Ce serait une des nouvelles arnaques à la mode : le piratage de RIB. Une éleveuse des Côtes-d’Armor en a été victime. Elle a porté plainte après avoir perdu 18.000 euros. Elle témoigne et invite à la plus grande prudence.
Ce devait être une bonne affaire pour elle et pour ses acheteuses. Au printemps dernier, Fanny Bertrand, éleveuse de bufflonnes et productrice de mozzarella dans les Côtes-d'Armor, a posté sur un site de ventes en ligne une petite annonce pour vendre sa filatrice.
L’année 2022 avait été un peu compliquée, sécheresse, chaleur… Le climat de l’été n’avait guère plu à ses dames bufflonnes. Elles l'avaient fait savoir en donnant moins de lait. Fanny Bertrand voulait trouver une machine plus petite et se refaire un peu de trésorerie.
Sa filatrice a rapidement séduit trois agricultrices du Tarn-et-Garonne. Après plusieurs échanges par téléphone et par mail, l’affaire est conclue.
RIB piraté
Le 1er avril, les trois éleveuses du Sud ont rendez-vous avec leur conseiller bancaire pour faire le virement de18.000 euros.
Le 5 avril, elles arrivent en Bretagne pour récupérer la filatrice. Fanny Bertrand n’a pas reçu la somme, "mais elles me montrent la copie de l’ordre de virement, je leur fais confiance." Le lendemain, toujours pas l’argent sur son compte. Elle rappelle ses acheteuses qui contactent la banque. L'argent n’arrive toujours pas.
Fanny et les acheteuses s’inquiètent de plus en plus. Enfin le conseiller bancaire répond. "Votre RIB a dû être piraté !"
Fraude au virement
Le banquier reconnaît qu’il avait été étonné de constater que le nom de la société à qui l’argent était viré était différent du nom du vendeur et surpris de voir le BIC (Bank Identifer Code) d’une banque dont il n’avait jamais entendu parler, mais le virement est fait, "c’est trop tard " annonce-t-il au téléphone à Fanny Bertrand.
Pendant des semaines, l’éleveuse n’en dort plus. "Les filles étaient dans le bureau avec lui, s’il avait un doute, il pouvait être levé en quelques secondes, il suffisait de me téléphoner, d’aller regarder ce que c’était que cette entreprise et cette banque sur internet. "
Fanny Bertrand a porté plainte pour escroquerie en cyberattaque.
Une escroquerie de plus en plus fréquente
"Les malfaiteurs interceptent les mails, récupèrent les relevés d’identification bancaire et les modifient pour que l’argent atterrisse sur leurs comptes et pas sur celui du créancier. C’est une escroquerie de plus en plus répandue, confirme Emmanuel Ergan, l’avocat de Fanny Bertrand. Aujourd’hui, les notaires indiquent qu’ils n’acceptent plus les RIB transmis par mail. "
"L’escroquerie au virement ou arnaque au faux RIB a pour objectif de tromper la victime, en usurpant l’identité d’un créancier avec lequel elle est en relation afin de lui faire réaliser un virement vers un compte bancaire détenu par un escroc" détaille le site Cybermalveillance.
"Ce type d’escroquerie est souvent consécutif au piratage d’un compte de messagerie. L’escroc va identifier une transaction imminente. En usurpant l’identité du créancier, il va alors adresser un message à la victime, lui demandant de réaliser le paiement par virement. En général, l’escroc aura joint à son message une facture avec un RIB falsifié contenant les coordonnées d’un compte bancaire qu’il détient pour dérober le montant du virement".
Devoir de vigilance des banques
"Les éleveuses du Tarn-et-Garonne ont effectivement reçu mon mail avec le RIB, elles l’ont imprimé et sont parties à la banque, relate Fanny Bertrand. Elles ont payé pour que le conseiller fasse la transaction. Est-ce qu’on paye juste pour nous retirer des sous ou pour que l’argent arrive sur le bon compte ?" questionne l'éleveuse.
"La banque a manqué à son devoir de vigilance, confirme son conseil. Les informations bancaires étaient, ne serait-ce qu’en apparence, douteuses."
18.000 euros pour une banque, ce n’est sans doute pas grand-chose, mais moi, cela met mon entreprise en péril
Fanny Bertrand
Fanny Bertrand se sent complètement démunie. La banque ne reconnaît pas sa responsabilité. "18.000 euros pour elle, ce n’est sans doute pas grand-chose, mais moi, cela met mon entreprise en péril. D’ailleurs, se reprend-elle aussitôt, si ce n’est pas grand-chose pour elle, elle n’a qu’à me rembourser. "
L'éleveuse de bufflonnes ne souhaite pas attaquer les acheteuses en justice. "Je pourrais, dit-elle, elles ont la machine, et moi je n’ai pas été payée, c’est imparable. Mais je sais ce qui s’est passé, elles n’y sont pour rien. La solidarité entre agriculteurs, ça doit exister, et je veux continuer à pouvoir me regarder dans la glace."
On est agriculteur, on fait confiance et on se fait arnaquer
Fanny Bertrand
"On est agriculteur, on fait confiance et on se fait arnaquer, soupire Fanny Bertrand avant d’insister : N’envoyez pas vos RIB par mail, pour les pirates, c’est trop facile. Faites attention."
Le ministère de l’Intérieur a mis en place un numéro Info Escroqueries au 0 805 805 817 (appel et service gratuits) ouvert de 9h à 18h30 du lundi au vendredi. Il recommande d’utiliser des mots de passe différents et complexes, de n’installer des applications ou logiciels que depuis les sites ou magasins officiels et, avant de faire un virement, de contacter directement son créancier pour toute demande de virement sur un nouveau RIB reçu par message.