En 1984, Brest a lancé le "Défi brestois", qui consiste à ne pas boire d'alcool pendant trois jours. Cette campagne de prévention a précédé de 30 ans le "Dry January" britannique.
Ne pas boire une goutte d'alcool pendant... trois jours : tel était à l'origine le but du "Défi brestois", lancé en 1984. Souvent tournée en dérision, cette opération a pourtant précédé de 30 ans le "Dry January" britannique, qui consiste à ne pas boire pendant un mois.
Une idée qui date des années 70
Dès les années 70, l'association locale La Bouée, propose de ne pas servir de boissons alcoolisées pendant plusieurs jours dans les restaurants brestois.
En 1984, l'opération est étendue à toute la ville dans le cadre du "Défi brestois", organisé par le comité local de promotion de la santé.
"Dans un premier temps, ça a fait sourire, ça a été critiqué et ça a eu du mal à être soutenu par les institutions" qui craignaient la stigmatisation de la ville, raconte le Dr Pierre Bodenez, 69 ans, ancien responsable du service d'addictologie du CHU.
L'idée est alors de tester sa dépendance à l'alcool. "Trois jours, quoiqu'un peu court, c'est un bon test. Si on passe ce cap sans souffrir du tout, c'est bon signe", expliquait en 1985 le Dr Jean Maisondieu, à l'origine de l'opération.
"A l'époque, on avait des alcoolémies à 0,7 ou 0,8 gramme le midi"
Le rendez-vous revient tous les deux ans, accompagné de nombreuses animations, conférences et dessins humoristiques.
Des campagnes d'éthylotests sont même menées dans les rues de la ville où les passants sont invités à évaluer leur propre degré d'alcoolémie. "A l'époque, on avait des alcoolémies à 0,7 ou 0,8 gramme le midi", se souvient le Dr Bodenez.
"C'était une action de prévention très originale et pas moralisatrice", salue Bernard Basset, président de l'association Addictions France et médecin spécialiste en santé publique. "Il n'y avait pas d'équivalent en France."
Fort de son succès, le concept va essaimer dans quelques villes bretonnes comme Landerneau, Lorient, Dinan, ou encore Morlaix et même en Seine-Saint-Denis ou dans le Nord de la France.
La dernière édition se tient en 2013, au moment même où le "Dry January" émerge au Royaume-Uni. "On n'était plus en adéquation avec les nouveaux modes de consommation", explique M. Bodenez.
Une mode de consommation qui évolue avec le temps
Car en effet; en 30 ans, la consommation quotidienne a laissé la place à des alcoolisations plus ponctuelles mais massives, notamment chez les plus jeunes, ce que l'on appelle le "binge drinking".
Près de 40 ans après la première édition du défi brestois, quel est son réel impact ? "Difficile à évaluer", répond prudemment le Dr Bodenez, en remarquant que la consommation a beaucoup reculé partout en France pendant cette période.
En 2019, quand le "Dry January" débarque en France, l'État refuse de soutenir ce mois sans alcool, finalement organisé par des associations partout en France, notamment à Brest.
Et même si aujourd'hui cette initiative est régulièrement moquée, la ville finistéroise avait tout de même un certain temps d'avance.
(Avec l'AFP)