Procréation, fin de vie, intelligence artificielle... Les responsables de culte sont bien décidés à se faire entendre lors des états généraux de la bioéthique qui viennent de s'ouvrir. Monseigneur d'Ornellas, archevêque de Rennes devrait se faire la voix du refus de la PMA.
Recevant début janvier les représentants des six principales confessions (catholique, protestante, orthodoxe, juive, musulmane et bouddhiste) pour la deuxième fois en moins d'un mois, Emmanuel Macron avait souhaité les voir prendre "toute" leur "place" dans les débats pilotés par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE). "Sur chacun des sujets que nous aurons à aborder", avait indiqué le chef de l'Etat, "il est impensable de penser trouver le bien commun de notre société" sans "prendre pleinement en considération" les "religions" et "les philosophies qui les accompagnent".
Le CCNE, qui a ouvert ces états généraux le 18 janvier, doit mener à partir de la mi-février une centaine d'auditions d'associations, de sociétés savantes mais aussi d'autorités religieuses. L'Église catholique "compte être présente à divers niveaux, à commencer par les espaces éthiques régionaux" qui se mettent déjà en place, explique à l'AFP Vincent Neymon, porte-parole adjoint de la Conférence des évêques de France (CEF).
La PMA au cœur du débat
L'épiscopat ne manquera pas d'exprimer sa ferme opposition à l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples lesbiens, au nom du refus de "l'enfant sans père". Elle le fera par la voix de Mgr Pierre d'Ornellas (Rennes), responsable d'un groupe de travail ad hoc. Y figure le nouvel archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, ancien médecin féru de bioéthique dont la voix est désormais écoutée.
Même si nombre de catholiques voient l'issue des débats déjà écrite - une loi élargissant la PMA -, le temps n'est plus au choc frontal avec l'exécutif, comme lors de l'opposition au mariage homosexuel en 2012 et 2013. Aujourd'hui, "on ne cherche pas à nous ostraciser et à nous faire taire", se réjouit-on à la CEF. La Fédération protestante de France (FPF) prépare, elle, un texte sous forme d'"interpellations".
Sur des sujets comme la PMA et la fin de vie, les héritiers de la Réforme affichent des sensibilités diverses, des libéraux ouverts à des évolutions jusqu'aux évangéliques, qui le sont moins.
Contre "une société utilitariste"
"Le protestantisme a toujours été dans la marche: on avance et on essaye non pas de s'adapter à la société mais d'assumer cette tension entre liberté individuelle et responsabilité collective", fait valoir auprès de l'AFP le président de la FPF, François Clavairoly. "Aucune confession n'est exempte de débats internes, y compris celles dont on imaginerait qu'elles ont une ligne unique".
Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, voit lui les enjeux autour de la fin de vie comme "la question fondamentale" pour refuser "une société utilitariste". "Certains tentent le hold up avec une forme de conjonction de coordination entre mort et dignité. Notre travail à tous, dans la société, sera de mettre cette conjonction entre vie et dignité", dit à l'AFP M. Korsia, opposé à l'euthanasie.
En se voulant "confiant" sur la "construction de la solution", qui peut être "harmonieuse non pas parce qu'elle correspond à ce que tout le monde attend, mais parce que tout le monde se dit qu'il y a participé en étant entendu un tant soit peu". Quant au Conseil français du culte musulman (CFCM), même s'il est mobilisé sur d'autres priorités, comme celle de renforcer son organisation afin de peser face à la radicalisation, il n'entend pas déserter ce chantier médiatique. Son conseil religieux doit émettre un avis pour le 31 mars. "L'éthique musulmane est basée sur le respect de l'être humain. Après, c'est aux politiques de prendre leurs responsabilités", glisse prudemment le président du CFCM, Ahmet Ogras.
Attention, prévient le pasteur Clavairoly, qui préside l'informelle conférence des responsables de culte: parler d'un "front des religions" n'a pas de sens, vu les différences d'approches et de perspectives. Mais elles sont fondées à s'exprimer, "au même titre", dans "la République", que d'autres courants de pensée.