Claire Bigorgne est médecin généraliste à Kermaria-Sulard. La CPAM lui reproche d'avoir délivré trop d'arrêts maladie, ce qu'elle réfute. Déstabilisée, son cabinet est fermé temporairement. La commune se mobilise autour d'elle, par crainte de la perdre.
Une première en 15 ans de pratique. Le docteur Claire Bigorgne, médecin à Kermaria-Sulard ne cache pas son incompréhension et son désarroi. La CPAM la convoque mercredi dernier. La généraliste s'attend à un entretien confraternel mais déchante rapidement. "D'emblée, après un accueil déstabilisant, glacial, on m'a dit que si j'étais là c'est parce que j'avais refusé de venir à un entretien auquel j'aurais été convié" ce qu'elle conteste.
Après une heure et demi d'échange, les reproches portent sur le nombre d'arrêts maladies qu'elle prescrit, jugés trop nombreux par la CPAM. "On m'a dit que j'allais être mise sous objectifs, pendant trois mois, que j'allais devoir m'entretenir de façon régulière avec un médecin conseil de la CPAM pour discuter de mes prescriptions de façon à ce que mes statistiques passent en dessous d'un certaine seuil."
Cet entretien je l'ai très mal vécu. Pour moi c'était un calvaire.C'était un entretien à sens unique.
La généraliste est déstabilisée et explique ne pas avoir pu se défendre. Elle a décidé de fermer temporairement son cabinet. Les habitants de la commune se mobilisent pour la soutenir.
La méthode de la CPAM des Côtes-d’Armor remise en cause
En octobre, dans les Côtes-d’Armor, des médecins s’étaient mobilisés pour dénoncer une vague de convocations pour des "prescriptions atypiques". Ils avaient créé un groupe Facebook pour dénoncer "le délit statistique"… qui risque, selon eux, de déstabiliser l’offre de soins locale en décourageant la profession. Depuis ces trois dernières années, selon Yvon Le Flohic ancien élu de la Fédération des Médecins de France, ce sont plus de 80 médecins qui ont été convoqués par la CPAM des Côtes-d’Armor. La CPAM évoque elle "6 à 7 entretiens par an."
Le département n’est pas le seul concerné. Le mois dernier à Quimper, plusieurs cabinets médicaux de ville ont fermé une journée pour dénoncer ce qu’ils nomment "une chasse aux sorcières".
Que risquent les médecins convoqués ?
Comme le docteur Bigorgne, ils risquent une mise sous objectifs (un nombre d’indemnités journalières maximum à respecter sous peine de sanctions financières) ou bien une mise sous accord préalable, (le médecin conseil doit valider chaque arrêt prescrit) vécu par certains comme humiliant.
À noter que les Bretons sont chaque année un peu plus nombreux à devoir s’arrêter de travailler pour raison médicale. En 2018 : le nombre d’indemnités journalières en Bretagne a augmenté de + 6% par rapport à 2017, contre 3% à l’échelle nationale. C’est dans le Finistère et le Morbihan qu’elles étaient le plus nombreuses. L’augmentation du nombre d’arrêts de travail peut s'expliquer par différents facteurs : croissance démographique bretonne, reprise de la croissance économique, recul de l’âge de la retraite
explosion des maladies chroniques, dont les burn-out, particularités locales.
Contactée pour le reportage, la CPAM n'a pas souhaité nous répondre indiquant "déontologiquement, nous ne pouvons pas nous exprimer sur la situation individuelle d’un médecin". Dans un communiqué, elle explique "cette démarche est normale et fait partie des missions de l’Assurance Maladie, qui est garante de la juste utilisation des ressources."