Marion, 24 ans, fait partie des "victimes collatérales" des mesures sanitaires prises pour lutter contre le coronavirus. Confinée depuis une semaine dans un petit hôtel d'Arequipa, dans la Cordillère des Andes, la jeune Quimpéroise témoigne.
Arequipa c’est la deuxième ville du Pérou au sud du pays. Après son Master 2 en droit, Marion a travaillé quelques mois dans une maison de retraite pour financer un périple de quelques mois en Amérique du Sud. Mais plus question aujourd’hui pour la jeune Quimpéroise de visiter la proche réserve naturelle nationale Salinas y Aguada Blanca.
Couvre-feu de 20 h à 5 h
"C’est le 9ème jour de confinement. Ici, on peut sortir juste pour les courses et il y a le couvre-feu de 20 à 5 heures." L’armée et la police patrouillent dans la ville. Le temps s’étire en compagnie de la quinzaine de touristes qui partagent leurs journées dans une auberge de jeunesse.
Des Espagnols, des Argentins, des Chiliens. Marion est la seule Française mais "on s’occupe, on cuisine."
On prend nos distances évidemment, on se lave les mains, les poignées de porte… Les consignes sont diffusées à la télévision, dans les pharmacies. Sur le marché, c’est port du masque obligatoire et lavage des mains pour avoir le droit d’accès. Tout le monde semble jouer le jeu, et il y a des masques et du gel hydroalcoolique sans problème.
"Mon pays, ma famille, mon lit"
Marion n’est pas du genre à paniquer. Mais quand même, cette situation lui pèse un peu. "J’aimerais rentrer chez moi, dans mon pays, ma famille, ma maison, mon lit aussi" lâche-t-elle avec humour préservé. Mais pour ça, la première étape serait de rejoindre la capitale.
"Lima, c’est 20 heures de bus je crois mais il faudrait déjà avoir un bus." Et là, rien n’est gagné. Sa mère Valérie suit la situation depuis le Finistère. Elle espérait bien retrouver Marion lors de son étape prévue en Bolivie. Désormais, la priorité c’est évidemment le rapatriement. Elle confirme les difficultés.
Des bus vers les aéroports bloqués par les militaires
Ce qui est compliqué, c’est la confusion autour de l’acheminement vers Lima. Marion est bien enregistrée pour recevoir les mails de l’ambassade mais bizarrement certains messages ne lui parviennent pas. "Comme cette annonce d’un bus à l’arrache dimanche à 5h30 du matin" confie Valérie. Il sera finalement annulé. La déception a été encore plus rude pour des compatriotes bloqués à Cuzco (Machu Picchu).
"Ces Français se sont retrouvés dans un bus affrété par l’ambassade de France, mais il a finalement été stoppé par des militaires péruviens." À n’y rien comprendre.
Marion a bien appelé l’ambassade mais au bout du fil rien de rassurant. "Ils m’ont dit que je devais comprendre qu’ils n’avaient pas toutes les adresses, pourtant je suis inscrite partout ! Soit-disant qu'il n’y pas eu d’envoi de mail collectif. Je scrute le Facebook de l’ambassade et un ami français, coincé lui aussi a Arequipa, me fait suivre les infos."
En tout cas Marion semble encore loin d’avoir son billet d’avion entre les mains. "On ne sait pas où on va acheter le billet ni à quel prix. Sur le site d’Air France sans doute, mais dans une semaine ou dans un mois ?"
Aucune date avancée pour un prochain vol retour à partir de Lima
Tous les vols sont bloqués par l’État péruvien depuis le 16 mars. L’ambassade de France à Lima indique que "les seuls vols Air France qui pourront joindre Lima à Paris sont ceux qui sont reconnus comme vols « officiels » et donc opérés dans le cadre d’un accord avec le gouvernement français."
"À ce stade, aucune date n’est encore avancée pour un prochain vol de retour à partir de Lima. Seront acceptés sur ces vols les passagers qui auront acheté leur billet et effectué leur réservation auprès de la compagnie Air France. Lorsque le vol sera ouvert, l’achat se fera directement sur le site d’Air France, à un tarif convenu entre le gouvernement français et la compagnie, dont le niveau restera raisonnable."
Signe encourageant toutefois, dimanche 22 mars un vol Air France / KLM "Lima-Paris" a bien décollé. À son bord, environ 250 passagers. Des Français bien sûr, mais également des ressortissants de Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Unis, Suisse, Grèce... Sur son site internet, l’ambassade de France précise avoir "servi de point de regroupement à 200 de ces passagers qui ont ensuite été acheminés à l’aéroport militaire par des bus affrétés par l’ambassade."
Le risque serait que la situation dégénère
Que se passera-t-il si la situation dégénère ? Marion ne peut pas s’empêcher de comparer le Pérou et la France. Hier, l’ambassade de France au Pérou relayait les chiffres officiels de 318 personnes diagnostiquées positivement au Covid-19 et les décès de cinq personnes. Mais comment le pays ferait-il face à une situation similaire à celle de la France par exemple ? "Le système sanitaire péruvien est moins performant que le nôtre, dit Marion, c’est inquiétant forcément de penser à ce qui se passerait."
Et quoi de plus important pour une mère que la santé de sa fille, encore plus quand elle se trouve à plus de 10.000 kilomètres ? "Marion a eu un peu de fièvre et des problèmes intestinaux il y a quelques jours, confie Valérie. Ce n’est pas confortable de la savoir malade loin de chez elle. On s’appelle tous les jours et elle nous dit qu’elle va déjà mieux mais on serait rassuré de la voir confinée en France."
Un SMS rassurant de Jean-Yves Le Drian
Pour autant Valérie ne cède pas à la panique, et se dit certaine que l’ambassade travaille bien.
Un "vrai pont aérien". La formule est du Breton Jean-Yves Le Drian pour décrire les moyens mis en œuvre afin de rapatrier les Français actuellement bloqués à l’étranger, victimes collatérales des mesures sanitaires pour lutter contre le coronavirus. Le ministre des Affaires Étrangères recensait ce 23 mars, 140 vols qui ont déjà permis le retour de plus de 20.000 Français du Maroc, plus de 10.000 de Tunisie ou d'Algérie. Aujourd'hui 50.000 ressortissants français restent bloqués à l'étranger par le Covid-19, sur les 130.000 initialement comptabilisés.
Valérie a été directement rassurée par un SMS du ministre des Affaires Étrangères en personne. "On les ramènera tous, promet-il, il faut du sang froid."
A priori, Marion n’en manque pas.