Samedi avec vous) et le mardi 2 avril 2013 à 8h50, dans la case horaire "Des histoires et des vies".