Les élus européens ont rejeté mardi à l'issue d'un vote serré, par 342 voix contre 326, un projet d'interdire le chalutage en eaux profondes, réputé très destructeur pour les fonds marins, mais farouchement défendu par les armateurs français. Le chalutage sera plus encadré.
Malgré une forte mobilisation des militants écologistes, notamment en France, les eurodéputés ont adopté le compromis qui avait été dégagé par les membres conservateurs et socialistes de la commission de la Pêche du parlement, se limitant à encadrer le chalutage profond pour protéger les écosystèmes les plus vulnérables. La pêche de grands fonds est très critiquée par certaines associations de défense de l'environnement, qui la jugent destructrice pour les coraux et peu sélective. La commissaire chargée de la pêche, Maria Damanaki, a proposé de l'interdire dans l'Atlantique nord-est d'ici à deux ans.
Plutôt qu'une interdiction générale, la commission pêche du Parlement européen a demandé aux parlementaires d'interdire la pêche dans les seules zones vulnérables, listées par la Commission, où se trouvent éponges, coraux et d'autres écosystèmes marins fragiles.
La pêche de grands fonds en Bretagne
Alain Cadec, conseiller général du canton de St-Brieuc Nord et député au Parlement européen avait émis avant le vote, l'espoir "que le bon sens l'emporte" pour refuser de bannir le chalutage dans l'immédiat, et donner à l'UE les moyens de préserver à la fois "l'environnement et l'emploi". "Des milliers de pêcheurs seraient condamnés" par une interdiction, "en Ecosse, Irlande, France, Espagne et Portugal. Des régions entières vont être entraînées vers le précipice", plaidait la socialiste bretonne Isabelle Thomas qui est contre une interdiction totale de ce type de pêche.La Scapêche, défend son mode de pêche
Les employés de la Scapêche, premier armateur de pêche fraîche en France, basé à Lorient, avaient dénoncé vendredi "l'acharnement systématique" à leur encontre, selon eux, de l'association de défense des océans Bloom, qui a mis en ligne une pétition soutenant l'interdiction du chalutage en eaux profondes. "Nous exerçons un beau et noble métier dont tous les voyants, économiques, environnementaux et sociaux, sont au vert", ont écrit les salariés de la Scapêche (enseigne Intermarché), qui emploie 257 personnes, dans une lettre ouverte à la présidente de Bloom, Claire Nouvian. "Si votre lobby anti-pêche porte ses fruits, entre 4 et 10 emplois induits à terre seront détruits soit au total entre 1.500 et 3.000 emplois (...). La Bretagne n'a vraiment pas besoin de cela actuellement", ajoutent les salariés de la Scapêche.La Scapêche réoriente ses activités vers d'autres espèces
Fabien DULON, le directeur général de la Scapêche, explique dans un communiqué ce mardi soir que l'entreprise envisage d’aller plus loin que le texte voté par les députés européens : « Dans l’attente d’avis scientifiques indiscutables et partagés par toutes les parties prenantes, y compris par les ONG, nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour ne pas cibler systématiquement les espèces de grands fonds. Celles-ci pourront cependant figurer parmi les prises accessoires, mais - je le redis - les espèces d’eau profonde ne seront plus ciblées. La SCAPECHE va mettre à profit la période probatoire de cinq ans votée par les députés européens pour réorienter ses activités vers d’autres espèces ». Il ajoute : « La SCAPECHE tend également la main aux ONG et leur propose de s’associer à elle pour l’élaboration d’un cahier des charges de production ».Reportage à Strasbourg sur le vote du parlement européen :
Intervenants du reportage :
- Isabelle Thomas (Saint-Malo), Commission pêche Parlement européen (groupe socialiste et démocrate)
- Alain Cadec (Saint-Brieuc), Vice-président commission pêche Parlement européen (PPE)
- Nicolas Teisseire, Directeur Association européenne de promotion de la pêche durable et responsable
- Claire Nouvian, Présidente Association Bloom
- Jean-Paul Besset, Commission pêche (groupe Europe Ecologie - Les Verts)