L’augmentation de 60% des signalements des violences conjugales lors du second confinement indiquerait que les victimes osent davantage prendre la parole. Un constat partagé par les associations, les professionnels et le gouvernement. Explications.
« Une semaine, deux semaines passent, puis les attaques reviennent. » Depuis sa séparation avec son ex-conjoint, Marie¹ subit des violences psychologiques. L’homme la harcèle et cherche à mettre à dos leur fille, afin d’obtenir vengeance de leur rupture. "Son objectif est de chercher à vous nuire, de vous contrôler à distance", lui explique à l’autre bout du fil, Stéphanie Le Gal Gorin, sociologue et coordinatrice de l’association Steredenn à Dinan (Côtes d’Armor).
Après avoir porté plainte cet été, Marie s’est décidé en novembre dernier à contacter le service dédié aux violences conjugales de Dinan. Comme elle, de plus en plus de femmes font cette démarche. Selon Marlène Schiappa, ministre chargée de la Citoyenneté, les signalements de violences conjugales ont augmenté de 60% sur la plateforme gouvernementale lors du deuxième confinement, par rapport à la normale.
L’espace femmes de Dinan observe également une hausse des signalements. En 2020, Stéphanie Le Gal Gorin et ses collègues ont passé près de 500 entretiens avec des victimes de violences conjugales, comme Marie. Dans le même temps, les plaintes pour violences conjugales ont augmenté de 38,4 % sur le ressort de la cour d’appel de Rennes en 2020.
La libération de la parole des victimes et de leurs proches
La coordinatrice justifie l’augmentation des signalements par deux raisons. D’une part, la libération de la parole des femmes depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, a changé les mentalités. "Si elles ne portent pas forcément plainte, les femmes s’autorisent davantage à venir nous parler, indique Stéphanie Le Gal Gorin. La situation sanitaire a beaucoup joué car certaines demandent de plus en plus de rendez-vous téléphoniques avec notre service."
Aussi, les proches des victimes de violences conjugales "vont davantage chercher à les accompagner". Une observation partagée par le psychologue Pascal Pignol, spécialisé en victimologie. "Nous sommes tous de plus en plus attentifs à ces problèmes, observe-t-il. Le confinement a pu exacerber la situation mais l’attention de la famille, des voisins, ou des professionnels a pu permettre des signalements."
Le confinement favorise l’isolement
Les violences faites aux femmes "sont favorisés par l’enfermement du confinement", d’après le collectif féministe Nous Toutes 35. Les victimes se retrouvent ainsi "isolées des réseaux de solidarité". C’est "la stratégie du conjoint violent", selon la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences de juillet 2020. Une startégie qui consiste à "isoler pour mieux exercer son emprise sur la victime". "Le confinement devient un piège se refermant sur les femmes et leurs enfants. Il contraint au silence face aux violences qu’ils subissent."
Ainsi, la hausse de 60% des signalements sur la plateforme gouvernementale est d’une certaine façon "une bonne nouvelle" selon le lieutenant Sébastien Possemé, commandant de la brigade numérique de la gendarmerie (Bnum), le portail de signalement des violences conjugales, sexuelles et sexistes permettant à une victime de converser avec un(e) gendarme. "Il semble que les victimes osent désormais plus facilement passer le cap de cette accueil numérique."
L’accompagnement après la phase judiciaire
Selon les militant(e)s féministes de Nous Toutes 35, "il faut aller plus loin dans l’accompagnement des victimes". Le psychologue rennais Pascal Pignol considère également que "tout reste à construire". "L’accompagnement ne s’arrête pas à la décision judiciaire. Il y a tout un accompagnement à prévoir." L’étude de la FMCIDFF (Fédération Nationale des Centres d’Informations sur les Droits des Femmes et des Familles) suggère parmi ces 27 propositions d’ "accorder automatiquement l’aide juridictionnelle aux femmes victimes de violences, sans condition de ressources ni de droit au séjour".
Le collectif Nous Toutes 35 s’interroge quant à "la promesse de campagne des municipales de Rennes, d’ouvrir une maison des femmes pour un accueil 7j/7 et 24h/24" qui parait en effet dans la liste des promesses de campagne de Nathalie Appéré (PS) et de Matthieu Theurier (EELV).
Dimanche 3 janvier, au Mont-Dore (988), Ashley (16 ans) a été tuée par son compagnon.
— #NousToutes (@NousToutesOrg) January 5, 2021
C’est le 1er féminicide, depuis le début de l’année.@EmmanuelMacron recommencer ce décompte est insupportable, agissez.
Source: @feminicidesfr https://t.co/YPkpwhgZpp#NeLesOublionsPas pic.twitter.com/dLrJPOgpgo
En 2020, 111 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint. En cette nouvelle année, tous les acteurs concernés s’accordent à dire que la lutte contre les violences conjugales est loin d’être terminée.
(1) le prénom a été modifié.