Née près de Rennes, Laetitia Blot sera à l’affiche du gala de MMA - arts martiaux mixtes - le 8 avril en région parisienne. Déjà championne de France de judo et de lutte, c’est l’apogée d’une carrière menée tambour battant.
La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Chez Laetitia Blot, elle prend même la forme d’une rivière tumultueuse. Originaire de Betton, près de Rennes, et née en 1983, Laetitia marche très tôt dans les pas de son grand frère et de ses cousins : elle se met au judo dès l’âge de 5 ans.
Visiblement, elle est douée. Elle intègre le sport-études au lycée Pierre-Mendès-France, puis le pôle France, toujours à Rennes. Elle s’entraîne alors au dojo de Bréquigny.
Malgré des résultats prometteurs, elle n’est pas LA meilleure. Dans ces années là, la fin de la décennie 1990, elle reste aux portes de l’équipe de France, en catégories -57 kg et -63 kg.
Elle quitte la Bretagne, bien décidée à conquérir Paris
A 18 ans, Laeticia décide de prendre son destin en main. Si elle aime le combat sur le tatami, c’est aussi quelqu’un qui, dans la vie, ne baisse pas les bras et fait en sorte d’aller au bout de ses envies. Elle quitte la capitale bretonne, direction la région parisienne. Elle va poursuivre ses études en économies de la construction.
Les années passent, Laetitia a du mal à percer au plus haut niveau… Mais la Bretonne est tenace et sa motivation reste intacte. En 2009, alors qu’elle dispute le 2e tour des championnats de France au stade Coubertin, elle se fait sortir partiellement du tapis par son adversaire. Sa tête tape le parquet. Laetitia est K-O, fait rarissime en judo. " J'ai perdu connaissance pendant trois minutes. Quand je me suis réveillée, je savais tout juste comment je m’appelais ". Cet événement va changer le cours de sa vie.
2009, l’aventure aux antipodes
En 2009, elle part en Australie. "Je suis parti avec mon sac à dos, je voulais apprendre à parler anglais. Je prenais des cours le matin et vaquait à mes occupations l’après-midi".
Alors qu’elle jouait au footy – le football australien, sorte de rugby avec un ballon rond où tous les coups sont permis – sur une plage, elle est repérée et finit par jouer pour l’équipe de Darwin. "Avec ce sport, j’ai fait de très belles rencontres, notamment des Aborigènes".
Le temps des petits boulots et de Winny l’ourson
Elle revient en France un an plus tard et passe son diplôme d’hôtesse de l’air. Nous sommes en 2010. La crise économique qui a frappé deux à trois ans plus tôt distille encore ses lots de difficultés et de précarité.
Laeticia ne trouve pas de travail dans son domaine et commence à enchaîner des petits boulots. "J’ai beaucoup travaillé à Dysneyland Paris. Winny l’Ourson, c’était moi !", rigole-t-elle.
Premier CDI, premier titre de championne de France
Parallèlement, la Bretonne continue à s’entraîner sérieusement. En 2011, elle obtient même une médaille de bronze aux championnats de France, en -57 kg. Un an plus tard, elle décroche son premier vrai contrat de travail : un CDI de contrôleuse à la SNCF.
Paradoxalement, alors qu’elle travaille en CDI pour la première fois de sa vie, elle remporte son premier titre de championne de France en catégorie -57kg. On est en 2013. "J’étais mieux dans ma tête, explique-t-elle. Je me mettais moins de pression dans les combats, j’avais toute une vie en dehors du judo". Dans la foulée, elle engrange les titres par équipe avec l’équipe de France.
Les Jeux de Rio en tant que sparring-partner
En 2014, les planètes continuent de s’aligner pour la Rennaise. Laeticia bénéficie du dispositif de haut niveau avec la SNCF. Elle peut profiter d’horaires allégés et aménagés qui lui laissent le temps de s’entraîner. Et c’est plutôt efficace.
En 2016, Laeticia est 8e judoka mondiale dans sa catégorie. Se pose alors la question de sa participation aux Jeux olympiques de Rio en 2016. Et là, retour à la case départ. Sa route est barrée par Automne Pavia. "Finalement, je n’y suis allée qu’en tant que sparring-partner. Bien sûr, c’est décevant, mais ça reste une belle expérience de vivre les Jeux de l’intérieur. Par contre, dès les Jeux terminés, on m’a fait comprendre que la porte était grande ouverte. A 33 ans, j’étais trop vieille".
