Les avocats manifestent ce jeudi contre la baisse de l'aide juridictionnelle. Loin d'être un détail, cette indemnité permet aux personnes modestes de se défendre devant la justice. Si elle n'est pas augmentée, de nombreux avocats, comme Anne, pourraient décider de ne plus plaider pour eux.
Anne a commencé une carrière dans le droit parce qu’elle pensait que les avocats étaient "tous pourris". La Justice chevillée au cœur, elle a fini par entrer dans un cabinet d’avocat, où elle a eu "la chance d’être avec des professionnels qui travaillaient par conviction".
Aujourd’hui, l'avocate rennaise compte 25 ans de carrière derrière elle, dont des milliers d'heures pour l’Aide Juridictionnelle. Beaucoup de ses clients n’ont pas les moyens de la payer, ils font donc une demande d’aide.
"On n'est pas des avocats au rabais"
Moins bien payé, donc moins prisé… Habituellement, ce sont surtout les avocats en début de carrière qui se portent volontaire pour intervenir dans ces dossiers. Pourquoi Anne s’acharne-t-elle dans cette voie ? Elle cite une phrase de son père : "Il y a des gens pauvres, et faudrait encore qu’ils soient mal défendus !" Pour elle, rien de plus rageant que de voir "des personnes modestes ou des enfants qui se sont fait violer" démunis face à un accusé "qui a les moyens de se payer des avocats pénalistes".Plus qu’une réforme, l’avocate plaide pour un changement de mentalité. Même auprès de ses clients. "Dans cette profession, lorsque l’on est payé moins cher, les gens ont tendance à considérer que l’on est moins bon. Mais c’est faux. C’est important de le dire : on n’est pas des avocats au rabais !".
Lassée de se battre
Femme de conviction, Anne est pourtant parfois sur le point de rendre les armes, "par lassitude". L’Aide juridictionnelle impose à l’avocat d’être payé à la fin de sa mission. "Si une procédure de divorce dure quatre ans, on est payé au bout de quatre ans. En attendant, on a quand même nos loyers ou nos besoin personnels à financer".Et le montant de l’indemnité reste dérisoire pour une profession qui exige minimum quatre années d’études supérieures et beaucoup d’investissement. "Cette semaine, j’interviens pour une victime d’abus sexuel. L’audience va durer cinq heures, sans compter les rendez-vous de préparation avec la cliente. Et je vais être payée 192 euros. Et ce n’est pas le bénéfice net", calcule l’avocate.
"A un moment, il faut manger"
Comme beaucoup, elle réclame la revalorisation du montant de l’AJ, que le gouvernement envisage de réduire. Si cette aide n’est pas augmentée, elle craint que les cabinets s’essoufflent et, comme elle, rechignent à accepter ces dossiers. "Au bout de 25 ans de carrière, j’ai un salaire de 2000 euros par mois. Vous trouvez ça normal ? On fait ce métier par vocation, mais à un moment, il faut manger".C'est pour toutes ces raisons qu'Anne ne pouvait faire autrement qu'être présente devant la Cité Judiciaire à Rennes, aux côtés de ses confrères, pour cette journée de mobilisation nationale. Le montant de l'indemnité devrait être fixé par le gouvernement au courant du mois.