Les agriculteurs annoncent une nouvelle semaine d’action dans les quatre départements bretons. Ils veulent protester contre les règles et les contraintes absurdes qu’on leur impose.
Ces dernières semaines, la colère monte dans les campagnes. Il y a évidemment le problème des prix, toujours au ras des pâquerettes mais cette fois, les agriculteurs s’inquiètent surtout des mesures du projet de loi d’orientation agricole en préparation au ministère. L'État ne nous aide pas, il veut maintenant nous mettre des bâtons dans les roues, résume Florian Gaultier.
L'absurdité des nouvelles règles
Le jeune homme s’est installé sur la ferme familiale, à Broons, il y a 5 ans pour produire du lait. Le jeune homme, président des Jeunes agriculteurs des Côtes d’Armor, dénonce la fin des aides au gazole, la concurrence étrangère et l’absurdité des nouvelles règles.
Le mois dernier, déjà, les agriculteurs du département ont mené des actions de contrôle dans les grandes surfaces. Horrifiés, ils ont découvert dans certaines enseignes 80% de produits non français et ont vidé des rayons.
Origine des produits chez Lidl : 80% de produits NON français 🤬 pic.twitter.com/1FIuKavCJh
— FDSEA Côtes d'Armor (@fdsea22) October 28, 2023
Distorsion de concurrence
"Aujourd’hui, explique Florian Gaultier, on importe des poulets ukrainiens. Et on ne remplit plus nos élevages." Jusqu’ici, entre deux lots de volailles de deux semaines, un vide sanitaire de 15 jours était prévu.
"Désormais, ce vide peut durer 7 à 8 semaines, s’agace l’éleveur. Et évidemment pendant ce temps-là, on ne gagne rien !"
On a interdit les poules en cage et maintenant on va chercher des œufs en Pologne pondus par des poules en cage parce que c’est moins cher.
Florian Gaultier. Président des Jeunes Agriculteurs des Côtes d'Armor
"Nous sommes en train de sacrifier l’élevage français, poursuit-il. Il y a 20 ans, on exportait 50% des poulets que l’on produisait. Aujourd’hui, on en importe 50% ! Si ça continue, on va arriver à 80% de volailles qui arrivent de l’étranger alors que nos bâtiments restent vides."
"On a demandé aux éleveurs de volailles d’installer des fenêtres dans les bâtiments pour que les poules aient de la lumière et on importe des poulets… C’est absurde !"
"Pour les œufs, c’est pareil. Au nom du bien-être animal, on a interdit les poules en cage et maintenant on va chercher des œufs en Pologne pondus par des poules en cage parce que c’est moins cher."
Action FDSEA/JA : trop d'importations STOP à la sur réglementation. #onmarchesurlatete pic.twitter.com/BIJs2IjmhO
— FDSEA Côtes d'Armor (@fdsea22) November 29, 2023
"À ce rythme-là, prévient-il, dans trois ans, on aura perdu notre autonomie alimentaire. Personne n’en a conscience, mais ça me fait peur. Quand on ne produira plus, qu’est-ce qu’on mangera ? Des aliments dont on ignorera les conditions de production ? Dont on ne maîtrisera pas les prix ? On sera pieds et poings liés. C’est scandaleux."
L’élevage breton en berne
En 10 ans, dans la région, le nombre de bovins a reculé de 7,6%, celui de porcs de 9,6% et les effectifs en volailles sont en baisse de 8,8%.
Ce 5 décembre, les présidents de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs rencontrent la Première Ministre. "Malheureusement, je ne pense pas qu’il va en sortir grand-chose déplore Florian Gaultier. J’ai l’impression que les ministres ne nous écoutent pas beaucoup."
"Quand un ministre demande que les prix soient tirés vers le bas pour que le prix du panier de la ménagère ne grimpe pas, il sait que c’est sur nous que les grandes surfaces vont faire pression."
Cafouillage sur les MAEC
"On a joué le jeu des MAEC (les mesures agroenvironnementales et climatiques), ajoute Florian Gaultier; on s’est engagé, mais les compensations promises par l’Etat n’arrivent pas. En Bretagne, il manque près de 60 millions d’Euros."
"Et maintenant, on veut nous interdire de retourner les prairies permanentes s’indigne-t-il. Ceux qui gardaient leurs prairies longtemps, qui stockaient donc beaucoup de carbone, vont être pénalisés, on marche sur la tête."
Manifestation devant la Préfecture d'Ille-et-Vilaine :
— FDSEA35 (@FDSEA35) November 23, 2023
On est face à un mur et on marche sur la tête !#onmarchesurlatete #agrisouspression #fdsea35 #j35 #agriculture #rennes #prefecture #PasDeTransitionSousPression@bretagnegouv@fnsea@JeunesAgri35 pic.twitter.com/eTzdw1RrIy
Le jeune éleveur a participé ses dernières semaines à l’opération "On marche sur la tête" de retournement des panneaux d’entrée des villes. Il s’agace contre les idées tombées de la capitale qui risquent de nuire à la profession.
On n’installe pas des jeunes pour leur mettre un couteau sous la gorge
Florian Gaultier, Président des Jeunes Agriculteurs des Côtes d'Armor
"On annonce aussi de nouvelles règles pour l’installation et le réaménagement des bâtiments d’élevage. C’est de plus en plus compliqué pour les jeunes de s’installer, résultat, ils se découragent. Le gouvernement nous parle de renouvellement des générations, mais on n’installe pas des jeunes pour leur mettre un couteau sous la gorge."
Les tracteurs de sortie
"Les mêmes, là-haut dans les ministères à Paris souhaitent interdire les pharmacies d’urgence que nous avons tous dans nos élevages, ajoute l'agriculteur. Si on a un animal malade, il faudra qu’on fasse venir le vétérinaire. Mais ils sont de moins en moins nombreux, donc de plus en plus loin de nos fermes. Si on les fait venir pour qu’ils nous donnent un flacon de produit, ils ne seront plus disponibles pour les choses plus graves. C’est une aberration complète et une négation de nos compétences, l’Etat nous juge incapable de soigner nos bêtes. Il y a des choses que l’on ne sait pas faire, mais il y a aussi des choses que l’on sait faire."
Cette semaine, la colère pourrait donc s’exprimer et les tracteurs se retrouver sur les routes.