Le grand jour approche pour Sandra Morcet. Après plus d'un an à ronger ses gants, la boxeuse de Guingamp va enfin pouvoir disputer son combat pour le titre de championne de France dans la catégorie super-coq. Un rêve à portée de poings, partagé avec son entraîneur de toujours Slimane Haddadi.
Le même rituel avant chaque entraînement.
Enrouler avec précision et méticulosité la bandelette de tissu pour protéger ses mains.
Chacun de leur côté, dans la grande salle du Boxing Club d'Armor, désertée à cause des restrictions sanitaires, Sandra Morcet et Slimane Haddadi effectuent le même geste, la même préparation. L'effet miroir symbolise parfaitement le lien qui les unit depuis maintenant seize années. Seize années pour toucher aujourd'hui un rêve, celui de ramener à Guingamp un titre de championne de France chez les pro.
Une rencontre qui change tout
Retour en arrière. Sandra Morcet a 13 ans. Une adolescente comme les autres, quoiqu'un peu plus turbulente. Au collège, "j'avais deux profs qui m'avaient conseillé de faire un sport pour me canaliser", se souvient-elle en souriant.
Presque par hasard, avec une copine, elle pousse la porte du club de boxe et là, elle tombe sur Slimane, l'entraîneur. "C'est même pas avec la boxe que j'ai accroché, c'est avec lui. Il me valorisait, il me canalisait, il me calmait. Du coup, je suis restée, la boxe ça se passait bien et on a fait notre petit bout de chemin ensemble". Et seize années se sont écoulées.
"Une belle petite carrière chez les amateurs", comme le précise Slimane. Avec au total plus de 50 combats pour la jeune femme dans la catégorie des moins de 60 kgs. "Elle avait une boxe pro", continue l'entraîneur, tout en couvant du regard sa protégée qui frappe dans le sac. "Elle avait fait le tour en amateur, je lui ai dit qu'il fallait qu'elle passe chez les pro. Et jusqu'à maintenant ça nous a plutôt bien réussi, trois combats, trois victoires".
Un combat repoussé à trois reprises
Pour le quatrième combat, il a fallu prendre son mal en patience, ronger ses gants face aux reports successifs. Voilà un an que Sandra aurait dû s'attaquer au titre de championne de France pro chez les super-coqs (entre 53,5 kgs et 55,3 kgs). Mais la pandémie est passée par là.
Pas de quoi décourager la boxeuse guingampaise même s'il a fallu s'adapter aux conditions de préparation, seule en salle avec Slimane. "L'ambiance est différente. Quand on s'entraine dur aux fractionnés, ou autres, on a les collègues qui nous encouragent. Et là, la salle, elle est vide. Mais finalement, c'est un bien pour un mal, mon coach il était à 100% avec moi, donc, franchement, la préparation, elle était au top. J'ai jamais été aussi bien préparée pour un combat".
Plusieurs séances par semaine dans la salle, mais aussi en extérieur à courir autour de la piste, Slimane Haddadi a fait travailler Sandra comme jamais. Avec une idée en tête. "Si jamais elle prend le titre, je dis bien si jamais, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, si elle prend le titre donc, ça va valoriser la boxe féminine en Bretagne. Et pour ça, je suis sûr qu'elle va tout donner".
Rendez-vous à Saint-Avé
Le combat aura donc finalement lieu le vendredi 7 mai au soir, à Saint-Avé dans le Morbihan. Avec en tête d'affiche un championnat intercontinental WBA, fièrement annoncé par le club morbihannais.
Sur le ring, Sandra aura face à elle Marine Tollet, licenciée en région parisienne à Elancourt (78), une adversaire qui compte six combats pro à son actif.
Pour remporter ce titre chez les super-coqs, aujourd'hui vacant, les deux jeunes femmes disputeront huit rounds de deux minutes. Une première pour la Guingampaise. "Y'a deux ans en arrière, faire huit rounds pour moi, c'était inimaginable. mais depuis, j'ai beaucoup travaillé. Notamment sur la piste. Il n'y a pas de secret, il faut se faire mal pour gonfler son cardio. Donc huit rounds, c'est vrai, c'est costaud, on commence à rentrer dans la cour des grands, mais bon, je vois bien que y'a pas de problème, je peux tenir la distance".
Elle prend un peu le dessus sur moi par rapport à avant, ça je le reconnais, c'est triste pour moi, mais je le reconnais
Un sentiment confirmé par Slimane, après une dernière leçon sur le ring. "Elle prend un peu le dessus sur moi par rapport à avant, ça je le reconnais, c'est triste pour moi, mais je le reconnais", avoue-t-il dans un sourire. "C'est-à-dire qu'à une époque, je jouais avec elle. et là, c'est elle qui joue avec moi. Elle arrive à me fatiguer donc je me dis que là, elle commence à prendre le dessus, et si elle prend le dessus sur l'entraîneur ça veut dire qu'elle a fait un sacré boulot. Vous pouvez en être sûr, elle va tout donner".
Motivée comme jamais
Le combat se déroulera à huis clos. C'est donc au fond d'elle même que Sandra Morcet ira chercher sa motivation, en repensant aux sacrifices qu'il a fallu faire vis-à-vis de sa fille de trois ans "qui ne comprend pas toujours pourquoi maman doit la laisser pour aller s'entraîner", ou de son compagnon, "sans lui ce serait pas possible d'avoir un niveau comme celui que j'ai atteint, j'ai de la chance d'avoir un homme en or". Sans oublier son entreprise, une enseigne commerciale de Saint-Agathon, qui lui a permis d'aménager ses horaires de travail pour mieux se préparer.
Alors, pour toutes ses raisons, et pour faire honneur à son club, Sandra donnera effectivement tout, pour ne rien regretter. "Moi j'ai un objectif, c'est d'aller chercher la ceinture et de la ramener chez moi à Guingamp". Un beau cadeau pour Slimane. Son entraîneur fêtera ses 64 ans le lendemain du combat.