La même année, deux titres de championne de France dans deux sports différents
Laeticia s’accroche, encore une fois. Elle continue de gagner des combats. Mais elle est inexorablement écartée de la sélection nationale. Elle se tourne alors vers un autre sport : la lutte. Un sport auquel elle avait déjà touché quelques années plus tôt, tout en laissant la priorité au judo.
En 2017, elle réussit l’exploit de cumuler deux titres de championne de France dans deux sports différents : le judo et la lutte. Du jamais vu !
Côté professionnel, la même année, elle intègre le Thalys. "J’ai dû me recentrer un peu sur ma carrière à la SNCF, car cette évolution m’a pris beaucoup de temps, il a fallu notamment m’adapter à un nouveau rythme, apprendre le néerlandais".
Et puis, Laeticia a envie de s’amuser. Prise dans le tourbillon de son incroyable vie, la jeune femme avait omis de vivre son adolescence. A 34 ans, elle prend le temps de profiter de la vie, de fréquenter les soirées, etc…
Le tournant du MMA
La Rennaise va vite se faire rattraper par ses vieux démons du combat et de la compétition. "C’est David Ducanovic, un ancien judoka, qui est venu me chercher, en 2019. Il m’a parlé du MMA (arts martiaux mixtes). Au début, je n’y étais pas trop favorable, je n’avais pas envie de prendre encore des coups, je voulais préserver mon visage. J’ai quand même essayé, j’ai appris des choses et j’y ai pris goût".
Comme elle n’a pas l’habitude faire les choses à moitié, Laetitia se paie, en 2019, un voyage en Thaïlande, avec un stage de boxe à la clé. Sa nouvelle carrière est lancée. Finis les tatamis, place à la cage. C’est ainsi qu’on appelle le terrain de jeu du MMA, un terrain octogonal. Aujourd’hui, Laetitia est licenciée dans deux clubs, à Vitry-sur-Seine et à Marseille.
Elle sort de la cage et porte la ministre des Sports
Bien que toujours employée sur le Thalys, elle suit un programme intense. Deux entraînements par jour à Paris, "deux heures de préparation physique avec de la musculation spécifique, et 1 h 30 à 2 h de techniques MMA. Et quand je vais à Marseille, environ une semaine par mois, là c’est quatre entraînements par jour".
Mais ce n’est pas fini. Elle fait aussi son entrée en équipe de France de sambo, un art martial mêlant judo, boxe et lutte.
Le 8 octobre 2020, c’est une nouvelle consécration. A Vitry-sur-Seine, Laetitia Blot dispute et remporte le premier combat de MMA sur le sol français. C’est d’ailleurs aussi la première Française à combattre en MMA.
Dans l'euphorie de sa victoire, à l’issue du combat, elle porte la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, dans ses bras. L’image fait le tour des réseaux sociaux. Tout un symbole, car le MMA a longtemps été sujet à polémique et interdit en France, en raison de son caractère violent et potentiellement dangereux.
Les combattants sont reconnaissants à la ministre @RoxaMaracineanu d’avoir légalisé le MMA et certains l’expriment de manière plus démonstrative que d’autres... N’est-ce pas Laetitia Blot ? ? #MMAGP pic.twitter.com/t3qC1yp4j8
— Ministère des Sports ? (@Sports_gouv) October 8, 2020
Ce que j’aime dans le MMA, c’est que ça regroupe tous les aspects des sports que j’ai pratiqués dans ma carrière. Il faut utiliser ses compétences et ses techniques de judo, de lutte, de boxe. Il y a toute une intelligence du combat. C'est un sport ultra-complet
Ce mercredi 8 avril, Laeticia aura donc l'occasion de montrer tout son talent et sa détermination lors du deuxième gala jamais organisé en France, à Vitry-sur-Seine. Même dans une salle à huis clos, sa motivation sera intacte, assure-t-elle. Elle sera opposée à Marie Loiseau, ceinture noire de taekwondo, avec déjà quelques combats de MMA à son actif.
le 8 avril 2021 science team Duca David Obyfight Fight Sport Management La mutuelle MGC Rinkage
Publiée par Laetitia Blot Officiel sur Lundi 15 mars 2021
Le rêve américain
Les milles et une vies de Laeticia Blot ne se bornent pas à ce grand rendez-vous du 8 avril. Son rêve suivant a un goût d’Amérique. "Je veux aller jusqu’à combattre en UFC (NDLR : ultimate fighting championship), c’est mon but ultime".
Tout cela nous éloigne de plus en plus de la Bretagne. Pourtant, Laetitia revient régulièrement dans la région de Rennes pour rendre visite à ses amis, à son père, à sa mère. De là, elle peut mesurer et admirer, tout le chemin parcouru. Avant le prochain voyage.