A Saint-Sauveur, dans le Nord Finistère, des sans-papiers portent plainte pour "traite d'être humain" contre leur ancien employeur. Ils dénoncent des heures impayées et surtout la promesse d'une régularisation jamais tenue. L'ex-patron de cette société agro-alimentaire dément les accusations.
L'accusation est lourde de sens : "traite d'être humain". Trois des 17 salariés en situation irrégulière rapportent tous à peu près le même témoignage. C'est avec le soutien de l'Union locale de la CGT de Morlaix qu'ils ont donc décidé de dénoncer leur conditions de travail.
"Il nous a promis des papiers"
Parmi eux Kévin et Désiré, deux Mauriciens arrivés en France en 2017 pour travailler. Ils étaient employés par la Société Prestavic, spécialisée dans les prestations de ramassage de volailles, basée à Saint-Sauveur dans le Finistère et mise en liquidation judiciaire le 15 décembre dernier.
Embauchés sans papiers et sans contrat de travail, ils dénoncent aujourd'hui leur employeur. D'une part, pour les conditions de travail abusives. D'autre part, pour une demande de régularisation que l'employeur n'a jamais réalisée.
Il nous a promis qu'il allait nous donner nos papiers, qu'il allait faire les démarches à la préfecture... à chaque fois qu'on y va, il n'y a rien.
Des fois, quand on allait travailler de nuit chez un éleveur, on n'avait même pas de quoi se changer, il fait froid puis on tombe malade puis on reste à la maison et il nous "gueule dessus" ! On devait être présent chaque jour.
"Un énorme moyen de pression"
Sur les 23 salariés de l'entreprise, ils étaient 17 en situation irrégulière. La CGT de Morlaix les accompagne face à l'employeur. "C'était un énorme moyen de pression qu'il avait pour les garder sous sa coupe, explique Nadine Châtelain, responsable juridique de l'union locale CGT. Ils attendaient leur papiers avec impatience. Alors que ces salariés étaient venus en France pour cela".
L'Inspection du travail a lancé une instruction. A noter que, confronté à un manque de main d'oeuvre, une entreprise a le droit d'embaucher des personnes sans-papiers, sur autorisation de la préfecture. Mais la démarche n'a pas été faite.
Face aux accusations de ces ex-salariés, le gérant de la société se défend. "Quand vous avez 17 personnes qui se mettent contre vous et disent tous la même chose, je comprends très bien que je puisse passer pour un esclavagiste, indique Marc Szambelan, mais c'est n'est pas de cette façon là que je les employais. J'ai toujours eu de bonnes relations avec eux. J'ai omis de faire cette déclaration à la préfecture, d'accord, mais qu'on ne vienne pas me dire que je les ai menacés".
Le conseil des prud'hommes devra se prononcer sur les conditions de travail. Et c'est via le tribunal d'instance que la question de l'esclavagisme pourrait ensuite être jugée.