Parc éolien en baie de Saint-Brieuc, pourquoi l'hydrogène est présenté par les pêcheurs comme une meilleure alternative?

Le comité des pêches des Côtes-d'Armor est toujours opposé à l'implantation d'un parc éolien en baie de Saint-Brieuc. Après avoir demandé l'annulation du projet, les pêcheurs présentent maintenant une alternative aux éoliennes : l'énergie de la houle pour produire de l'hydrogène

Les pêcheurs costarmoricains sont depuis 2011 opposés au projet de parc éolien en baie de Saint-Brieuc. Même si le marché a été attribué à la société Ailes Marines en 2012, ils en demandent toujours l'annulation et multiplient régulièrement les contre-attaques. Ce vendredi 6 février, ils ont réuni les élus du littoral costarmoricain, pour leur présenter une solution alternative qui utilise l'énergie de la houle pour produire de l'hydrogène. C’est une solution développée par la société Hace, qui a déjà installé un prototype à La Rochelle.

La défense d'un territoire de pêche

Si les pêcheurs continuent de marquer leur opposition au parc éolien, c'est qu'avec ses 62 éoliennes de 8 MégaWatts (496 MW au total), il couvrira une zone de 75 km2 sur un secteur de pêche où se trouve l'un des deux grands gisements de coquilles saint-jacques de la baie. Un endroit des mieux préservé des pollutions, entre deux zones Natura 2000.

Problème: rien que l'installation des fondations de ces éoliennes géantes (200 m de hauts et plongeant sous l'eau de 40 m) va générer un dérangement certain des fonds marins, sans compter l'enfouissement des raccordements électriques. Les pêcheurs redoutent que les trois ans de travaux annoncés dorénavant par la société Ailes Marines ne viennent altérer le milieu sur une zone bien plus large quand les courants emporteront les débrits soulevés par les chantiers de fixation des éoliennes.
 

La houle plutôt que le vent

Aux côtés des pêcheurs, l’océanographe Guillaume Langlois, expert en travaux maritimes défend aussi la thèse de l’alternative :

 « On essaye de proposer une solution qui va être réduite en terme de coût et d’impact, et augmentée en terme de retombées territoriales et d’activités pour les pêcheurs. Il y a aussi une volonté des pêcheurs de mettre le pied dans les énergies marines, en apprenant un nouveau métier et en se diversifiant pour faire émerger une [nouvelle] filière »

Au lendemain d'une rencontre avec la ministre de la mer, le comité des pêches avaient donc convié les élus du littoral pour les convaincre qu'une autre production d'énergie est possible, sans impact pour le milieu naturel.
 

Fabriquer de l'hydrogène avec l'énergie des vagues

Le 14 janvier 2021, Jean-Luc Stanek, le PDG de la société HACE (Hydro Air Concept Energy) qui développe cette solution de production d'électricité verte, était venue en personne en présenter le principe. Il s'agit de caissons qui sous l'action de la houle ou même de petites vagues mettent de l'air en pression pour faire tourner une turbine.

L'autre innovation c'est que l'électricité founie par cette turbine va permettre de produire de l'hydrogène par électrolyse de l'eau de mer et donc sans transporter l'électricité par des câbles sous-marin. L'hydrogène produit sur les modules flottants en mer serait directement utilisable comme carburant pour les navires. Les pêcheurs, eux, seraient chargés de régulièrement rapporter au port l'hydrogène. Des flottes de bus ou autres transports collectifs en feraient usage à terre. Cette solution d'éco système (production de mobilité à partir d'énergie renouvelable) est un concept développé par H2X Ecosystems , entreprise qui a déjà ses soutiens en Bretagne et qui vient de lever plus de 3,2 millions d'euros de fonds auprès d'investisseurs. 

Jean-Luc Stanek a aussi souligné l'intérêt de la houle et des vagues qui fournissent plus d'énergie en hiver quand le besoin d'énergie augmente. Surtout, le potentiel de la houle serait trois fois supérieur à celui du vent. Le projet global, a-t-il confié à l'AFP, c'est à dire une ferme houlomotrice de 500 MW, incluant aussi la transformation de 300 bateaux de pêche (qui abandonneront le gas-oil au profit de l'hydrogène), et l'achat de 250 bus à hydrogène, pourrait se réaliser pour un investissement de 2 milliards d'euros.

Enfin, autre argument, cette fois d'ordre esthétique, les caissons flottants très peu haut sur la mer (2 à 3 m) n'auraient pas d'impact sur le paysage.
 

L'énergie la moins chère du monde et la moins carbonée

Présentée comme moins impactantes pour le milieu, ces nouvelles machines font aussi le pari d'une production d'hydrogène très concurrentielle sur le prix du kilowatt-heure. Jean-Luc Stanek a des arguments convaincants: « Moi je sais simplement que notre énergie va être à 15 ou 20 euros par mégawatt-heure c’est-à-dire entre 1,5 et 2 centimes par kilowatt-heure (kWh), c’est-à-dire l’énergie la moins chère du monde et surtout la plus décarbonée du monde. On sera à moins de 0,5 gramme d’équivalent-CO2 par kWh sur l’ensemble du cycle de vie [de l’installation NDLR]»

Forts de tous ces arguments, les pêcheurs voudraient convaincre l'État de revoir sa copie en considérant ces nouvelles alternatives énergétiques.

Installée sur la Technopole Bordeaux Montesquieu, la société Hace a un atout de plus : elle est française. Forte de ses brevets, ses projets intéressent déjà des investisseurs dans le monde. Un projet franco-français qui offrirait en prime des retombées direct pour le territoire, voilà des arguments auxquels certains parlementaires ne peuvent pas manquer d'être sensibles. C'est le cas de Marc Le Fur qui n'y voit que des avantages, non seulement des tarifs bas mais aussi des subventions promises par l'Europe : « L'hydrogène c'est vraiment l’énergie qui est aujourd’hui porteuse et est très soutenue par l’Europe. Donc il faut que nous soyons dans ce projet et que la Bretagne soit en tête, au lieu d’être dépendante des autres. Parce que le projet d’Ailes Marines c’est un projet totalement étranger et depuis la pandémie on sait qu’il vaut mieux être maître chez soi ».
 

Les responsables politiques divisés

En novembre dernier à l'Assemblée nationale, Marc-Le Fur reprochait au gouvernement d'avoir trop facilement consenti des tarifs très élevés de rachat des MW (155 €) que fourniraient les éoliennes d'Ailes Marines, et de les lui avoir garanti pour les 20 prochaines années. Selon lui une rente qui va coûter 4,3 milliards aux finances publiques sur la durée.

Même si il existe encore des recours contre le projet éolien porté par Ailes Marines, rien ne devrait contrarier la poursuite des travaux qui ont déjà commencé sur la côte. Un constat qui ne manque pas d'interpeller les élus au plus près du dossier comme Thierry Simelière, Maire de Saint-Quay-Portrieux et vice-président de Saint-Brieuc Agglomération en charge de la politique de la mer :

« Comment accorder une alternative à un projet déjà très engagé ? Aujourd’hui c’est une difficulté donc il y a nécessité que les acteurs présentent cette alternatives aux élus de la baie de Saint-Brieuc pour voir si on peut avoir une position commune et faire bouger les lignes, notamment au niveau de l’État ».

Le comité des pêches espère capter l'attention de la région Bretagne sur son projet pour que le territoire innove sans mettre en péril l'équilibre fragile de la baie de Saint-Brieuc.

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