Traite d'êtres humains dans une entreprise de volailles. De la prison ferme requise contre les gérants

De une à quatre années de prison ferme ont été requises contre les deux gérants de la société de ramassage de volailles Prestavic. Ils comparaissaient ce jeudi 25 mai 2023 devant le tribunal correctionnel de Brest pour avoir employé 17 personnes en situation irrégulière dans des conditions indignes.

La procureure de Brest a requis, ce 25 mai 2023, quatre ans de prison ferme avec mandat de dépôt contre le gérant de la société bretonne Prestavic.
Une peine de deux ans de prison, dont un avec sursis, a été requise contre sa conjointe  jugée pour complicité. 
Cette dernière, ancienne ramasseuse de volailles arrivée de Côte d'Ivoire en 2017, est soupçonnée d'avoir participé au recrutement de plusieurs de ses compatriotes, à qui le couple promettait une régularisation.

"Traités comme des petites-mains"

Un premier procès avait eu lieu le 13 octobre 2022. Les prévenus, absents, avaient été condamnés, mais la procédure avait été annulée.

Les salariés, pour la majorité des Ivoiriens, étaient venus raconter devant le tribunal de Brest "l’enfer" dans lequel ils avaient travaillé durant des années. Travail de nuit durant 16 heures d'affilée payées 500 à 800 euros par mois...

Ces dix-sept employés d'origine africaine ont, pendant des mois, été exploités, traités comme des "petites mains" par la société de ramassage de volailles Prestavic, basée dans le Nord-Finistère.

Deux mois plus tard, le 15 décembre dernier, le tribunal de Brest avait condamné le gérant de société à deux ans de prison ferme et 15.000 euros d'amende pour traite d'êtres humains. Son épouse avait écopé d'un an de prison dont 6 mois ferme. Le couple devait par ailleurs verser plus de 150.000 euros à leurs anciens salariés au titre de préjudice moral.

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Premier délibéré annulé

Ce n'est donc pas un procès en appel mais l'audience du 15 octobre dernier qui s'est rejoué ce 25 mai devant le tribunal de Brest, au grand dam des victimes. Toutes les avancées obtenues en décembre 2022 sont désormais caduques, à commencer par l'obtention d'un titre de séjour.

"Le premier procès avait permis de bénéficier de la reconnaissance de traite d'êtres humains. On reconnaissait qu'il y avait des problématiques liées à leur travail... Cela leur avait aussi permis d'obtenir un titre de séjour de dix ans" indique Marc Corbel, secrétaire général CGT à Morlaix.

Deuxième procès "caricatural" ?

Pour l'avocat des gérants de Prestavic, ce deuxième procès est biaisé : "Ce dossier est devenu caricatural puisque ceux qui accusent ont un intérêt, ils veulent un titre de séjour. Vu l'importance pour les salariés, les plaintes sont un peu accentuées parce que, je le rappelle, s'il y a condamnation, leur titre de séjour sera valable pour dix ans" considère Maître Pierre Tracol.

Une analyse évidemment contestée par l'avocat des anciens salariés, Maître Mehdi Bouzaida : "Les salariés n'ont pas été à l'initiative de cette plainte pour traite d'êtres humains. C'est l'Inspection du travail, sur un certain nombre de constatations qui a considéré qu'il y avait suspicion de traite d'êtres humains. Les salariés n'ont été entendus qu'ensuite." 

Selon lui, ce titre de séjour est plus que justifié : "C'est justement pour leur permettre de parler ! Tant qu'il n'y a pas un minimum de protection, ces gens restent sous les radars et dans la clandestinité. Ils ne veulent pas faire état de leur situation."

L'enjeu est de taille : les peines encourues pour traite d'êtres humains sont plus lourdes que celles pour violation du Code du travail.

Le tribunal rendra son jugement le 6 juillet prochain.

(Avec Catherine Aubaile)

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