Après l’épisode de pollution aux particules fines, les riverains de l’aéroport de Lannion s’interrogent. Comment peut-on demander aux gens de faire des efforts en ne prenant pas leur voiture et en baissant le chauffage et laisser des avions décoller pour le seul plaisir des parachutistes ?
"On est dans un monde de fous, déplore Michel Diverchy, adjoint au maire de Lannion en charge de la transition écologique et membre d’Europe Ecologie- Les Verts. On sait qu’il y a l’urgence du dérèglement climatique, on nous annonce que nous sommes en alerte rouge pollution aux particules fines, et on continue à regarder les avions s’envoler."
Quand il a entendu à la radio que toute la Bretagne était en rouge à cause des particules fines alors que les avions de loisirs volaient au-dessus de sa tête, il a trouvé ça tellement ubuesque, qu’il a pris son crayon :
" Les Côtes d'Armor étaient en alerte aux particules fines durant tout le week-end. Résultat : il était fortement conseillé à la population de réduire les activités physiques (...), La vitesse sur les routes nationales était abaissée de 20km /h (...) Les Côtes d'Armor étaient en alerte aux particules fines durant tout le week-end et les avions ont repris leurs incessantes rotations pour emmener les parachutistes en altitude."
Un aéroport pour les loisirs
Depuis 2018 et la fin de la ligne Lannion-Paris, l’aéroport du Trégor est utilisé pour des activités de loisirs : des sauts en parachute, des vols en ULM. Et au lieu de deux vols réguliers le matin et le soir, les riverains entendent un "bourdonnement incessant" et se plaignent de respirer les gaz de ces avions.
"C’est toute la journée, tous les jours et parfois tard le soir s’agace Anne Giroux membre de l’association Rendez nous le silence dans le Trégor. Hier, un avion a survolé le quartier pendant plus d’une heure. Et parfois, ça sent."
Quand Jacqueline Faure s'est installée à Lannion, elle a vérifié que la maison qu’ils achetaient n’était pas dans le Plan d’exposition au bruit. Elle ne l’est pas… sur le papier, mais dans la réalité, "ça pétarade, et suivant les modèles d’avion, ça dure longtemps, c’est usant et pénible".
Elle est entrée dans l’association il y a quelques mois. Au départ, pour le bruit et puis on a réfléchi à toutes les incidences. Pour l’environnement, pour l’air. "Nous confie Jacqueline, on essaye de limiter notre empreinte carbone et pendant ce temps, d'autres brulent du carburant pour se distraire."
10 litres par personne pour chaque saut
L’association a fait des calculs et estime que pour chaque saut en parachute, ce sont 10 litres de kérosène qui sont brulés, soit l’équivalent de 200 à 250 kilomètres en voiture et que la rotation pour chaque saut va nécessiter 60 litres de kérosène.
Rendez nous le silence dans le Trégor est habilitée par la préfecture pour recueillir les signalements de nuisance. "Ronron dans le ciel", "ronronnement obsédant, bruit de fond,"" ronronnement permanent + odeur kérosène". Elle reçoit régulièrement des témoignages.
Le bruit et l'odeur
Sportif, passionné de course à pied, Michel Diverchy se souvient d’une séquence de "fractionné" avec des enfants à l’ASPTT. "On se faisait du mal, on y allait… et juste à côté de nous, les avions décollaient. Avec le vent, on courait dans les vapeurs de kérosène. J’ai dit, STOP ! On arrête !"
"Je ne suis pas parfait, concède volontiers l’élu, quand j’étais jeune, j’ai fait des stages de moto trial. Mais à l’époque, on ne se rendait pas compte, je ne le ferai plus aujourd’hui. Il est temps que l’on se remette en question, que l’on renonce à ces plaisirs d’enfants gâtés égoïstes. Là, on fait voler des avions du matin au soir pour le bon plaisir de ces petits messieurs."
Aucune interdiction
"Nous avons volé parce que nous avions le droit de voler répond Patrice Bourdy, responsable de 7ème ciel Parachutisme. La pollution venait de la circulation automobile, des épandages agricoles. Rien ne nous interdisait de prendre les airs."
"Nous savons que nous sommes une activité de transports mécaniques, complète-t-il, mais cela ne nous empêche pas d’avoir une conscience écologique. Nous plantons des arbres pour compenser nos émissions, notre objectif, c’est la neutralité carbone. Nous avons signé une charte, fait des modifications de procédure, nous avons une démarche écologique."
Le responsable de l'école de parachutisme refuse d’être le bouc émissaire et précise, "nous avons réduit le nombre de nos vols le week-end dernier pour ne pas augmenter la pollution de l’air."
Ce week-end, la qualité de l'air s'est améliorée, ( même si elle reste moyenne dans les Côtes d'Armor) les avions ont repris leur envol, mais l'adjoint écologiste à la mairie de Lannion, Michel Diverchy s’interroge et se demande s'il ne faudrait pas commencer à réfléchir à tout cela. Il rappelle qu’à "l'heure cruciale où l’on cherche à ne plus dépendre des régimes totalitaires, chaque litre de pétrole doit être économisé". et que chaque année en France, les particules fines sont responsables de 40 000 décès prématurés.