Le président de la Fédération française de football est la cible numéro du rapport provisoire de la mission d'audit diligentée par le ministère des Sports. Un rapport qui pourrait signer une fin de règne pour Noël Le Graët, même si les scénarios de sortie de crise restent encore flous.
Aux commandes depuis 2011 de la fédération sportive la plus puissante du pays, Noël Le Graët est le premier visé par le pré-rapport d'audit de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR).
Comportement sexiste et défaillance de gouvernance
Le dirigeant breton est épinglé tant pour son "comportement envers les femmes", jugé "au minimum sexiste", que pour les "défaillances de gouvernance" à la "3F". Les auditeurs notent une "accumulation de déclarations problématiques", "en décalage avec les exigences d'exemplarité" qui lui incombent.
Situation aggravée depuis sa mise en retrait le 11 janvier
Dans ces conditions, l'étau se resserre un peu plus sur l'entrepreneur de 81 ans, mis en retrait depuis le 11 janvier. Même au sein du comité exécutif de la FFF ("Comex"), composé de soutiens historiques, le "Menhir" du foot français n'est plus défendu. "Sa situation s'est aggravée par rapport au 11 janvier. C'est avec la même tristesse et cette fois-ci un peu plus de détermination que je lui demanderais de prendre
ses responsabilités", a souligné lundi sur France Info Eric Borghini, membre du "Comex".
Enquête judiciaire pour harcèlement moral et sexuel
De plus, "NLG" est sous le coup d'une enquête judiciaire pour harcèlement moral et sexuel et les auditeurs de l'IGESR ont déjà prévenu qu'ils communiqueront à la justice d'autres éléments le concernant, issus du rapport.
Néanmoins, l'ancien maire socialiste de Guingamp, qui n'a pas réagi publiquement à la transmission du pré-rapport, dispose de quinze jours pour formuler des observations, avant la publication du rapport définitif et contradictoire prévu mi-février.
La FFF attend d'ailleurs cette date pour tirer les conséquences de cette mission.
Une option, la démission du président
Le Graët démissionnera-t-il de lui-même, comme il l'avait promis le 11 janvier en cas d'audit défavorable ? Beaucoup l'espèrent en interne, car cette option maintiendrait le "Comex" en place et le vice-président Philippe Diallo aux commandes jusqu'à l'Assemblée fédérale de juin. Mais rien n'est moins sûr. Le dirigeant a en effet fustigé, ces derniers jours, une "enquête administrative manifestement à charge", et l'audit à lui seul ne peut le contraindre à passer la main.
Quels scénarios pour une sortie de crise ?
Plusieurs leviers existent toutefois pour chambouler la gouvernance. La convocation par le "Comex" d'une Assemblée générale extraordinaire, en vue de destituer le président, est une possibilité, mais elle entraînerait de nouvelles élections et condamnerait le "Comex" dans son ensemble.
L'Assemblée fédérale peut par ailleurs être convoquée par le quart de ses membres s'ils le souhaitent, ouvrant là aussi la voie à une destitution du "Comex" et du président, ou sur demande de la Haute autorité du football (HAF)... Mais cette dernière a préféré temporiser, jusqu'ici.
Dernière option, mise en avant par le pré-rapport d'audit : la saisine par le "Comex" de la Commission fédérale de discipline en vue du lancement d'une procédure disciplinaire à l'encontre du président.
- Quel visage futur pour la "Fédé" ? -
Vers la fin de l'ère Le Graët
Au 87 boulevard de Grenelle, siège parisien de l'instance, il ne fait guère de doute que l'ère Le Graët touche à sa fin. Et déjà, l'épineuse question de la succession anime les coulisses.
"J'ai peur qu'à la lecture de ce rapport extrêmement fort, ça encourage l'idée du dégagisme. Mais si Noël Le Graët prend ses responsabilités et démissionne, nous avons tous les outils pour aller jusqu'en 2024 dans des conditions normales", commente Eric Borghini, interrogé par l'AFP.
Quelle succession ?
Le vice-président Philippe Diallo, aux commandes par intérim, semble déterminé à conserver cette fonction. Il séduit certains par sa connaissance pointue des dossiers, son travail de l'ombre et sa communication minimaliste. Ses soutiens au "Comex" pourraient s'avérer précieux, car en cas de démission de Le Graët, c'est le "Comex" qui devra désigner en son sein un successeur, qu'il proposera à l'Assemblée fédérale, en juin.
Lui aussi membre du "Comex", le président de la puissante Ligue de Paris-Île-de-France Jamel Sandjak a également des ambitions présidentielles, à en croire plusieurs sources internes. Proche du monde amateur, il a longtemps été l'un des principaux opposants de Le Graët avant de le rejoindre en 2021.
Également mentionnés dans la course à la présidence ces derniers mois, Marc Keller et Jean-Michel Aulas, proches historiques de Le Graët, partent avec plus de retard, car ils devront d'abord se séparer de leurs clubs respectifs (Strasbourg et Lyon).
Et en cas de destitution du Comex, l'ancien président de la Ligue de football professionnel Frédéric Thiriez rejoindra sans doute la course au fauteuil de patron du foot français, comme en 2021. Quoi qu'il advienne, le successeur potentiel aura la lourde tâche de refondre la FFF.
Le rapport d'audit recommande en effet de nombreuses mesures, de la révision statutaire à la mise en place d'un plan d'action sur les violences sexistes et sexuelles...
(Avec l'AFP)