A la fois paysage bucolique et alimentation pour les herbivores, les prairies sont étroitement liées à l'élevage, mais elles ont aussi un rôle écologique à jouer car ce sont de véritables puits de carbone. Pourtant, leur surface recule depuis quelques années, avec des conséquences non négligeables sur la biodiversité. Alors, les prairies bretonnes seraient-elles en voie de disparition ?
Pour étudier la question, il faut d'abord se pencher sur les atouts de la prairie. Et ils sont nombreux. Céline Favé, agronome et experte en élevage laitier, nous a éclairés : "La prairie joue un rôle majeur dans le sens où elle est présente toute l'année. C'est un couvert permanent, à l'échelle de l'exploitation, qui va stocker du carbone, limiter l'érosion des sols et quand elle a atteint un certain âge, elle va servir de pompe à azote pour d'autres cultures. Quand on la retourne, elle apporte les nutriments pour installer du maïs ou des céréales".
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Pas de prairies sans élevages bovins
On a donc tout intérêt à la préserver. En Bretagne, la sauvegarde de ces paysages passe en grande partie par le maintien de l'élevage bovin et c'est là que ça coince : - 3% de fermes laitières par an depuis environ cinq années, un chiffre qui met les prairies en danger, comme le rappelle Céline Favé : "On voit une évolution assez forte de par la transmission des exploitations et la moindre attractivité de l'élevage bovin qui est un élevage avec beaucoup d'astreintes, qui en plus jusqu'alors était moins rentable que d'autres productions. En gros, on a moins d'attrait pour cet élevage, donc la prairie disparaît".
Moins 17 602 hectares de prairies en 5 ans en Bretagne
Et en effet, les chiffres sont là. En 2023, la part des prairies permanentes dans la surface agricole utile (SAU) est d'à peine 19% en Bretagne. Or, pour percevoir les aides de la PAC (Politique Agricole Commune), l'exploitant s'engage à maintenir les prairies permanentes. Comme elles ont tendance malgré tout à disparaître, depuis 2023, l'Union Européenne soumet à autorisation leur retournement dans certaines régions. À l'image de la Bretagne qui a perdu en 5 ans 4,6% de prairies, soit 17 602 hectares.
Le problème du rythme de retournement des prairies
Ceci impacte les éleveurs de ruminants comme Edwige Kerboriou. A Plouzélambre, dans les Côtes-d'Armor, elle élève 80 vaches laitières sur 85 hectares, dont 60% de surface en herbe. Ce qui semble poser problème, c'est le rythme de retournement, car il n'est pas adapté aux spécificités du sol breton : "Ce qui se passe aujourd'hui, c'est qu'on veut nous empêcher ou tout au moins soumettre à autorisation le retournement de certaines prairies quand elles ont atteint un certain âge. Et en Bretagne, l'intérêt d'une prairie, ce n'est pas de la retourner tous les 2 ou 3 ans comme dans les autres régions parce que sinon on perd son bénéfice. Nous en Bretagne, on a des prairies longues, avec des systèmes bovins qui sont pâturants, donc vraiment chez nous l'intérêt de la prairie, c'est qu'elle soit mise en place le plus longtemps possible", explique Edwige Kerboriou.
Economie d'intrants
Elle souligne également un autre avantage de ce rythme : "Quand on a une prairie qui a 7 ou 8 ans, quand on la retourne, on utilise zéro intrant derrière. On ne met pas d'engrais, absolument rien, et la culture qui vient derrière, naturellement, elle a tout ce qu'il faut dans la terre puisque les vaches ont été dessus les années passées, donc c'est une grosse économie d'intrants, et tout un système global plutôt vertueux et c'est dommage que cette réglementation nationale qui n'a pas pris en compte les enjeux de la Bretagne, ait du coup des effets pervers", conclut l'éleveuse.
Pour éviter une destruction rapide de la prairie, tout l'enjeu aujourd'hui est donc de reconnaître l'intérêt d'une rotation longue en Bretagne, d'amener de la souplesse dans la réglementation et de motiver les jeunes générations à reprendre les élevages bovins.