Médecin urgentiste au CHU de Saint-Brieuc, Homauon Alipour vient de passer 10 jours en Martinique pour prêter main forte aux équipe soignantes. Ce qu'il en retient : le travail remarquable des soignants martiniquais, la jeunesse des patients atteints par le virus, et l'inquiétude pour l'avenir.
Parti le 10 août avec le premier convoi de 240 soignants métropolitains envoyés en renfort aux Antilles, le docteur Homauon Alipour, urgentiste au CHU de Saint-Brieuc, a pris sur ses congés personnels pour accomplir cette mission de solidarité.
Dès le lendemain de son arrivée, il a été posté dans un service dédié exclusivement aux patients covid, le service de chirurgie viscérale dont les 20 lits ont été réaffectés. "Il y a une montée en charge constante depuis que je suis arrivé. La plupart des services de chirurgie, gynécologie, sont réaffectés. Au total 250 lits médicalisés sont dédiés aux patients covid au sein du CHU de Fort-de-France" explique Homauon Alipour.
Rendre hommage aux soignants Martiniquais
"Les martiniquais font un travail remarquable. Ils ont toutes les compétences et connaissances nécessaires. Ce qu'on leur apporte, c'est un souffle pour qu'ils puissent se reposer. Moi je viens de travailler 10 jours d'affilée pour que mes collègues puissent prendre quelques jours de repos." raconte le médecin.
50 nouveaux patients par jour
"La grande majorité des patients que l'on reçoit sont en détresse respiratoire et nécessitent un apport d'oxygène. Sur ces 10 jours, j'ai aussi eu à traiter deux cas d'atteintes rénale et neurologique sévères."
Un décès par jour
Rompu aux services d'urgences où il travaille depuis les années 90, Homauon Alipour sait prendre du recul sur les situations difficiles auxquelles il est confronté. Même si son ton est calme, il reconnaît que ces 10 jours à Fort-de-France ont été rudes.
"Ici on est frappé par la jeunesse des patients. Les 2/3 ont entre 20 et 50 ans, souvent sans facteurs de risque aggravants. Et parmi les 20-50 ans il y a des décès. On a un décès par jour en moyenne. On a des familles entières hospitalisées, avec des décès, de jeunes enfants qui perdent leur père ou leur mère ..."déplore-t-il.
Pas de traitement radical
Depuis le début de la pandémie, Homauon Alipour observe que ce virus peut occasionner chez les patients une saturation en oxygène du sang particulièrement critique. "On n'a pas de traitement radical pour ce virus. On met les patients qui le nécessitent sous oxygène, sous anti-inflammatoire, mais un décès ne peux pas être exclu. Parfois un décès survient de façon brutale et imprévisible, malgré la surveillance des réanimateurs et infectiologues." explique-t-il.
Vaccinez-vous !
Pour Homauon Alipour, c'est incompréhensible : malgré l'aggravation de la situation sanitaire ces dernières semaines, les antillais ne se vaccinent toujours pas. Aucun des patients qu'il a eu à soigner n'était vacciné. "L'entourage des patients qui sortent de réanimation se sont fait faire la première injection, en général. Mais tous ceux qui ne passent pas par la case réa, leur entourage reste sceptique à propos du vaccin. Moi je leur dis, vaccinez-vous, c'est le seul traitement que l'on a contre ce virus, il n'y a que comme ça qu'on pourra s'en sortir"
La situation n'est pas stabilisée
Alors qu'il s'apprête à quitter Fort-de-France pour retrouver ses patients des Côtes-d'Armor, l'urgentiste s'avoue inquiet de l'évolution de la situation aux Antilles dans les semaines à venir : "C'est encore le variant alpha qui prédomine ici. Le variant delta, qui est encore plus contagieux, n'est pas encore majoritaire, donc on n'a pas encore atteint la phase de stabilisation et encore moins de décroissance, et il est impossible de prédire quand la situation sera maîtrisée" explique-t-il.
Autre source d'inquiétude, l'évolution des pathologies de tous les patients dont les opérations "non urgentes" ont été reportées pour pouvoir accueillir les malades du covid. En métropole, il a pu constater que l'état de santé de certains patients, dont les interventions avaient été déprogrammées pendant la première vague, s'était dégradé au point qu'un traitement curatif ne pouvait plus leur être administré.