D’ici à 10 ans, la moitié des agriculteurs partira à la retraite et sera susceptible de transmettre une exploitation. Un virage difficile quand les candidats ne se bousculent pas pour remplacer les départs. Mais à Saint-Méloir-des-Bois (Côtes-d’Armor), la ferme du Miroir a su aborder ce tournant avec succès.
“Cette reprise, je l’ai faite comme si c’était à l’un de mes enfants”. Étienne Jouffe a le sourire. À 59 ans, cet ancien éleveur a anticipé son départ. Depuis février 2021, il voit Sébastien Chaveulier construire sa vie de jeune agriculteur dans son ancienne ferme du Miroir, à Saint-Méloir-des-Bois (Côtes-d’Armor).
Établi depuis 1987 à la tête de cette exploitation laitière tenue par sa famille depuis quatre générations, Etienne ne regrette pas d’avoir passé la main. “C’est 35 ans de travail, cela aurait été dommage que tout s’arrête.” Pourtant, il a bien cru que tout allait s’arrêter. Pendant un an, aucun repreneur sérieux ne se présente à lui.
"Je pensais que je ne trouverais personne"
“Physiquement, j’étais fatigué”, se remémore Étienne. “Mes enfants ne voulaient pas reprendre l’entreprise, je pensais que je ne trouverais personne.” Jusqu’à ce qu’il croise la route de Sébastien, un trentenaire bien décidé à reprendre le flambeau.
S’engage alors un contrat de parrainage d’un an. La rémunération de Sébastien est prise en charge par la chambre d’agriculture de Bretagne. De février 2020 à février 2021, le futur repreneur, encadré par Étienne, se familiarise avec les 120 vaches laitières. “J’ai le sentiment d’avoir fait les choses comme il faut, pour rendre Sébastien heureux dans une entreprise qu’il peut faire vivre”, se réjouit Étienne.
“Il s’est battu pour valoriser son métier”
Aujourd’hui, Sébastien est à la tête de l’exploitation avec un employé à temps plein et un deuxième à mi-temps. Si la transmission d’exploitation s’est déroulée dans de bonnes conditions, il est conscient que sa situation reste fragile. “L’avenir reste incertain tant que l’on ne règlera pas le problème de rémunération de nos productions”, affirme l’éleveur, pour qui le prix du lait est insuffisant.
“L’industriel a toutes les cartes en main mais il ne joue pas le jeu”, déplore-t-il.
C’est dommage d’être obligé de légiférer avec la loi Egalim pour contractualiser le prix de vente d’un produit aussi simple que le lait !
Sébastien Chauvelier
Or, ajoute-t-il, les agriculteurs sont “rendus à de la vente à perte”. De quoi donner des sueurs froides à ceux qui voudraient se lancer dans le métier : “on va être de moins en moins de producteurs et le lait va finir par manquer.”
Sébastien tente de rester optimiste pour la suite. “Ce qu’Étienne m’a transmis me permet aujourd’hui d’être enthousiaste. Il s’est battu pour valoriser son métier, j’en ferai autant.”
Enjeu régional majeur
Mais les jeunes repreneurs comme Sébastien se font rare. Chaque année, la Bretagne compte 2.200 départs en moyenne pour seulement 750 installations. La transmission devient alors un enjeu régional majeur pour les professionnels de l’agriculture.
En moyenne, 520 installations, comme celle de Saint-Méloir-des-Bois, sont aidées chaque année par les différents dispositifs de la Région. Objectif : aider 1 000 installations par an d’ici à 2028. Pour ce faire, filières de production, chambres d'agriculture et syndicats travaillent actuellement et jusqu’au 10 décembre 2021, à des solutions, dans le cadre des États généraux de l’installation-transmission.