Le procès fleuve du Mediator s'est achevé à Paris. Le jugement sera rendu en mars 2021."Le tribunal a désormais toutes les cartes en main pour rendre la justice", estime Irène Frachon la pneumologue brestoise qui avait révélé le scandale. Et qui rappelle "que les victimes ont pris perpète ! "
"Ce fut un procès… soigné. Tout a été mis sur la table. Le tribunal, qui connaissait admirablement son dossier, a désormais toutes les cartes en main pour rendre un jugement conforme au droit."Voilà en deux mots comment Irène Frachon, la pneumologue brestoise qui avait révélé le scandale du Mediator, analyse le procès fleuve des laboratoires Servier et de l'Agence du médicament, qui vient de s’achever devant le tribunal correctionnel de Paris.
517 heures d’audience depuis septembre, 6.500 personnes parties civiles. Le jugement sera rendu le 29 mars 2021.
Pour Irène Frachon, ces 7 mois de procès, "ce temps incroyable, a permis d’entendre toutes les parties de façon contradictoire, d’examiner toutes les pièces, tous les témoignages."
"On était inquiet, on a été rassuré. La souffrance des victimes, leurs colère aussi, ont été entendues. Et ça n’a jamais été un procès spectacle. Tout s’est toujours déroulé dans la dignité."
Irène Frachon : "un jugement fin mars 2021, c’est loin, mais paradoxalement rassurant..."
Les victimes vont encore devoir attendre de longs mois, mais elles attendent depuis si longtemps qu’on n’est plus à 9 mois près.
"Le délai est logique. Il y a beaucoup de prévenus, des milliers de parties civiles, des questions juridiques très complexes. C’est un jugement hâtif qui aurait été inquiétant" ajoute la pneumologue brestoise.
Pour la pneumologue, 30 ans de combat contre les laboratoires Servier
"Ce long combat, c’est une expérience qui m’a profondément ébranlée. Je me suis engagé il y a 13 ans contre le Mediator. Mais l’histoire dramatique et scandaleuse de ces coupe-faim, je l’avais déjà croisée une première fois il y a 30 ans quand j’avais 27 ans et que je débutais.
A l’époque, c’était avec l’Isoméride. En fait, je constate aujourd’hui que j’ai consacré toute ma carrière à prendre en charge les victimes du laboratoire Servier, ce laboratoire français qui a toujours pignon sur rue. Ça a marqué ma vie, et changé mon regard sur le système médical français que j’avais pourtant commencé par porter au pinacle.
Ça fait 30 ans que je m’occupe de gens qui souffrent et qui meurent parce qu’ils ont été intoxiqués par des amphétamines trafiquées qui étaient destinées à les faire maigrir. On a été obligé de se battre, d’être offensif.
Après l’éclatement du scandale du Médiator, le laboratoire Servier n’a pas voulu assumer ses responsabilités. Il a fallu montrer les dents, c’était très pénible, désagréable, on n’avait pas le choix. Cette affaire a marqué ma vie, perverti mon expérience professionnelle. Ma vocation médicale, c’était pas çà…"
La pneumologue brestoise espère désormais "travailler désormais plus sereinement"
"La fin de ce procès, c’est une étape majeure que nous attendions depuis des années. Toujours espérée, toujours repoussée.
Aujourd’hui, on est confiant sur le fait que la justice sera rendue et j’espère recommencer à travailler plus sereinement sans avoir constamment cette histoire en tête, consacrer mon temps et mon énergie à mon métier de médecin des hôpitaux, de pneumologue. Cette affaire a aussi pesé sur les équipes avec lesquelles je travaille, je n’étais pas toujours disponible. Je suis contente que celà s’arrête."
"Mais ce n'est pas fini... les victimes ont pris perpète !"
"Le procès s’arrête, mais quoi qu'il arrive, les victimes ont déjà pris perpète. Certaines vivent avec des complications très graves. Et beaucoup d’entre elles ont entamé des démarches indemnitaires qui n’ont pas abouti depuis dix ans.
Des liens ont été tissés. Alors je vais rester à leurs côtés. On va continuer à se battre, et à pleurer ensemble. C’est pas fini."