L'ENSTA Bretagne et son équipe de roboticiens viennent de développer un premier prototype de respirateur artificiel qui pourra détecter automatiquement les besoins en oxygène des patients. Un projet mené avec l'hôpital de Brest.
Imaginez un respirateur artificiel doublé d'un système d'oxygénation à haut débit, piloté par l'intelligence artificielle et qui permettrait de "personnaliser" de manière plus fine la ventilation des patients en réanimation. C'est en substance le prototype que l'ENSTA Bretagne (Ecole nationale supérieure de techniques avancées) vient de mettre au point, en partenariat étroit avec le CHU de Brest. Et plus spécifiquement le service de réanimation du professeur Erwan L'Her.
"Très prometteur"
Aux commandes de ce projet : Thomas Le Mézo, ingénieur diplômé de l'ENSTA dont le domaine de recherche porte d'ordinaire sur la robotique sous-marine. Avec l'épidémie de Covid-19 et au plus fort de cette crise sanitaire, le jeune doctorant a donc réorienté son travail. "Ce n'est pas si éloigné de la robotique au final, sourit-il. Un respirateur, c'est un peu comme un robot, même si le médical, je n'y connaissais pas grand chose".
L'équipe de roboticiens de l'ENSTA s'est donc plongée dans la documentation relative à la ventilation artificielle et a longuement échangé avec le professeur L'Her, lequel ne cache pas son enthousiasme. "Ce premier prototype mise sur une technologie plus sophistiquée que celle utilisée dans les autres gros projets en cours, explique le médecin. C'est très prometteur car il nous donne la capacité d'avoir la main sur le logiciel qui pilote le ventilateur". Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui car, comme le rappelle le chef du service de réanimation de l'hôpital de Brest, "un respirateur, c'est une boîte noire avec des réglages donnés qui nous laissent moins de marge de manoeuvre".
Un respirateur plus intelligent
Le prototype réalisé par l'ENSTA permet donc d'injecter dans la machine des caractéristiques propres au patient. Et ce, pour réguler en temps réel et de manière automatique le débit, le volume et le taux d'oxygène dont il a besoin. "Il existe deux types de respirateurs, souligne Thomas Le Mézo. Ceux qui sont invasifs et qui nécessitent que le malade soit lourdement endormi. Et il y a le système non-invasif, plus compliqué à fabriquer car il nécessite davantage de capteurs pour mieux détecter quand le patient a envie de respirer. Nous avons choisi d'améliorer la technologie de ce dernier type de ventilation".
Une sorte de respirateur plus intelligent, doté d'une technologie plus poussée."On redéveloppe ce qui existe déjà, on s'en inspire, note le chercheur de l'ENSTA. On a re-conçu un respirateur complet et fabriqué un certain nombre de capteurs. Ce qui est également différent et nouveau, c'est que l'on propose des algorithmes que l'on peut maîtriser, via l'intelligence artificielle. On applique notre expertise en robotique au médical puisque nous savons déjà construire des systèmes autonomes complexes".
Premiers essais sur simulateur
"Ce respirateur artificiel au concept très intéressant n’arrivera peut-être pas à temps pour traiter les patients de la première vague de Covid-19, par contre il nous permet d’envisager des pistes majeures d’innovation dans le domaine de l’automatisation de la respiration artificielle" remarque le professeur L'Her.
Les premiers essais, réalisés à l'hôpital sur un simulateur, sont "plutôt concluants, indique le médecin. L'idée maintenant est de faire avancer ce projet de collaboration dans le temps, de l'amener à un niveau de maturité et d'en breveter des parties spécifiques".
Partager cette technologie qui intègre l'intelligence artificielle avec d'autres équipes de recherche, comme celle de Makair à Nantes qui planche sur un projet de respirateur exclusivement dédié au Covid-19, c'est aussi l'objectif visé par les roboticiens de l'ENSTA. "Eux, ils sont dimensionnés pour aller jusqu'aux essais cliniques, indique Thomas Le Mézo. On est en train de voir comment on peut les aider à améliorer leur système avec ce que nous avons mis au point de notre côté".