Mardi, un an jour pour jour après le renvoi du premier procès Servier, s'ouvrira au tribunal correctionnel de Nanterre le premier procès pénal du Mediator. Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, sera là. C'est elle qui a révélé le scandale du Médiator.
Reporté il y a un an suite à un recours de procédure perdu par Jacques Servier, le premier procès lié à l'affaire du médiator doit s'ouvrir mardi au tribunal correctionnel de Nanterre. Il s'agit d'un procès pénal, avec citation directe pour tromperie aggravée. Parallèlement, le responsable des laboratoires Servier a été mis en examen en fin d'année 2012 pour "homicides et blessures involontaires" dans le cadre d'une instruction menée par 3 juges parisiens.
Parmi les nombreuses victimes de l'anti-diabétique des laboratoires Servier, Céférina Cordoba, lourdement handicapée par sa maladie. A ce jour, elle n'a toujours pas reçu d'indemnisation. Elle vit avec 570 euros par mois.
Le reportage d'Adélaïde Castier, Fabien Delaury et Gaëlle Villeneuve:
La pneumologue Irène Frachon, qui a mis au jour les risques du Mediator, se montre très prudente sur l'issue du procès qui doit reprendre mardi à Nanterre dans cette affaire, estimant que Jacques Servier, patron du laboratoire éponyme qui a commercialisé le médicament, allait tout faire pour le "dynamiter". "Servier va tout faire évidemment, comme d'habitude, pour dynamiter l'ouverture de ce procès avec des questions de nullité, des questions de forme...", avance la spécialiste de 50 ans, dont la vie a "complètement basculé avec cette affaire".
Le premier procès avait été reporté en mai 2012 à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par la défense, mais que la Cour de cassation a refusé de transmettre au conseil constitutionnel. "Bien évidemment, le but du jeu, si tant est que c'est un jeu, pour Servier c'est de faire durer éternellement les procédures de manière à ne jamais être jugé", estime Irène Frachon, à propos du patron du laboratoire pharmaceutique âgé de 91 ans.
Quelque 600 personnes demandent réparation lors de ce procès, sans attendre la fin de l'instruction menée au pôle santé du tribunal de Paris sur les faits de "tromperie aggravée", mais aussi "d'escroquerie" et de "prise illégale d'intérêt". La pneumologue, qui avait alerté en 2008 sur les risques cardiaques du médicament commercialisé en 1976, redoute en outre que l'instruction en cours ne complique la tenue du procès. "Est-ce qu'un tribunal va accepter de juger aujourd'hui la tromperie rapidement, alors qu'il y a une autre procédure pénale en cours qui semble peut-être aller à son terme?" s'interroge-t-elle, jugeant que c'est "la question qui va être posée certainement très rapidement à l'ouverture de ce procès".
M. Servier a créé la polémique lundi dernier en déclarant sur une radio: "on s'en fout du procès", avant de s'excuser via un communiqué de son laboratoire. "J'aimerais entendre Servier en face des caméras déclarer que non, il ne s'en fout pas (des victimes, ndlr), et qu'aujourd'hui il va assumer pleinement ses responsabilités", dit-elle, avant d'ajouter: "Je ne pense pas que Jacques Servier un jour admettra sa responsabilité et la réalité de la tromperie qu'il a sciemment organisée au sein de son laboratoire".
"L'objectif de faire reconnaître et d'indemniser les victimes n'est toujours pas atteint et se heurte à des résistances majeures qui nécessitent que je continue à accompagner les victimes", explique le médecin brestois, qui a alerté sur une affaire "criminelle et dramatique qui a gâché et bousillé la vie de milliers de personnes en France".