Créateur du festival de street art "Just do paint" à Saint-Brieuc, Bertrand Brinks Keravis est accusé de plagiat par le géant américain Nike. En cause, le nom de son festival, jugé trop proche de "Just do it", le slogan de la célèbre marque américaine. L'artiste breton a dû renommer le festival.
Un macareux moine géant, des portraits monumentaux au regard hypnotisant, des décors marins oniriques… En quatre ans d'existence à Saint-Brieuc, le festival "Just do Paint" aura recouvert d'un voile de rêverie colorée la grisaille de dizaines de pignons d'immeubles et d'habitation.
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À chaque édition, une trentaine d'artistes internationaux sont invités à créer des fresques monumentales sur une vingtaine de murs de la ville, et ce, jusqu'en 2022.
Artiste graffeur professionnel, Bertrand Brinks Keravis a créé ce festival en 2018 et déposé la marque "Just do Paint" auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi).
Nike estime que j'utilise la notopriété de "Just do it" pour faire grimper "Just do Paint" et qu'il peut y avoir plagiat du slogan.
Bertrand KeravisCréateur du festival "Just do Paint" et graffeur professionnel
Quatre ans plus tard, en 2022, alors que le festival vient d'annuler sa dernière édition à cause de dissensions internes, le Costarmoricain reçoit une lettre surprenante : "C'est une lettre de l'avocat de Nike me demandant de cesser toute utilisation de cette marque. Ils estiment que j'utilise la notoriété de leur slogan"Just do it" pour faire grimper "Just do Paint" et qu'il peut y avoir plagiat."
"Surpris" et jugeant la démarche "exagérée", l'artiste engage alors un avocat spécialiste du droit à l'image et de la propriété intellectuelle pour ferrailler devant l'Inpi face au géant américain.
En attendant la décision de l'institut, l'artiste renomme pour une édition son festival "Street art en Baie" et l'organise à Yffiniac dans les Côtes-d'Armor.
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Mais il y a un mois, après deux ans de procédures juridiques, c'est la désillusion : le festival a perdu la bataille.
L'INPI justifie sa décision très précisément en ces termes : "Visuellement et phonétiquement, les signes sont composés d’une expression identique de deux termes JUST DO associée à un terme anglais monosyllabique comportant le son final [te] et positionné en troisième position, à savoir PAINT pour le signe contesté et IT pour la marque antérieure."
Incompréhensible pour le graffeur qui estime que ""Just do" n'appartient pas à Nike". "Nous avions choisi ce nom parce que c'est un festival dans lequel on fait venir des artistes internationaux et qu'en anglais ça marchait bien", assure le graffeur.
Ça n'est qu'un "do", deux petites lettres, seulement
Bertrand Brinks KeravisArtiste graffeur et organisateur du festival "Do Paint"
Faire appel ? "Ça n'aurait fait que rajouter des délais et de l'argent", soupire-t-il alors que le bras de fer contre ce Goliath américain lui aura déjà coûté 4 000 € en frais d'avocats. "Ça n'est qu'un "do", deux petites lettres, seulement", s'étonne encore l'artiste qui a dû se résoudre à renommer son festival "Just Paint".
On est quand même un peu contents de se dire que ça a résonné jusqu'à eux. Ça reste un bon coup de pub.
Bertrand Brinks KeravisArtiste graffeur et organisateur du festival "Just Paint"
Mais Bertrand Keravis l'avoue aussi en souriant : "On est quand même un peu contents de se dire que ça a résonné jusqu'à eux. Ça reste un bon coup de pub… Mais ça en aurait aussi été un si j'avais gagné !"
Libérés de leurs pérégrinations judiciaires, l'artiste et son équipe s'apprêtent à relancer plusieurs évènements liés au street art, sous la marque "Juste Paint" cette fois-ci : à Saint-Pôtan du 11 au 14 juillet, Quéven du 20 au 24 août, ainsi qu'un projet participatif en partenariat avec le Centre Hospitalier Yves Le Foll de Saint-Brieuc.