Députés et sénateurs ont jusqu'au 19 mars pour se mettre d'accord sur le texte final de la proposition de loi « bien vieillir ». Parmi ses dispositions, la création d'un droit des résidents "à accueillir leur animal domestique" dans les Ehpad. Une proposition qui fait son chemin depuis longtemps dans les établissements, notamment en Bretagne, mais qui n'est pas simple à mettre en place.
Soixante-douze personnes âgées, un chien, un lapin et neuf chats. Tels sont les effectifs de la résidence Kersalic à Guingamp. Cet Ehpad accueille depuis 2016 les animaux des résidents lorsqu'ils en font la demande.
"C'est du bonheur, je ne suis pas toute seule, je suis avec ma fifille!" confie Rosette Cola, qui a emménagé à la maison de retraite avec son chat. De son côté, Evelyne Le Jehan, s'est installée, il y a six mois, dans la résidence avec son mari, mais aussi avec leur chien. "Si notre chien n'avait pas été accepté, on ne serait pas venu !", assure l'octogénaire.
Les animaux qui survivent à leur maître, restent sur place
Parmi les animaux croisés dans les couloirs, des chats qui sont devenus ceux de tous les pensionnaires, car les animaux qui survivent à leur maître restent sur place, à l'Ehpad. Un épilogue fréquent puisque la durée moyenne de séjour d'une personne âgée dans cette résidence est de quatre ans et demi, les résidents ayant en moyenne 85 ans à leur arrivée. Mais la directrice des lieux estime que cet effort n'est pas insurmontable pour les gestionnaires de maison de retraite.
"Est-ce que c'est vraiment problématique si c'est pour le bien-être de la personne âgée, si cela forme un tout pour elle ? On se doit de l'accompagner dans ses désirs de vie."
Corinne Antoine-GuillaumeDirectrice de la résidence Kersalic à Guingamp
De là à généraliser le droit de vivre en Ehpad avec son animal, la question n'est pas complètement tranchée. L'amendement figure bien dans la loi "Bien vieillir" en discussion, mais le Sénat a choisi de laisser la main aux établissements. « Un droit opposable [ou garanti] introduirait un réel risque pour les Ehpad, puisque les animaux peuvent poser des risques sanitaires (allergies, hygiène, chutes et morsures) mais aussi organisationnels en cas d’incapacité du résident de s’en occuper », précisent les rapporteurs du texte.
Règlement intérieur
Se pose également la question de la gestion des animaux au quotidien. Elle risquerait en effet d’incomber en grande partie au personnel des Ehpad, qui dénoncent déjà depuis longtemps leur charge de travail et le manque d’effectifs.
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Sans nier l'intérêt de la présence animale, les directeurs d'établissement souhaitent avant tout garder la main sur le choix et l'acceptation des animaux, et le règlement intérieur auquel résidents et animaux devront se plier. Dans un établissement de Caen, dans le Calvados, deux chats vont et viennent à leur guise et se laissent caresser par les mains parcheminées qui recherchent leur contact. Ce sont les chats de l'Ehpad. Mais le directeur n'imagine pas accueillir les animaux des résidents.
"Nos résidents ne sont plus capables de s'occuper d'animaux, individuellement. Donc ça retomberait sur notre personnel qui ne pourrait pas faire cela en plus."
Patrice AchuretDirecteur de la Résidence Soleil Emera à Caen
Qui paiera les soins vétérinaires ?
Que deviendrait l'animal si son propriétaire était atteint de troubles cognitifs, s'il était hospitalisé, paralysé, ou s'il venait à décéder ? Qui paiera pour sa nourriture, ses soins vétérinaires ? Se pose aussi la question de la définition très floue de "l'animal de compagnie". Rien n'empêche, en théorie, d'y inclure les reptiles, les insectes ou les rats... Tout dépend enfin de la structure des établissements, et des chambres qui ne peuvent pas toutes accueillir des animaux.
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Autant dire que la bonne idée peut rapidement se transformer en cauchemar pour les personnels, les résidents, les familles, voire pour les animaux eux-mêmes. Si l’obligation pour tous les établissements d’accueillir ces animaux est finalement approuvée d'ici au 19 mars, ses modalités pratiques seront définies par décret. Des décrets qui devront trouver un juste équilibrent pour que le droit d'avoir son animal puisse s'exercer, avec le consentement des acteurs du secteur.