Alors que le film, adaptation de la bande dessinée "Algues vertes, l’histoire interdite" remplit cet été les salles de cinéma, une nouvelle version de la BD paraît. En gallo cette fois.
"Limouézeries, L'istouère défendue". La bande dessinée d’Inès Léraud, "Les algues vertes, l’histoire interdite" est désormais disponible en gallo. Léandre Mandard, épaulé par André Le Coq, traducteur reconnu, s’est chargé de l'adaptation de la BD dans la langue de Haute-Bretagne.
"C’était important d’avoir son aval, précise Léandre Mandard, parce que c’est ma première vraie traduction, (un gros mois de travail), et puis, je voulais avoir le parler des Côtes-d’Armor. Mon gallo à moi, c’est celui d’Ille-et-Vilaine et ce n’est pas exactement le même. Je trouve que c’est important que le personnage parle avec la langue de son territoire", explique-t-il.
Dans sa traduction, Léandre Mandard a donc essayé de coller au plus près à la réalité. Les ramasseurs d’algues ou les éleveurs installés du côté de Saint-Brieuc s’expriment dans le gallo du coin. Les politiques rennais utilisent celui de l'est de la Haute-Bretagne.
Au départ, il y avait un projet de traduction de l’ouvrage en breton, et puis, des voix se sont élevées pour demander qu’il le soit aussi en gallo. "J’ai trouvé l’idée intéressante, surtout que l’histoire se déroule dans une zone où la langue traditionnnelle est le gallo", plaide le traducteur. (La ligne qui marque la frontière entre le breton et le gallo se situe entre Plouha au Nord et Billiers sur la côte sud).
200 000 locuteurs
Léandre Mandard a appris le gallo à la maison avec sa mère et sa grand-mère, puis a poursuivi son apprentissage au lycée. "Aujourd’hui, constate-t-il, de nombreux gallésants sont encore peu habitués à lire et à écrire le gallo. Alors qu’il y a une orthographe largement diffusée avec des codes orthographiques bien connus. Pour leur donner envie de lire cette langue, il est important de proposer aux lecteurs un contenu actuel."
Le jeune homme refuse d’opposer gallo et langue bretonne. Il parle d’ailleurs les deux langues.
"Je suis pour le développement de la langue bretonne, je ne veux pas de concurrence entre les deux. Si elles ont le même nombre de locuteurs (200 000 chacune), leur situation est différente. Mais, affirme-t-il, Il faudrait plus de moyens pour le gallo. Pas moins pour le breton, mais plus pour le gallo ! "
Il a pris plaisir à jouer avec la langue qui a une tradition de critique sociale. "Historiquement, rappelle-t-il, le gallo a beaucoup servi à se moquer des élites."
"Mes parents étaient éleveurs. Ce sujet me touche..."
Avec cette traduction, Léandre Mandard souhaite également montrer que la société bretonne s’est emparée de la thématique des algues vertes et de tous les problèmes environnementaux.
"Mes parents étaient éleveurs laitiers, confie-t-il. Ce sujet me touche particulièrement. Le gallo est d’ailleurs très adapté pour décrire le monde rural, le monde agricole. Il existe toute une panoplie de vocabulaire extrêmement riche pour parler de ce monde-là. "
"Ce n’est pas le monde agricole qui est visé, poursuit-il, les agriculteurs sont les premières victimes du système agro industriel. C’est la profession qui se suicide le plus, celle où l’on voit de plus en plus de cancers à cause des pesticides. Et puis, il y a eu de la casse sociale. La modernisation entre les années 50 et les années 80, ça n’a pas été une révolution silencieuse. De nombreuses personnes ont été laissées de côté. Il y a eu des gagnants et des perdants. La bande dessinée, elle montre cela aussi. Et cette critique résonne dans le monde agricole."
Limouézeries, L'istouère defendue est disponible sur commande auprès de Le Temps Editeur à Pornic.