Brest. Après le suicide de leur collègue, les salariés de Bibus en grève. "C'est le travail qui l'a tué"

Ni bus ni tramway ne circulent à Brest ce 7 novembre. Après le suicide d'un conducteur de bus ce samedi, les salariés du réseau de transport de la métropole brestoise sont en grève. Ils se sont retrouvés au siège social de Bibus pour un hommage à leur collègue. Entre tristesse et colère contre une direction qu'ils jugent "responsable" de la mort de cet homme de 52 ans.

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Sur les visages des salariés de Bibus, des larmes. Et dans les têtes, la colère, après le suicide de leur collègue. L'homme, âgé de 52 ans, marié et père de deux enfants, a mis fin à ses jours à son domicile, samedi. "C'est le travail qui l'a tué, affirme Luc Daniel, délégué syndical CFDT. Didier l'a d'ailleurs écrit dans un message avant de se donner la mort. Il parle de trahison de la part de notre direction"

Sur la grille, à l'entrée du siège social du réseau de transport de la métropole brestoise, une banderole claque au vent, sur laquelle sont écrits ces mots : "un homme est mort" . Des bouquets de fleurs ont également été accrochés par les salariés qui opèrent, ce 7 novembre, un débrayage. Ni bus ni tramway ne circulent à Brest.

La direction annonçait, dans un communiqué publié le 6 novembre, la tenue d'un CSE extraordinaire. Ainsi que la mise en place d'une cellule psychologique. "On n'ira pas au CSE, indique Luc Daniel. Là, on a besoin de se retrouver entre nous, de faire notre deuil et de souffler un peu".

"On prend acte du mouvement, indique Paul Gardey de Soos, directeur de RATP-Dev Brest, le délégataire du réseau. On comprend bien le choc pour tous les salariés".

"Management violent"

Très éprouvée, la veuve de Didier Cabon est venue, ce lundi matin, à la rencontre des collègues de son mari, rassemblés pour un hommage. "Elle est détruite, relate le délégué syndical. La direction voulait la voir, elle a hésité puis y est allée et leur a dit, bien en face : 'j'ai vu le visage de ceux qui ont tué mon mari'. Et elle a raison. La RATP a déshumanisé notre entreprise. Nous subissons un management violent".

Comme d'autres conducteurs, le salarié, qui travaillait chez Bibus depuis 30 ans, avait une double fonction : quand il n'était pas au volant de son bus, il était agent d'intervention sur le réseau. Un poste qu'il occupait depuis trois ans. "Cette petite promotion sociale, il en était fier, souligne Luc Daniel. Il aimait la polyvalence. Il s'était formé en conséquence. Et il y a huit jours, la direction lui a dit qu'il devrait retourner à la conduite plein pot et que son avenant pour cette deuxième fonction n'était pas reconduit. Elle lui a volé sa dignité d'homme".

"C'était un chouette collègue"

"C'était quelqu'un de juste, de droit" se souvient le délégué syndical CFDT qui constate que, "chez Bibus, il n'y a pas de place pour les gens comme ça dans le management actuel où les plus faibles trinquent. On en veut à la RATP qui est en train de détruire notre entreprise".

Thierry, conducteur depuis 20 ans, dit son "dégoût" et a du mal à masquer son émotion. "Notre collègue, il faisait bien son travail, il aimait ce qu'il faisait, raconte-t-il. Il était toujours prêt à rendre service".

Il constate "la dégradation des conditions de travail" depuis l'arrivée de RATP-Dev, filiale de la RATP, à la tête du réseau de bus urbain en juillet 2019. "Avant, quand un conducteur entrait chez Bibus, on savait qu'il y ferait toute sa carrière. Maintenant, il y a des démissions. On a une direction qui a laissé tomber le côté humain".

"On a un sentiment de tristesse, témoigne Magali, très émue. C'était un chouette collègue. Mais on se sent seuls aujourd'hui. Pourquoi autant d'arrêts maladie chez Bibus ? Pourquoi autant de temps partiels ? Ces questions-là devraient alerter la direction et voilà où on en est. Notre collègue n'est plus là. C'est un choc énorme".

Grève le 10 novembre

Un préavis de grève, déposé depuis le 24 septembre pour cette semaine, pointe d'ailleurs une organisation qui, selon la CFDT, "met les conducteurs de bus sous pression". Il y est surtout question des temps de parcours imposés dans une ville où la circulation est difficile. "En gros, on nous demande de rouler plus vite que le tram qui, lui, est en site propre, analyse Luc Daniel. La RATP a modélisé des temps de parcours mais la théorie, c'est bien joli surtout quand elle ne prend pas en compte le réel. On est coincé dans un étau, entre des clients qui veulent des bus à l'heure et une direction qui augmente la cadence sans tenir compte de la réalité de la circulation à Brest".

"Les conducteurs sont essorés, relève Thierry. Tout va de travers dans cette entreprise". Le suicide de ce salarié fait grimper la tension d'un cran supplémentaire. "D'autant que nous alertons la direction sur les conditions de travail dégradées depuis longtemps, s'insurge Luc Daniel. Mais elle s'en fout. On a même reçu un message interne ce week-end nous demandant de reprendre le boulot normalement ce lundi matin, alors que notre collègue s'est tué. C'est d'un cynisme !".

Le directeur de RATP-Dev Brest estime, pour sa part, que "les clients n'ont pas à pâtir de cet événement-là. D'où l'envoi de ce mail. Nous pensions qu'il y avait moyen d'assurer le service au public tout en faisant notre deuil".

Le 10 novembre, bus et tramway seront à nouveau à l'arrêt. Cette journée de grève aura un écho particulier puisqu'elle coïncidera avec les obsèques de ce chauffeur de bus de 52 ans.

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