Des éleveurs de porcs ont bloqué symboliquement ce matin des entrées de grandes surfaces des Côtes d’Armor pour dire leur colère. 1 euro 24 lors de la dernière cotation le 6 janvier au Marché au cadran de Plérin, les éleveurs veulent "bouger" pour ne pas "crever" !
Sur son tracteur, l’éleveur a bombé en fluo : "le porc à 2 euros, le lait à 40 centimes !" Sur le parking du supermarché, ils sont une petite quinzaine ce samedi 8 janvier.
Jérémy Labbé, président des Jeunes agriculteurs du département est inquiet. "Aujourd’hui, quand on vend un cochon, il nous est payé 125 euros, 125 euros, c’est ce qu’il a consommé en aliment. On n’a plus de quoi se payer, plus de quoi régler nos factures, rembourser nos crédits. Un élevage moyen perd 20 000 euros par mois ! Et ils nous annoncent encore une hausse du prix des céréales !"
"Il y a des spéculations sur les matières premières, on n’avait jamais vu du blé à 300 euros. On paye notre aliment 305 euros la tonne, l’année dernière, c’était 240. L’aliment c’est 70% de nos charges."
Le prix des céréales, cause de tous les maux ?
Bertrand Chrétien, le directeur du centre Leclerc de Pléneuf-Val André est sorti discuter avec les éleveurs. "Kermené abat un peu moins de deux millions de cochons par an, tente-t-il de convaincre, nous ne représentons que 8% des abattages en France, mais chez nous, tout est 100% VPF (Viande de Porc Française). "
"Quand la dernière crise a éclaté en 2018, on a soutenu le prix, on a refusé de baisser en dessous d’un euro 20, plaide le directeur de la grande surface, on a dit stop une première fois. Là, on sait bien qu’avec la flambée des matières premières ce n’est pas facile, mais on ne peut pas monter les prix à cause du marché. "
"Des hausses ça se répercute ! "
Didier Lucas, président de la Chambre d’agriculture des Côtes d’Armor et lui-même éleveur de porcs refuse d’entendre cela. "Partout, partout, dans tous les magasins, les matériaux ont augmenté, le bois a augmenté, la ferraille a augmenté, partout, tout le temps, tout le monde répercute les hausses… sauf quand c’est le monde agricole ! "
"La situation est grave, les éleveurs n’ont jamais perdu autant d’argent en aussi peu de temps ! ", s’alarme-t-il.
En 2020, le porc s’est vendu en moyenne 1 euro 39, contre 1 euro 49 en 2019 et 1,19 en 2018.
"Je sais bien que nous sommes en concurrence avec d’autres pays européens, que l’on ne peut pas se déconnecter des cours, mais là, on va crever !"
" Il y a forcément quelqu’un qui ment !"
Après Leclerc, direction le magasin Intermarché de Lamballe. Là encore, les éleveurs ont installé les tracteurs devant l’accès à la grande surface. Là encore, le directeur plaide la bonne foi. Factures à l’appui, les agriculteurs constatent que le prix de la longe de porc a baissé entre septembre et décembre 2,94 euros à 2,54.
"Le directeur nous dit que pour lui, ces 50 centimes là, ils ne changent rien, mais il y a forcément quelqu’un qui nous ment ! Les acheteurs, les abatteurs, les transformateurs, les grandes surfaces, on ne sait plus qui croire", s’agace Jérémy Labbé.
"Nous, on s’en fiche de vendre à tel groupement ou à telle coopérative, on veut juste des prix pour avoir enfin une rémunération décente !"
Un soutien inattendu
Quand il a vu les tracteurs s’installer devant la zone commerciale où il travaille, Victor de Alveda a d’abord vu rouge. "Avec le Covid, plus personne ne vient dans mon restaurant, et vous, vous bloquez !" Puis, très vite, au contact des éleveurs, ses mots et son ton s’apaisent : "Moi, je sers votre cochon, on a besoin les uns des autres. Les gens me disent qu’à Lamballe, ça sent le cochon, je leur réponds, ne vous inquiétez pas quand ça sent le cochon. Inquiétez-vous quand ça ne sentira plus. Parce que ce jour-là, on sera dans la merde ! "