Située sur la commune de Saint-Quay-Portrieux (Côtes d’Armor), la plage du Portrieux offre une extraordinaire palette de couleurs. Le ciel, la mer, les bateaux du port dessinent un arc-en-ciel de tons qui inspirent les artistes : des impressionnistes aux dessinateurs de bande dessinée.
 

Pas une journée ne passe sans que Jean-Claude Fournier ne se rende sur la plage du Portrieux. Le scénariste et dessinateur de bande dessinée habite à une trentaine de mètres.

Tous les jours, été comme hiver, il s’y promène.
Tous les jours, il s’émerveille devant le spectacle que lui offre la nature :

« Tout à l’heure encore, je suis allé sur le port avec mon épouse et on a vu la mer d’une couleur comme on l’avait rarement vue ! Un bleu magnifique avec du vert dedans. C’était splendide! »


Le petit Nice


Jean-Claude Fournier est né à Saint-Quay-Portrieux. Des images de la plage, il en a plein la tête ! Petit déjà, même s’il n’habitait pas le quartier de la plage du Portrieux, il y venait avec sa maman.

« J’y avais des copains, des fils de pêcheurs qui avaient des petits canots. On allait jouer dans le port. Ma mère appelait la plage du Portrieux, le petit Nice car c’est la seule plage de Saint-Quay-Portrieux où il y a du soleil du matin au soir. »
 


Effectivement, sur les cinq plages de sable fin que compte la commune, la plage du Portrieux est la seule exposée plein sud.

Si la baignade n’y est pas autorisée car elle donne sur le port d’échouage, la plage a beaucoup de charme souligne Manon Savin, chargée de communication de l’office de tourisme de Saint-Quay-Portrieux.

« Elle a un côté très authentique. On voit les bateaux qui vont se coucher ou se lever au gré des marées. On voit le phare au bout de la jetée. Pour moi, c’est aussi le meilleur endroit pour un lever de soleil. Il faut être un peu matinal mais c’est vraiment très agréable ! »


Portrieux, un village de pêcheurs


Avant d’être touristique, cette plage a été le cœur battant de Saint-Quay-Portrieux, un port où la pêche faisait vivre la population.
C’est avec l’essor du chemin de fer qu’arrivent les premiers touristes vers 1860.
 


« A l’époque, rappelle Manon Savin, il faut une nuit de train pour venir de Paris jusqu’à Saint-Brieuc et ensuite cinq heures d’omnibus pour arriver jusqu’à Saint-Quay-Portrieux ! Il faut attendre 1905 pour que le train arrive à Saint-Quay-Portrieux. Ce sera dès lors plus simple pour les voyageurs! »

C’est ainsi qu’en 1868 débarque à Saint-Quay-Portrieux le peintre Eugène Boudin (1824-1898).
Né dans une famille de marins à Honfleur (Calvados), il est à l’époque l’un des premiers artistes à peindre à l'extérieur de son atelier. Il posera son chevalet sur la plage du Portrieux !

« C’est le premier peintre impressionniste de renom à venir sur la commune » précise Manon Savin.


« Le roi des ciels »


Eugène Boudin avait découvert la Bretagne quelques années plus tôt, « trop tard » écrira-t-il à son frère.
 

J’ai découvert trop tard ce pays car c’était l’objet de tous mes rêves et j’y reviendrai 

Eugène Boudin


« Il est venu plusieurs fois à Saint-Quay-Portrieux. Le rythme des marées, la vie du port ont été pour lui une source importante d’inspiration comme l’ont été aussi les variations atmosphériques » explique Manon Savin.
 On comprend aisément que les ciels changeants qu’offre la Bretagne ont inspiré Eugène Boudin surnommé « le roi des ciels » par le peintre et graveur Camille Corot.
 
« Il a eu la chance de connaître de grands bateaux à voile, des trois-mâts qui partaient à la grande pêche. A dessiner, c’est formidable » ajoute Jean-Claude Fournier.
«  Cela permet des compositions beaucoup plus complètes et riches que celles que l’on peut faire maintenant ! »


Un atelier à ciel ouvert


D’autres peintres suivront les pas d’Eugène Boudin à Saint-Quay-Portrieux.
Paul Signac (1863-1935) accoste au port du Portrieux en 1888. Il est accompagné de son épouse et d’un ami.

