A Brest, les salariés de Bibus en grève depuis 3 semaines. "On nous impose des temps de parcours intenables"

Cela fait trois semaines que les salariés de Bibus sont en grève et opèrent un débrayage de 59 minutes chaque jour. Depuis l'arrivée de RATP-Dev à la tête du réseau de transport de la métropole brestoise en 2019, ils constatent une dégradation de leurs conditions de travail. Et alertent sur les temps de parcours des bus "qui ne collent pas à la réalité du terrain". Conséquence : les retards s'accumulent, les conducteurs sont sous pression. Témoignage.

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A son compteur Bibus, Ronan Nédélec affiche onze ans d'ancienneté. Comme une majorité de ses collègues depuis trois semaines, il débraye 59 minutes par jour pour alerter sur l'organisation de travail qui met les conducteurs de bus sous pression.

En cause : les temps de parcours imposés par la direction du réseau de transport de la métropole brestoise dans une ville où la circulation est devenue difficile. "Si on respecte le code de la route, les délais sont impossibles à tenir, constate-t-il. Surtout qu'ils ne correspondent plus du tout avec la réalité du terrain puisque les zones urbaines limitées à 30 km/h se sont développées"

"22 minutes, ce n'est pas possible"

Le conducteur de bus cite, en exemple, un départ à 18h11 d'Océanopolis vers Liberté que RATP-Dev, le délégataire du réseau depuis juillet 2019, modélise en 22 minutes. "Par curiosité, j'ai tapé l'itinéraire sur Google Maps. 22 minutes, c'est le temps de trajet pour une voiture, relève Ronan. Sauf que nous, avec un bus, on a des arrêts à opérer, on ne passe pas partout de la même manière qu'un véhicule, le parcours est sinueux. 22 minutes, ce n'est pas possible, à moins d'être en excès de vitesse".

Les conducteurs font face à ce que le délégué syndical CFDT de Bibus appelle des "injonctions paradoxales". "Soit on respecte les limitations de vitesse et auquel cas les bus ne sont pas à l'heure et la qualité de service n'est pas rendue, analyse Luc Daniel. Soit on rend le service aux clients en ne respectant pas le code de la route, avec le risque de perdre son permis et de provoquer des accidents".

"Mon permis, c'est mon emploi"

À bord des bus, ce n'est pas tant le compteur de vitesse que les conducteurs surveillent mais le système d'aide à la conduite qui minute, en temps réel, leurs trajets, et indique s'ils sont en retard. "Ils sont en tension tout le temps, analyse le syndicaliste. L'entreprise a beau jeu de pondre une note de service qui rappelle que le respect du code de la route prime sur la ponctualité au client car, au final, elle calcule des temps de parcours qui ne collent pas avec le réel et obligent les conducteurs à rouler plus vite".

Ronan Nédélec, lui, a fait son choix : quand il conduit, il ne quitte pas son compteur de vitesse des yeux. "Mon permis, c'est mon emploi, dit-il. En cas d'accident, je suis le seul responsable. La RATP sait que ce qu'elle vend aux clients sur le papier n'est pas vrai".

Nouveaux horaires

Entre la direction locale et les salariés de Bibus, le dialogue est devenu difficile. Voire inexistant. Le suicide d'un conducteur début novembre a laissé des stigmates profonds. "Le lien de confiance est rompu" observe Luc Daniel, lequel explique que les négociations dans le cadre du préavis de grève se déroulent avec le DRH régional de RATP-Dev. Ambiance. "Les choses avancent mais ils sont allés tellement loin dans les dysfonctionnements depuis trois ans que l'exigence des gens de terrain est légitime".

Ce 28 novembre, Bibus annonce, dans un communiqué, avoir mis en place des nouveaux horaires sur cinq lignes du réseau de transport "pour améliorer la ponctualité des bus". "Ils rallongent le temps de parcours d'une minute là où on cumule déjà 5 à 6 minutes de retard, souligne Ronan Nédélec. Autant dire que tout ne va pas s'arranger tout de suite".

Expérimentation

Les représentants du personnel ont obtenu qu'une expérimentation sur les temps de parcours soit menée pendant les deux prochaines semaines. Elle concerne cinq lignes urbaines et une ligne interurbaine.

Des bus vont circuler, en respectant les limitations de vitesse et sans prendre de passagers, à deux périodes de la journée : le matin de 6h à 13h30 et l'après-midi de 13h30 à 21h30. Ils marqueront un arrêt d'une dizaine de secondes à chaque station.

Ronan Nédélec s'est porté volontaire pour cette expérimentation. "En plus du système d'aide à la conduite, le bus sera équipé d'un autre boîtier pour récupérer différentes données, explique-t-il. On aura également une feuille de route sur laquelle on pointera l'heure d'arrivée à chaque arrêt, ce qui permettra de calculer concrètement les temps de parcours".

Une base de travail "qui va servir de référence pour remettre tout à plat dès février 2023" note Luc Daniel. Reste l'équation économique. Pour que les bus arrivent à l'heure, sans rogner sur les temps de parcours ni la santé des conducteurs, "il faut des moyens humains et matériels supplémentaires, analyse le syndicaliste. On nous avait promis 22 bus en plus en 2021. On en a eu 5 dont 2 seulement sont en capacité de rouler. Les promesses non tenues, on n'en veut plus".

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