Au printemps, les parcs et jardins de Bretagne sont magnifiques. C'est LA saison phare, LE pic d'activités. Hélas, confinement oblige, ils sont tous fermés au public. Un véritable crève-coeur pour les propriétaires mais aussi un manque à gagner monumental en cette période touristique.
Oriane Jouno est propriétaire du Parc botanique de Haute-Bretagne, situé au Châtellier près de Fougères (Ille-et-Vilaine). Suite au confinement, elle a dû fermer ses portes au public. Une situation inédite et particulièrement compliquée à gérer. "Mon père a créé lui-même ces 24 jardins répartis sur 25 hectares. C'était un champ de ronces quand il a commencé en 1994. C'est la première fois que nous sommes obligés de fermer à cette époque de l'année. Nous devons continuer à entretenir le site".J'ai grandi ici. Je ne me plains pas de mon cadre de confinement : c'est magnifique en ce moment mais ça me fend le cœur de ne pas pouvoir le partager avec nos visiteurs.
Depuis le début du confinement, trois jardiniers travaillaient encore dans les allées du parc. Oriane Jouno voulait à tout prix éviter le chômage partiel à son personnel, "mais à partir d'aujourd'hui, je n'ai plus le choix : un seul jardinier va assurer l'entretien courant. Ils vont se donner le tour".
« Un désastre pour nous ! »
En règle générale, à cette époque de l'année, plusieurs centaines de visiteurs viennent chaque jour admirer les quelques 7000 espèces végétales, parfois très rares. "Tous nos événements du printemps sont d’ores et déjà annulés et nous recevons jour après jour des annulations de groupes. Durant les mois de mars, avril et mai nous réalisons 65% de notre chiffre d'affaire annuel. Nous avons déjà perdu au moins 70 000 euros auquels il faudra ajouter 100 000 euros de pertes au mois de mai. C'est un désastre pour nous !", confie Oriane Jouno.
Une cagnotte en ligne pour faire face
S'estimant en danger et afin de préserver ses emplois et son patrimoine botanique, le parc botanique de Haute-Bretagne a lancé une campagne de pré-vente via la plateforme kisskissbankbank. Des dons d'argent qui seront convertis en billets d'entrée, en nuits en chambres d'hôtes, en plants... "De quoi faire oeuvre de solidarité avec nos fournisseurs, et notamment les pépiniéristes, en soldant nos factures", précise Oriane Jouno.
Pour Jean-Pierre Guéguen, propriétaire du Parc botanique de Cornouaille à Combrit (29), pas de cagnotte en ligne. Il a mis au chômage technique ses deux salariés permanents et calcule au centime près pour ne pas faire de dépenses inutiles.
Il espère pouvoir rouvrir ses jardins pour l'été au moins car il déplore déjà 50 000 euros de pertes. "En principe, on a le droit à 1500 euros par mois d'aides publiques durant ce confinement. Mais c'est une goutte d'eau ça ! C'est le chiffre d'affaire d'une belle journée au mois de mai..."Mon fils ou moi-même allons tondre les pelouses pour maintenir la qualité des jardins et espérer que la situation ne dure pas trop longtemps quand-même.
Demande d'aides spécifiques à l'Etat
C'est pourquoi, dès aujourd'hui, l'Association des Parcs et Jardins de Bretagne tire la sonnette d'alarme. Son Président, Geoffroy de Longuemar, en appelle à l'Etat pour obtenir des aides spécifiques à ce secteur. "Pour nous la situation est singulière car pour maintenir la qualité des jardins, la plupart du temps, il faut des jardiniers. Etant donné que plus aucune recette n'entre dans les caisses, si on obtient pas d'aides particulières, le risque c'est que des parcs ferment définitivement leurs portes".
Et de rajouter que pour le moment il est très diffcile de connaître l'impact économique global du confinement : "c'est trop tôt, on n'a pas assez de recul. La plus grosse incertitude, c'est de ne pas savoir quand les parcs et jardins de Bretagne vont pouvoir, de nouveau, ouvrir leurs portes au public".10 à 20 parcs bretons sont à l'heure actuelle en grande difficulté.