« Paul Signac était logé avec son épouse dans une famille de pêcheurs, son ami dans une autre et ils prenaient les dîners en commun » raconte Manon Savin.
« Il était fréquent à l’époque que les pêcheurs laissent leur maison aux estivants et qu’ils aillent vivre dans l’arrière-pays, chez des membres de la famille. Cela leur permettait de compléter les revenus de la pêche. »

Le peintre, qui donna naissance au pointillisme, séjournera une dizaine de fois à Saint-Quay-Portrieux et consacrera plusieurs toiles à son port.
 


Berthe Morisot (1841-1895) est la troisième artiste-peintre de cette fin du XIXe siècle à venir à Saint-Quay-Portrieux.
Celle qui s’imposera comme la première femme impressionniste, est arrivée explique Manon Savin « grâce aux campagnes de communication qu’elle a vues à la Gare Saint-Lazare de Paris. »
 


La muse d’Edouard Manet logeait dans une maison de granit rose « La villa Roche plate » toujours visible au cœur du Portrieux.

« Des trois peintres, c’est elle qui a le plus produit » précise Manon Savin. « Elle a peint une vingtaine d’œuvres lors de ses séjours au Portrieux. »


La naissance de Portrieux-les-Bains


Eugène Boudin, Paul Signac et Berthe Morisot ont été des vacanciers précurseurs.
Au début du XXe siècle, le tourisme prendra véritablement son essor à Saint-Quay-Portrieux à la faveur notamment de grands travaux d’aménagement entrepris sous le maire Alfred Delpierre (maire de 1919 à 1941).

« C’est le moment, rappelle Manon Savin, où le casino va voir le jour, les courts de tennis, la piscine d’eau de mer. Le cinéma-dancing sera inauguré par Joséphine Baker, des cabines de thalassothérapie seront installées. Et puis, ce sera aussi le début du tout à l’égout et du gaz de ville. »
 


La commune change de physionomie, la plage du Portrieux également. Une promenade est construite, l’urbanisation prend le pas. Reste, inchangée, la vue sur la mer !

« Je ne dirai pas que cette plage m’inspire directement. En revanche, indirectement, oui » affirme Jean-Claude Fournier.
 

Je me sens en osmose complète avec ce coin.

Jean-Claude Fournier
 


Portrieux, le quai des bulles 


« En ce moment, je suis en train de dessiner une scène d’une barge amenant vers un bateau au large de Morlaix, des tirailleurs sénégalais qui retournent au pays après la guerre.
J’ai une grande surface de mer et je me suis surpris à dessiner la mer comme je la vois le plus souvent ici, à dessiner des goélands partout alors que le scénario ne l’exigeait pas du tout ! Pas de doute, je suis imprégné de cet endroit. »

 


Au point pour Jean-Claude Fournier de ne pas se voir vivre ailleurs.

«  Il m’est arrivé par période de vivre dans d’autres coins en Europe ou dans le monde. Il m’arrive encore de me voir poser mon sac ailleurs qu’ici mais pour 4 ou 5 ans maximum. Je suis un peu comme une balle de jokari, j’ai vraiment besoin de revenir ici ! » 

 De 1968 à 1981, Jean-Claude Fournier a animé le scénario et le dessin des aventures de « Spirou et Fantasio » dont il réalisera neuf albums.
Si « L’Ankou » se déroule entièrement dans les Monts d’Arrée (Finistère), Spirou ne s’est jamais aventuré à Saint-Quay-Portrieux.
 
« J’ai eu un projet de scénario dont l’histoire se passait sur le port de Saint-Quay-Portrieux. Mais je ne l’ai pas continué car j’ai arrêté Spirou.
En revanche, j’ai un copain qui a fait une BD entière à Saint-Quay-Portrieux. Il s’agit de Walthéry qui dessine Natacha et de son album «  La mer de rochers ». C’est la seule BD que je connaisse où Saint-Quay-Portrieux est mise à ce point à l’honneur. »

 
Mais le papa de Bizu et des Crannibales, co-fondateur de « Quai des Bulles », le festival de BD de Saint-Malo nous confie un secret : « je suis en train de travailler sur un projet passionnant sur lequel je ne peux pas m’étaler mais dans lequel, par la force des choses, je serai obligé de dessiner Saint-Quay et le Portrieux ! »
 

 
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