Meurtre de Lucie Beydon. Une affaire de plus de 10 ans résolue par l'ADN

Un suspect a été mis en examen à Rennes et écroué mercredi pour le meurtre de Lucie Beydon retrouvée tuée de 21 coups de couteau à son domicile en septembre 2004. Plus de 10 ans plus tard, c'est l'ADN de cet homme qui l'a trahi. En matière d'ADN, les techniques ont fait des progrès phénoménaux.

Il est certain que l'ADN a été une révolution dans la résolution de certaines enquêtes judiciaires. L'empreinte génétique permet d'identifier un cadavre ou de retrouver un violeur, un assassin ou l'auteur d'un méfait. C'est, depuis des années, l'arme fatale des enquêteurs. Avec une incertitude de seulement 1 sur 1 million, l'ADN (acide désoxyribonucléique) attribue à chaque être humain un code unique. 

Il suffit d'une goutte de sang, de sperme, d'un bout d'ongle ou d'un simple cheveu pour confondre un criminel. Avec un prélèvement infinitésimal, c'est un résultat optimal avec une certitude absolue. Depuis son introduction en France, en 1991, plusieurs milliers de tests sont pratiqués chaque année sur demande des magistrats, des policiers ou des gendarmes.

Reste que dans l'affaire du meurtre de Lucie Beydon, l'annonce d'un suspect confondu par son ADN 10 ans après les faits peut naturellement soulever quelques questions : comment l'ADN peut-il encore parler 10 ans après? La technologie a-t-elle beaucoup évoluée ces dernières années? Pourquoi le suspect est-il confondu maintenant alors qu'il faisait déjà partie de la liste d'une vingtaine de suspects à l'époque?

Des progrès technologiques énormes

"Depuis les années 90, la technique en la matière a fait des progrès phénoménaux", explique Sandrine Valade, directrice adjointe du laboratoire de la police scientifique de Paris.

Désormais, les prélèvement d’ADN sont possibles sur des traces microscopiques et on peut isoler aujourd’hui des profils génétiques qui n’étaient même pas exploitables avant. 

Amplifier un fragment d'ADN

Dans l'affaire Lucie Beydon, les séquences ADN, dont disposaient les enquêteurs il y a 10 ans, étaient incomplètes, mélangées et ne correspondaient à l'époque à aucune personne du fichier national ou de l'entourage de la jeune étudiante.

Les technologies en biologie moléculaire permettent maintenant d'amplifier un fragment d'ADN spécifique, souvent présent au départ en très faible quantité et parfois en mauvais état. C'est la PCR (polymerase chain reaction ou amplification en chaîne par polymérase), une suite de réactions enzymatiques qui permettent de produire, en quelques heures, plusieurs centaines de microgrammes de l'ADN d'un gène à partir de moins de 1 picogramme de ce même gène, soit une amplification de l'ordre du milliard de fois. 

Jean-François Abgrall, ancien gendarme devenu célèbre à l'occasion de son enquête sur le tueur en série Francis Heaulme, nous a précisé que ces techniques d'amplification  s'étaient multipliées ces dernières années et que des prélèvements, à peine exploitables car incomplets, pouvaient devenir exploitables par ces méthodes.

Ces avancées en terme d'amplification et de dissociation des fragments ADN ont permis dans le cadre de l'affaire Lucie Beydon de "recomposer" une séquence génétique permettant de confondre le meurtrier présumé 10 ans plus tard, comme l'explique Soizic Le Guiner-Lebeau, experte en empreintes génétiques à l'IGNA (Institut Génétique de Nantes Atlantique).
Intervenante : Soizic Le Guiner-Lebeau, expert en empreintes génétiques, directrice Générale Déléguée IGNA / Reportage : C. Carlier - C. Rousseau
 

De vieilles affaires résolues par l'ADN

Il arrive de temps en temps qu'une affaire vieille de vingt ans soit résolue grâce à l’ADN. Ce fut le cas de l’affaire des disparues de Perpignan entre 1995 et 1998, dont un suspect a été interpellé en octobre 2010 grâce aux progrès de la police scientifique en matière d’ADN.

Pour autant, même si les scellés contenant les traces ADN ont été conservés correctement et que l' "on peut exploiter le sang pendant des dizaines d’années et le sperme pendant 15 à 20 ans" précise Sandrine Valade, de la police scientifique de Paris, "sur les vieilles affaires, vu les précautions prises à l’époque, ça ne veut pas dire grand-chose de chercher des traces de contacts, par exemple. De manière générale, on manipulait avec moins de soins tous les éléments. C’est pour ça qu’aujourd’hui, résoudre de vieilles affaires grâce à des traces ADN, ça reste extraordinaire».

L'ADN et l'affaire Dickinson

L'affaire Caroline Dickinson, du nom de cette jeune anglaise de 13 ans, retrouvée violée et étouffée dans l'auberge de jeunesse de Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine) en 18 juillet 1996, a également été marquée par le rôle prépondérant de l'ADN dans cette enquête de grande envergure. 
L'ADN prélevée sur les traces de sperme retrouvées sur les vêtements de la victime permettront d'innocenter un sans-abri qui avait avoué le meurtre. L'ADN sera au centre d'une campagne de prélèvement sur plus de 4.000 hommes de la région sans qu'aucun échantillon ne corresponde. Et c'est en comparant l'ADN d'un suspect espagnol emprisonné aux Etats-Unis et recherché par les gendarmes bretons que l'enquête trouvera son épilogue. L'ADN de Francisco Arce Montes est bien identique à celui retrouvé sur la jeune Anglaise. Il sera condamné à 30 ans de prison en juin 2004.
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