Brexit : ce qu’en pensent les Bretons de Londres

Ils vivent dans la capitale britannique. Ils ont créé leur entreprise, sont salariés, travaillent pour des administrations britanniques. A Londres, les Français seraient entre 250 et 400 000. Parmi eux, de nombreux Bretons. A l’heure du Brexit, comment envisagent-ils leur avenir ? Portraits
 

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Manon, Aymeric, Yveline, Lisa, Noémie. Tous les cinq vivent à Londres depuis plusieurs années ou viennent juste d'arriver. Le Brexit, ils l'ont dans la tête.


Manon, 27 ans est arrivée à Londres comme jeune fille au pair 

Manon Lagrève : 27 ans, originaire de Louvigné-du-Désert en Ille-et-Vilaine. La jeune femme est arrivée à Londres il y’a 7 ans comme fille au pair, un DUT GEA en poche. Très vite, Manon est séduite par la vie londonienne et choisi de s’y installer.  Sans difficultés, elle trouve un poste chez IBM ou elle va rester 4 an : « j’ai doublé mon salaire, j’ai obtenu très vite un statut de cadre et j’ai amélioré mon anglais qui n’était pas très bon. Je ne suis pas sure que j’aurais eu les mêmes opportunités en France ».

Mais la véritable passion de Manon, c’est  depuis toujours la cuisine. La jeune bretonne  aime faire partager ses recettes et son savoir-faire sur le site internet qu’elle a crée : Manon’s little kitchen, la Petite cuisine de Manon. A l’automne dernier, elle est même retenue avec 11 autres candidats pour participer à l’une des émissions phares de la télévision britannique : « The great british bake off », l’équivalent du "concours du meilleur pâtissier".
La petite « frenchie » à l’anglais parfait parvient en quart de finale, suffisant pour se faire une jolie réputation auprès du grand public dont elle est devenue la chouchoute. Un succès qui lui vaut aujourd’hui plus de 20 000 followers sur Twitter, et des contrats en perspective pour des livres ou des émissions. Pas question dans ces conditions de quitter l’Angleterre et Londres qu’elle adore.

Le Brexit ? Manon se souvient du jour ou les Britanniques ont voté pour la sortie de l’Europe en juin 2016. :

Personne n’y croyait et même au travail, mes collègues anglais me disaient qu’ils avaient honte. 

Reste que Manon  préfère ne pas trop s’inquiéter :  " Je pense que c’est plutôt ma famille en France  qui s’inquiète. Moi, ça fait 7 ans que je vis ici, que je paie mes impôts. Du moment, qu’ils ne me disent pas de partir, je reste ici. Je participe à la campagne anti-Brexit du maire de Londres, Sadiq Khan : « London is open ». L’idée c’est de rassurer les Européens qui travaillent ici. Car si tout le monde part, ce sera un crash économique."

Pour l’instant, Manon n’envisage pas de demander la nationalité britannique comme d’autres expatriés français. Si un jour, il devient pour elle impossible de rester, elle envisage de s’installer au Canada.


Aymeric, 31 ans est patron d'une crêperie


Aymeric Peurois : 31 ans, patron de la crêperie Mamie’s à Covent Garden. Une partie de sa famille est originaire de Rennes. C’est sa grand-mère qui lui a fait aimer les crêpes et c’est pour lui rendre hommage qu’il a appelé son restaurant Mamie’s. Aymeric a décidé de s’installer à Londres en 2016 ou vivait déjà une partie de sa famille.
« On se disait depuis longtemps que c’était difficile de manger des bonnes crêpes a Londres. C’est ce qui m’a donné envie d’ouvrir ma crêperie. » confie le jeune entrepreneur au look de barde breton, qui affiche fièrement le Gwen ha Du dans son bureau aux cotés de bouteilles de cidre arrivées tout droit de Bretagne.
Il ouvre son restaurant durant l’été 2016, un mois seulement après le vote du Brexit.

Cela a été un choc.


Mais pas question de reculer alors que le projet a nécessité de longs mois de préparation. Aujourd’hui, Aymeric n’a aucun regret : «  en deux ans et demi, on a servi 80 000 clients, on a fait 60% de croissance et le chiffre d’affaires annuel tourne autour de 600 000 livres » soit près de 700 000 euros. Il emploie 13 personnes-mais seulement 2 CDI- dont quatre Bretons : Damien Lecommandoux, le crêpier vient de Redon, Romain Simon, le manager, de Rennes, Allan Hesry, le chef, de Quimper, l’une des serveuses est malouine.

Car Aymeric tient à offrir à sa clientèle un personnel francophone.

De toute façon, à Londres, toutes les personnes employées dans la restauration sont étrangères. Les britanniques n’ont pas envie de travailler dans ce secteur 

Et c’est bien l’une de ses principales craintes avec le Brexit : que toute cette main d’œuvre étrangère qui vient généralement à Londres pour quelques mois, ne soit plus disponible. « Ce serait une catastrophe pour tout le secteur de la restauration : un quart voire un tiers des établissements pourrait fermer. » Et puis qu’en sera-t-il des prix ? « Ils risquent de flamber si le cours de la livre s’effondre, sachant qu’ici quasiment tous les produits alimentaires sont importés. Et puis le climat d’austérité et d’inquiétude actuel pèse aussi sur la consommation. » Dans ces conditions, si les choses se compliquent, Aymeric serait peut être obligé de mettre la clé sous la porte, la mort dans l’âme.

