Eurodéputés et États membres de l'UE ont trouvé dans la nuit du 24 au 25 juin un accord sur les versements destinés à "verdir" l'agriculture européenne. "Un excellent compromis" selon le commissaire européen à l'agriculture. "Une régression, une fumisterie" pour les défenseurs de l'environnement.
Ils dénonçaient une PAC qui pourrait les mettre "à poil" le 2 juin dernier, l'accord conclu ce 25 juin vers deux heures du matin à Bruxelles ne va pas aider les agriculteurs bio à se revêtir ...
On régresse, c'est un très mauvais signal !
L'accord trouvé concerne les "écorégimes", primes conditionnées à des pratiques vertueuses, censés être mis en oeuvre début 2023 et dont le contenu est défini par les États. Les eurodéputés réclamaient initialement qu'ils représentent au moins 30% des paiements directs aux agriculteurs, les Etats plaidaient pour un seuil de 20%. Finalement, l'accord prévoit de consacrer en moyenne 25% par an des paiements directs aux écorégimes sur l'ensemble de la période de la PAC (jusqu'en 2027), avec la possibilité de n'y consacrer que 20% en 2023 et 2024.
"Pour nous c'est une régression. La précédente PAC avait instauré pour la première fois un paiement conditionné à des pratiques culturales vertueuses, et il était de 30%" explique Julien Sauvée, président de la fédération régionale de l'agriculture biologique en Bretagne. "En plus on régresse sur la conditionnalité puisque les aides jusque-là destinées à l'agriculture biologique seront accessibles avec le label HVE qui est beaucoup moins exigeant"précise-t-il.
Un accord jugé satisfaisant par une partie des négociateurs
Après l'échec en mai de trois jours d'intenses discussions ayant tourné au dialogue de sourds, les négociateurs du Parlement européen et des Etats ont repris leurs pourparlers ce jeudi pour trouver un compromis global avant une réunion lundi des ministres européens de l'Agriculture.
"Nous sommes très proches d'un excellent compromis, après avoir fait cette nuit d'énormes progrès sur les problèmes les plus épineux", a tweeté le commissaire européen à l'Agriculture Janusz Wojciechowski.
"Une étape a été franchie sur les plans stratégiques", s'est félicitée l'eurodéputée Anne Sander (PPE, droite) vers 2 heures du matin, se disant "confiante qu'un accord global est à portée de main".
Pour Pascal Canfin, président de la commission Environnement au Parlement: "les écorégimes seront robustes, les plans nationaux devront être obligatoirement cohérents avec les lois environnement et climat" européennes.
Les députés verts dénoncent "une fumisterie"
L'eurodéputé français Benoît Biteau (EELV), qui est aussi agriculteur, est vert de rage : "Ils ont assouplit les règles de verdissement de manière à ce que tous les agriculteurs y aient droit. Cette PAC va être un obstacle à tous les objectifs que l'on vote par ailleurs, l'interdiction des pesticides, l'extension du bio, la protection de la biodiversité...Ça ne peut pas marcher !"
L'eurodéputé allemand Martin Häusling (Verts) le rejoint dans sa colère : il déplore "un mauvais accord", jugeant trop bas le niveau d'écorégimes et fustigeant des "dérogations de plus en plus nombreuses".
Et le représentant de l'ONG Greenpeace abonde dans le même sens : "Cet accord perpétue le statu-quo, poursuivant l'appui désastreux aux élevages industriels qui dévastent l'environnement (...) Nous ne sommes pas dupes de ce "greenwashing""
Un vote au parlement européen en septembre
Ce vendredi les négociations se poursuivent à Bruxelles, notamment autour des contrôles sur l'importation de produits agricoles, notamment pour bannir les produits présentant des traces de pesticides interdits dans l'UE pour raisons environnementales. Les parlementaires voudraient durcir ces contrôles mais les Etats s'inquiètent, eux, de contrevenir aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
La version définitive de cette nouvelle PAC et ses déclinaisons nationales seront soumises à l'automne au vote du Parlement européen. Les députés verts appellent dores et déjà à voter contre.