Je pense néanmoins qu’il n’y aura pas de décision d’ici la fin mars. Hard ou soft, personne n’est capable d’entériner le Brexit en l’état actuel des choses. Le processus sera plus long.


Ses salariés eux, sont plus confiants. Damien, Romain et Allan préfèrent rester optimistes et s’il le faut, tous les trois sont prêts à demander la nationalité britannique.


Obtenir la nationalité britannique

Faut-il encore répondre aux critères exigés par la Grande-Bretagne :
  • cinq ans révolus passés dans le pays,
  • une bonne connaissance de la langue, de l’histoire, de la culture britannique.
Pour ceux qui vivent déjà au Royaume-Uni mais ne souhaitent pas ou ne peuvent pas demander la naturalisation, le gouvernement a instauré un settled status, un statut de résident permanent qui permet aux étrangers vivant dans le pays depuis au moins 5 ans de rester (à condition de ne pas quitter le pays pendant deux ans, auquel cas le settled status est invalidé). Ceux qui sont là depuis moins longtemps peuvent accéder au pré-settled status. Des mesures pour tenter de retenir les européens en Grande-Bretagne.


Yveline travaille à la mairie de South kensington


Yveline Cochen vit depuis 35 ans à Londres. Cette pétillante brune travaille depuis 20 ans pour la mairie du très chic quartier de South Kensington, le quartier français par excellence. Elle y exerce la profession d’agent de recouvrement. Originaire de Spézet dans le Finistère, Yveline a quitté la France en 1984 pour devenir, elle aussi, fille au pair. Et elle n’est jamais repartie  

 Ce que j’adore ici, c’est qu’on n’est pas jugé sur le physique. On peut faire ce qu’on veut, on est libre.

Yveline est une vraie londonienne, qui parle français avec l’accent britannique et mêle les mots anglais au vocabulaire français lorsqu’elle ne se souvient pas. Sa vie est ici et pas question de changer. Yveline veut entreprendre elle aussi les démarches pour demander la nationalité britannique. Elle a déjà en poche sa carte de résidente permanente depuis 2018. Des formalités qui la ramènent 30 ans en arrière, quand elle est arrivée, à une époque où les Britanniques exigeaient encore des étrangers, Européens compris de montrer patte blanche : « il a fallu que je fasse faire un permis de conduire britannique et tous les 6 mois, on devait s’enregistrer auprès du Ministère de l’Intérieur et faire tamponner les papiers à chaque fois que l’on rentrait ou sortait du territoire. »

Dans le pub d’Hammersmith, qu’elle fréquente de temps à autres, il n’est pas rare de croiser des Français comme Thibaut Gautier, un nantais arrivé en 2018 à Londres. Il est serveur. «  Ici, sur 30 salariés, il n’y a que 3 ou 4 Britanniques, explique-t’il. On parle un peu Brexit mais dans l’ensemble on n’est pas trop inquiet. »


Lisa et Noémie travaillent dans une patisserie


Lisa Roué, 26 ans, vient de Brest,  Noémie Méal, 23 ans, de Saint-Malo. Toutes les deux travaillent dans une pâtisserie française du quartier de South Kensington. Elles sont arrivées à Londres grâce au programme Pelican mis en place par le Centre d’Echanges Internationaux, le CEI, à destination des Bretons qui recherchent un premier emploi à l’étranger, dans un pays anglophone (Grande-Bretagne, Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande) et ne parlent pas forcément anglais. Noémie travaillait dans le milieu de l’animalerie, Lisa sans diplôme n’était pas vraiment fixée. Dans cette pâtisserie ou elles font tout, de la préparation des brioches à la vente, elles s’épanouissent. De Londres, elles apprécient le multiculturalisme et la qualité de vie. Selon Lisa,

Même si la vie est plus chère qu’en France, je vis mieux ici. Les Britanniques nous donnent notre chance même quand on n’a pas de diplômes, on nous juge à notre travail, c’est tout.


Après deux ans et demi passés dans la pâtisserie, Noémie est déjà assistante manager, un poste qu’elle n’aurait pas pu obtenir en France, à 23 ans et en si peu de temps. Dans les prochains mois, elle espère pouvoir partir dans une autre pâtisserie de la chaine, à Bruges en Belgique. Alors en ce qui la concerne, le Brexit ne l’inquiète pas trop. C’est plus pour la pâtisserie. «  On voulait ouvrir de nouvelles boutiques à Londres, mais face à l’incertitude, on attend. Le risque, c’est la baisse du pouvoir d’achat des Britanniques, si la livre s’effondre. »

Lisa, elle, aimerait rester, à condition que les formalités administratives ne deviennent pas trop lourdes. Car pour elle, en revanche, pas question de prendre la nationalité britannique. Si elle doit quitter l’Angleterre, elle ira peut-être tenter sa chance au Canada mais quoi qu’il arrive, elle ne veut pas rentrer en Bretagne.

Selon un sondage, seul une Français sur 10 installé au Royaume-Uni pense rentrer en France en cas  de Brexit dur. Quant à la demande de passeport britannique, elle a été multipliée par cinq ces deux dernières années.

 
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